Le contrat de livraison d'électricité d'une durée de 26 ans qu'Hydro-Québec vient de conclure avec le Vermont devrait rapporter l'équivalent de 6 ¢ du kilowattheure à ses débuts, soit davantage que les 4,5 ¢ dont il a été question le printemps dernier dans les médias. Le hic, c'est que l'ensemble des conditions dont il est assorti est gardé secret. On ne sait donc pas s'il s'agit d'une bonne affaire ou d'un passage obligé.
En devançant la construction de barrages à la demande du gouvernement Charest, Hydro-Québec sera soumise à d'énormes pressions au cours des prochaines années pour vendre toute l'électricité produite à un prix pas toujours intéressant. Non seulement la consommation interne du Québec s'annonce-t-elle moins importante à cause de la fermeture de papetières et du ralentissement industriel dans son ensemble, mais la reprise nord-américaine est aussi très faible.
En conséquence, il ne fait aucun doute que la société d'État devra faire des pieds et des mains pour recruter de nouveaux clients. N'oublions pas qu'Hydro-Québec verse déjà, chaque année, 150 millions à la société TransCanada Énergie pour ne pas utiliser la centrale au gaz de Bécancour.
C'est dans cette perspective de surplus annoncés pour les dix prochaines années qu'entre en jeu le renouvellement d'un contrat existant avec le Vermont. Sans ajouter à ce que nous exportons déjà vers cet État, l'entente a au moins le mérite de ne pas aggraver le problème des excédents d'Hydro-Québec. En outre, comme le Vermont a voté une loi qui reconnaît l'hydroélectricité comme énergie propre, cela ajoute un peu de pression sur Washington pour qu'il accorde des crédits fiscaux aux consommateurs américains d'hydroélectricité.
En revanche, la question de la rentabilité de l'opération au regard des investissements effectués par le Québec pour produire de plus en plus d'électricité destinée à l'exportation se pose sérieusement. On a dit que les exportations ne représentaient que 10 % des ventes d'Hydro-Québec, mais la moitié de ses profits. Cela était vrai de l'électricité vendue à 9 ¢ ou 10 ¢ le kilowattheure sur le marché de très court terme. Mais compte tenu de la baisse du prix de l'électricité aux États-Unis et de la hausse du dollar canadien, les choses ont changé.
Pour ne pas nuire à son rendement, Hydro-Québec a récemment décidé d'étaler ses dépenses d'amortissement sur 100 ans au lieu de 50 ans, mais ce jeu d'écritures ne change rien à la réalité: Hydro doit trouver des clients stables et surtout rentables à long terme. Or, comme tout le monde sait qu'elle possède d'importants excédents, ce sont les Québécois qui courent le risque de faire les frais de contrats au rabais négociés dans le plus grand secret. Par exemple, si le prix de 6 ¢ du kilowattheure annoncé pour le Vermont devait rester inchangé ou pire, diminuer, cela ne suffirait pas pour couvrir les coûts de l'énergie éolienne et ceux de l'électricité produite par les centrales en construction.
Dans ces conditions, on est en droit de se demander si le dégel du bloc patrimonial dont les consommateurs du Québec feront les frais à partir de 2014 ira vraiment à la réduction de la dette, ou s'il ne servira pas plutôt à compenser le manque à gagner causé par les excédents de production.
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j-rsansfacon@ledevoir.com
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