Les preuves de l’implication de Power Corp. dans le développement des activités des gaz et du pétrole de schistes au Québec s’accumulent. Et comme Power a l’habitude de le faire, elle avance masquée. En effet, Power n’œuvre pas qu’au Québec et au Canada. Elle est très active en Europe par l’entremise de sa filiale Pargesa Holding, comme on le découvre sur son site.
Les méthodes utilisées par Paul Desmarais et son ami et associé belge Albert Frère soulèvent certaines questions sur le plan de l’éthique, comme on peut le découvrir sur le site suivant au sujet de l’acquisition de leur participation dans GDF-Suez, un acteur important de l’industrie pétrolière et gazière tout comme Total.
Paul Desmarais Jr et Albert Frère siègent au conseil d’administration de GDF Suez.
GDF Suez est née de la privatisation de la société Gaz de France et de la fusion de ses activités avec le groupe de services publics Suez en 2008 sous l’impulsion du gouvernement français. Ce dernier conserve d’ailleurs 35 % des actions de l’entreprise. On notera la présence de Loïc Le Floch-Prigent parmi les anciens dirigeants de GDF (également ancien PDG de la pétrolière française Elf-Aquitaine avant sa fusion avec Total en 1999), le même le Floch-Prigent qui est impliqué dans Pilatus Energy, un partenaire de Petrolia, l’entreprise québécoise qui détient des permis sur l’Île d’Anticosti. Voir http://en.wikipedia.org/wiki/Gaz_de_France et http://www.vigile.net/Anticosti-les-traces-de-Power-Corp.
Avant d’être présent dans le capital de la pétrolière française Total, il faut savoir que le groupe Power était présent dans celui d’Elf Aquitaine. C’est donc à la faveur de la fusion de Total et d’Elf Aquitaine que le groupe Power s’est retrouvé avec une participation dans la première, avec d’ailleurs le groupe Frère qui, pour sa part, avait apporté dans la corbeille de la fusion sa participation dans la pétrolière belge Fina.
Il faut être très conscients que l’enjeu du développement de nos richesses naturelles n’est pas qu’un enjeu local et qu’il intéresse certains des plus gros joueurs sur la scène mondiale. Ces joueurs avancent en partie cachés pour le moment, parce qu’ils ne savent que trop bien que leur implication déclencherait de fortes réactions qui compliqueraient singulièrement leur tâche.
Mais, malgré leurs précautions, ces joueurs n’avaient pas du tout anticipé la virulence de l’opposition au développement aux gaz de schistes pour des motifs de sécurité et d’environnement, et encore moins qu’ils auraient également à se battre sur le front des circonstances et des conditions dans lesquelles ils ont acquis leurs droits.
Pour comprendre ce qui est en train de se passer au Québec, il faut examiner le contexte mondial, et c’est justement ce contexte qui a amené une entreprise comme Total à conclure il y a déjà quelques années que l’avenir de l’industrie se trouvait dans le pétrole non conventionnel. Elle a donc pris d’importantes positions dans les sables bitumineux en Alberta, et dans les gaz et le pétrole de schistes en Argentine et aux États-Unis, notamment dans la pétrolière American Oil Shale (50 %), active au Colorado. Sa stratégie est exposée dans un rapport d’activités destiné aux investisseurs institutionnels disponible sur son site.
Encore ces jours derniers, dans le cadre de son communiqué sur les résultats de 2010, Total confirmait qu’elle avait plusieurs projets au Canada sans fournir plus de précisions (voir p. 14).
Total deviendra donc à moyen terme et long terme un important producteur de pétrole en Amérique du Nord. En accédant à ce statut, la dynamique la poussera à opérer sur une base intégrée, c'est-à-dire en jouxtant des opérations en aval, dans le raffinage et la distribution, à ses opérations en amont dans l’exploration et la production, pour à la fois s’assurer de débouchés pour sa production et maximiser les bénéfices de ses activités en amont.
Ce genre de développement coûte très cher s’il faut partir à zéro. Or ce n’est pas tout à fait le cas pour Total qui a déjà des activités dans le domaine des lubrifiants et de la pétrochimie aux États-Unis et qui exploite une raffinerie à Port Arthur au Texas qu’elle vient justement de mettre à niveau.
Mais ce sera largement insuffisant pour répondre à ses besoins. Total devra donc envisager de conclure un partenariat stratégique avec une entreprise active en aval en Amérique du Nord, ou encore la racheter carrément. Or il n’y a qu’une seule entreprise disposant d’une masse critique suffisante, et c’est Valero, la société mère d’Ultramar, avec laquelle Total entretient d’ailleurs déjà des liens depuis plusieurs années. Au Québec, Ultramar fait la mise en marché des lubrifiants Total.
Curieusement, un des membres du conseil d’administration de Petrolia est un ancien dirigeant d’Ultramar, et Petrolia a une entente de raffinage avec la raffinerie d’Ultramar à Lévis.
Ça fait beaucoup de coïncidences, et elles pointent toutes dans la même direction. Suivez mon regard…
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Schéma de l’actionnariat du Groupe Bruxelles Lambert par le truchement duquel le Groupe Frère-Bourgeois et Power Corporation contrôlent Pargesa
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3 commentaires
Archives de Vigile Répondre
2 mars 2011« Cet homme pèse sur l'époque entière, il défigure ce siècle, et il y aura peut-être dans ce siècle, deux ou trois années sur lesquelles, à je ne sais quelle trace ignoble, on reconnaîtra qu'il s'est assis là. »
(Victor Hugo : Napoléon le petit)
Yves Rancourt Répondre
28 février 2011M. Le Hir, je vous remercie pour ces renseignements mais vous me permettrez de réagir à la question de M. Noel. Selon moi, les libéraux et Power poursuivent la même stratégie à Québec, le dernier bastion de la francophonie en Amérique. Les premiers veulent des jeux olympiques à Québec, étant convaincus que les jeux amèneraient beaucoup de Québécois à abandonner à tout jamais l'idée de la souveraineté et à adhérer au Canada; le second appuie cette stratégie en se liant à des gens très crédibles à Québec à cause de leur généreuse implication dans le sport local, mais il viserait aussi acquérir une station de radio FM, sans doute pour nous vendre l'idée des jeux et sa vision de l'avenir du Québec. Selon les médias, c'est Desmarais lui-même qui aurait contacté les actionnaires actuels des Remparts et aurait été très insistant. Il a donc des objectifs bien arrêtés à cet égard. Et remarquez bien comment Me Aubut, lui-même un bon "canadian", pousse aussi pour ces jeux. Il ne reste qu'à convaincre la population de Québec.
Archives de Vigile Répondre
28 février 2011Avez-vous vu le dernier achat d'André Desmarais?
Les Remparts. Oui, oui les Remparts de Québec. Enfin un quart des Remparts et de tout ce qu'il y a autour.
A Québec on se pose un tas de questions. Où est-ce qu'il va avec ça?