La prière du Maire!

Les graves conséquences d'un vide politique.

Tribune libre

La vraie notion de la laïcité, ce n’est pas le refus des religions, mais le respect de toutes les religions et de ceux qui les pratiquent. Ségolène Royal.

Le vide politique en matière de laïcité au Québec donne lieu, de ces temps-ci, à une barbarie verbale digne des années de l’Inquisition! Beaucoup de citoyens de Saguenay et d'ailleurs au Québec, ont fait parvenir au Mouvement Laïque Québécois des commentaires dont plusieurs sont des menaces qui pourraient faire l'objet de poursuites judiciaires. Jetez un coup sur la page ‘’Les amis du Maire’’ : http://amisdumaire.wordpress.com/
Des commentaires encore plus laids que tout ce que nous avons entendu à la Commission Bouchard Taylor. Dans les pires moments de cette commission, je n'ai pas entendu des propos aussi haineux, aussi racistes et parfois même homophobes à l'encontre d'un mouvement citoyen dont le Québec doit être fier. Un Mouvement Laïque Québécois qui aura le mérite d'avoir renforcé la démocratie participative au Québec.
Ce qui ressort de ces commentaires, c'est d'abord un aveuglement total devant un fait simple. La décision d'interdire la prière à l'hôtel de ville de Saguenay et de retirer le crucifix de la salle du conseil municipal, n'est pas celle du Mouvement Laïque Québécois, mais celle de la Justice. C'est une femme juge du Tribunal des droits de la Personne du Québec qui a produit une analyse juridique lui permettant de prononcer un jugement selon des critères établi par les deux législatures, québécoise et canadienne. Dans son jugement, elle fait référence aux deux chartes québécoise et canadienne adoptés par nos élus. Donc, selon des critères qui n'ont rien à voir avec le Coran ou la Bible. Rien à voir avec les Talibans ou les témoins Jehovas.
Apparemment, il est très difficile pour certains citoyens québécois de comprendre une chose aussi simple. En définitive, cette décision juridique est aussi la leur, elle provient d'une instance démocratique fondée sur ce qui fait consensus au Québec. En tant que mouvement citoyen, le rôle du MLQ est de rappeler la neutralité de l'État amorcée avec la révolution tranquille et reconnue par les chartes.
Ce qui ressort aussi de ces commentaires, c'est la confusion et l'ignorance indécrottable sur un principe fondamental de la démocratie, la laïcité des institutions publiques. On ne parle pas d'interdire les clochers, la croix de Montréal ou les noms de rues et de village. On parle de protéger les institutions de l’État des influences religieuses.
Comment faire comprendre à certains citoyens du Québec que la laïcité n'est pas l'athéisme ? Que la laïcité n'est ni pour ni contre la religion. Que la laïcité c'est la liberté de conscience de chaque citoyen. Et pour protéger cette liberté, une religion quel qu’il soit ne peut pas s'imposer dans un espace civique comme celui de l'hôtel de ville et celui du parlement. Ce sont des assemblées qui ont pour fonction de représenter tous les citoyens. Or les citoyens du Québec ne sont plus d'une seule religion.
Ceux qui évoquent le patrimoine historique pour justifier le maintien du crucifix au Conseil municipal (ou à l'assemblée nationale) oublient que c'est seulement depuis 1936 que le crucifix est accroché à l'Assemblée Nationale sur ordre de Duplessis. Un pacte entre l'État et l'Église qui s'est avéré très rentable politiquement pour Duplessis. La laïcité est née pour mettre fin à cette relation incestueuse entre le politique et le religieux. Le comportement du maire de Saguenay dans ce dossier donne à la laïcité sa raison d'être puisqu'il utilise la religion comme instrument de manipulation de l'opinion publique à des fins politiques.
Quand le maire fait appel aux dons des citoyens pour lui permettre d'aller en appel contre le jugement du Tribunal des droits de la personne, comment ne pas voir dans cette action une manipulation politique ? Comment ne pas y voir une façon indirecte de se donner du capital politique ? Et comment ne pas voir un geste politique dans le fait de défier publiquement le jugement du Tribunal ? Regardez sur le site de la Ville de Saguenay http://villeenaction.com/ . Dans ce clip auto-promotionnel on voit le maire en compagnie d'un prêtre de la Beauce en train d'exhiber un chèque de 4078$. Un don des paroissiens. Apparemment, l'Église est l'œuvre. Le MLQ existe aussi pour démasquer ce genre de manœuvres politiciennes.
Par ailleurs, faut-il rappeler que des siècles de guerre de religion ont eu lieu à cause du mélange explosif entre le politique et le religieux. La laïcité est née aussi de cette urgence de mettre fin à la guerre entre des peuples de différentes religions. La fougue religieuse a été longtemps mise au service de la conquête des territoires. Aujourd'hui, on utilise la religion (ou ce qui en reste) à la conquête des votes. Pire, on instrumentalise des préoccupations identitaires à des fins politiques. C'est Victor Hugo qui a le mieux résumé l'urgence de mettre fin au jeu politico-religieux: "L'État chez lui, l'Église chez elle".
Dans un Québec de plus en plus multiculturelle, la laïcité est la solution pour une meilleure cohabitation entre les citoyens. La prière, le crucifix, pas plus que le voile ou le kirpan n'ont leurs places dans les institutions civiques, encore moins dans les assemblées politiques. Il est impératif de protéger la diversité religieuse au Québec de toute récupération politique.
Les évènements au Saguenay sont une occasion en or pour mieux comprendre le concept de laïcité. Et si les amis du Maire de Saguenay commençaient par comprendre que la laïcité n’est pas une religion. S’ils commençaient par saisir que le but ultime de la laïcité c’est un mieux vivre ensemble. Et finalement, s’ils commençaient par respecter la décision de la justice.
L'absence d'une charte de la laïcité au Québec est responsable d'un vide politique dont nous subissons tous les conséquences. Ce qui se passe à Saguenay nous concerne tous.

