(Québec) Il faut toutes sortes de monde pour faire un monde. Mais s'il est une chose que les dernières semaines nous ont apprise, c'est qu'il faut de l'expertise pour analyser les faits en politique et dénouer les situations problématiques. L'efficacité de François Legault dans la controverse entourant les fonds d'intervention économique régionaux (FIER) et plus récemment dans le dossier de la Caisse de dépôt a démontré à quel point son expertise en matière de finances et d'économie est précieuse. Sans sa présence au sein du comité des finances, on n'aurait pas su la moitié de ce qu'on a appris à l'occasion des témoignages du ministre Raymond Bachand et de l'ancien président de la Caisse, Henri-Paul Rousseau. M. Legault est un comptable, il a dirigé une compagnie, Air Transat, et il a été ministre sous Lucien Bouchard et Bernard Landry. Ce qu'on a vu de lui au cours des dernières semaines est l'image d'un politicien aguerri et compétent.
C'est dans ce contexte qu'il faut saluer la décision de Clément Gignac de se lancer en politique en briguant les suffrages aux élections complémentaires dans Marguerite-Bourgeoys. Originaire de Québec, M. Gignac s'est haussé jusqu'aux plus hauts niveaux de la finance et de l'économie. Cela ne garantit en rien son succès en politique même s'il est assuré de la victoire dans la très libérale circonscription de Monique Jérôme-Forget. Le métier de politicien s'apprend sur le tas, et certains esprits parmi les plus brillants n'y parviennent jamais. Mais M. Gignac prend le risque du service public, et il faut applaudir sa décision.
L'entrée de tels personnages sur la scène politique soulève toujours la même question : M. Gignac sera-t-il promu immédiatement au Conseil des ministres et, si oui, à quel poste?
La tentation de l'envoyer aux premières lignes dans une fonction liée aux finances ou au développement économique est sans doute bien réelle, mais elle comporte de grands risques devant des politiciens aussi articulés que François Legault, et dans une certaine mesure, François Bonnardel de l'Action démocratique du Québec. Raymond Bachand, qui a pourtant oeuvré dans des cabinets ministériels et qui jouissait déjà d'une expérience parlementaire avant de prendre les Finances, a éprouvé beaucoup de difficultés devant ses deux critiques de l'opposition. Le baptême du feu n'est donc pas nécessairement un service à rendre à M. Gignac si les libéraux le vouent à une carrière politique importante et veulent en faire «un grand bâtisseur».
Je ne sais pas, incidemment, qui a eu la brillante idée d'accorder ce titre de grand bâtisseur au premier ministre Jean Charest à l'occasion du congrès libéral de la fin de semaine, mais ce n'était pas l'idée du siècle. On juge l'arbre à ses fruits, nous apprend le dicton. Or, il est beaucoup trop tôt pour porter un jugement sur l'oeuvre de M. Charest. Ce n'est pas parce qu'il a fait sien le discours du développement du Nord et des ressources hydroélectriques qu'il occupera la même place qu'Adélard Godbout, qui a fondé Hydro-Québec, que Jean Lesage et René Lévesque, qui ont nationalisé l'électricité, et que Robert Bourassa, qui a fait la Baie-James.
Donnons donc à M. Charest le temps de mettre un peu de chair et surtout des gestes concrets sur son Plan nord, avant d'en faire un grand bâtisseur. Il a démontré des qualités de stratège indéniables en déclenchant des élections à l'automne avant que la tempête économique ne frappe le Québec de plein fouet, mais il est prématuré de lui donner immédiatement sa place dans l'histoire. Il lui reste encore bien des pages d'histoire à écrire, et c'est faire offense à sa modestie... que de tirer, à son endroit, des conclusions normalement réservées aux politiciens qui ont tiré leur révérence.
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