Mohamed Lotfi
Journaliste et réalisateur radio.
anonymes BvL gmail.com

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Journaliste et réalisateur de l'émission radiophonique Souverains anonymes avec les détenus de la prison de Bordeaux





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mars 2011

    Monsieur Lofti,
    Je n'aurais pas pu exprimer mieux le sens de la laïcité que vous ne venez de le faire. Pas de kirpan, pas croix, bref, pas de signes ou d'affirmations religieuses dans nos institutions démocratiques, point à la ligne.
    Comme on dit, la chicane est pognée et il va falloir assumer. Toute cette colère d'arrière-garde me donne le goût d'adhérer au MLQ, question d'être conséquent avec mes valeurs républicaines.
    La laïcité "ouverte" à une seule religion, ou à toutes, non merci. Je suis québécois, indépendantiste et républicain. J'entends aller de l'avant et mon affirmation identitaire n'a pas besoin du religieux pour être.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mars 2011

    À ce sujet justement, je recevais ce matin un fichier d'une vingtaine de pages qui explique qui sont ces personnes derrière cette affaire de la prière à l'hôtel de ville de Saguenay.
    À titre explicatif voici :
    « Vous verrez plus loin dans le document que le CDS* ne rassemble pas les citoyens de Saguenay,
    mais une poignée d’extrémistes de gauche issue de groupes communautaires à Saguenay et de
    l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). De plus, n’ayant pas pignon sur rue, on est en droit
    de se demander si ce CDS ne serait pas qu’un groupe fictif monté de toute pièce par une bande
    de soi-disant citoyens de Saguenay. La seule trace de ce groupe se trouve sur le réseau social de
    facebook. »
    * Collectif pour la Démocratie à Saguenay.
    ***
    Comme je n'arrive pas à le reproduire sur Vigile, vous pouvez me le demander à vallee7@sympatico.ca et je vous le ferai parvenir. Vous serez surpris de voir qui est derrière cette vidéo, réalisée à la suite des démarches de MLQ.
    À mon avis, c'est de la manipulation et de l'infiltration encore une fois.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mars 2011

    Les Québécois francophones catholiques n'ont jamais été fanatiques ni portés sur les meurtres d'honneur comme le pratiquent certaines religions, principalement, les lois islamiques extrémistes qu'il faut rejeter si nous ne voulons pas finir comme ces pays que nos immigrants fuient mais en apportant leurs coutumes barbares qu'ils tentent de nous faire avaler avec leur charia.
    Ce qui précède n'est pas une raison pour nous faire changer les dirigeants que nous élisons, comme le maire de Saguenay que j'appuie, même si je suis pas tellement croyant mais je n’accepte pas ceux qui attaquent les symboles de notre passé qui ne nuisent à personne sauf aux extrémistes malcommodes.
    Vous écrivez : « Ceux qui évoquent le patrimoine historique pour justifier le maintien du crucifix au Conseil municipal (ou à l’assemblée nationale) oublient que c’est seulement depuis 1936 que le crucifix est accroché à l’Assemblée Nationale sur ordre de Duplessis. » S’il avait été déposé là en 1890, ce serait mieux ?
    Vous me semblez pas mal insultant vis-à-vis de plusieurs Québécois.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mars 2011

    1) Le MLQ a soutenu la plainte du citoyen Simoneau (qui n'habite même plus à Saguenay!)
    2) Le grand gourou du MLQ a témoigné lors du procès
    3) Le Tribunal des droits de la personne est un tribunal stalinien où un homme blanc, francophone, catholique et hétérosexuel part avec deux prises contre lui.
    Pour le reste, Joseph Facal a résumé toute ma pensée.
    «Le crucifix et nous
    7 mars 2011 par Joseph Facal
    Un juge a donc ordonné au maire de Saguenay de cesser ses prières et de retirer tous les signes religieux de la salle du conseil municipal.
    Forcément, cela relance la question du crucifix qui est au-dessus du fauteuil du président de l’Assemblée nationale. Comment pourrait-on vouloir faire prévaloir la laïcité dans une institution publique municipale et pas au parlement ?
    Pour les tenants de la neutralité absolue de l’État et d’une nette séparation de la religion et de la politique, la solution est simple : on enlève le crucifix, mais on interdit aussi TOUS les signes religieux visibles, de TOUTES les religions, dans TOUTES les institutions publiques.
    Le problème de la laïcité stricte est qu’on ne peut gouverner les sociétés par la seule logique, comme si l’Histoire, la culture et les émotions n’existaient pas. Bref, on ne peut aborder la laïcité sans déboucher sur le terrain de l’identité.
    Gérard Bouchard, lui, prône ce qu’il appelle la laïcité ouverte. Si le crucifix est devenu un symbole culturel et non plus religieux, dit-il, sa place est dans un musée ou dans un endroit plus discret du parlement. Cependant, il s’oppose à ce que l’on interdise strictement le voile, le turban, la kippa ou le kirpan dans toutes nos institutions publiques.
    Monsieur Bouchard semble contrarié par le souhait d’une majorité de la population de laisser le crucifix là où il est, alors que la pratique religieuse catholique est en déclin continuel. Ce n’est pourtant pas très dur à expliquer, me semble-t-il, et c’est justement dans la position qu’il défend qu’on trouve la clé de toute l’énigme.
    L’histoire du Québec a été profondément marquée par le catholicisme. Pourtant, les francophones de souche, qui ne sont jamais assez ouverts au goût d‘une partie de leurs élites, ont accepté sans trop rechigner une déconfessionnalisation extraordinairement rapide et les vagues d’immigration parmi les plus fortes au monde par rapport à la taille de leur population.
    Après avoir accepté le retrait relatif de sa religion ancestrale, la majorité historique du Québec voit maintenant que la religiosité des nouveaux arrivants fait irruption dans notre vie publique, de manière souvent ostentatoire, lourdement revendicatrice et dépourvue de modestie.
    Le Québécois de souche se dit alors : pourquoi interdire à un maire de prier si un enfant peut, au nom de sa religion, porter un poignard à l’école ? Pourquoi le maire Tremblay est-il caricaturé comme un dinosaure, alors qu’il faut s’incliner avec respect devant les pratiques religieuses exotiques de ceux qui viennent d’arriver ?
    Pourquoi nous effacer quand les autres s’affirment ? Pourquoi la laïcité pour nous et pas pour tous ? Pourquoi cette impression que les tribunaux et tant d’«experts» demandent toujours des concessions unilatérales à la majorité ?
    Par réaction, le crucifix devient alors un point de ralliement, le symbole de l’attachement de la majorité à sa propre identité forgée par son passé. C’est aussi sa manière de dire qu’elle refuse d’être considérée comme un groupe ethnoculturel au même titre que les autres. Après tout, ne nous dit-on pas que nous sommes une nation ?
    On enlèvera le crucifix le jour où les symboles des autres religions n’auront plus leur place dans nos institutions publiques. Hâtons-nous lentement