L’Europe hésitait entre fierté et dénonciation, samedi 30 mai. Au lendemain de la révélation de l’existence d’une « liste noire » russe, où figurent les noms de personnalités politiques européennes interdites d’entrer sur le territoire, nombreux sont celles qui se sont félicitées d’en faire partie, tandis qu’au niveau institutionnel, les pays membres accusent la Russie d’envenimer les relations UE-Russie, déjà tendues.
« Lorsque j’ai vu les autres noms [sur la liste], j’ai [aussitôt] pensé que je faisais partie d’un club très honorable », a déclaré samedi 30 mai l’ancien ministre tchèque des affaires étrangères Karel Schwarzenberg, un aristocrate de 77 ans connu pour ses critiques de la politique de Moscou à l’égard de l’Ukraine. « Je considère cela comme une récompense », a ajouté ce député, cité par l’agence de presse tchèque CTK.
« Engagement inchangé »
Pour certaines personnalités, figurer sur la liste est une preuve de l’efficacité de leur action en faveur de l’Ukraine. « Etre sur cette liste ne change pas mon engagement envers le peuple de l’Ukraine », , connue pour ses critiques à l’encontre du président russe. « Je me sens davantage fière que je n’en ai peur (…) La liste de Poutine confirme que je fais bien les choses en tant que parlementaire », a-t-elle ajouté.
, s’est dit, quant à lui, « très fier de figurer sur la liste » en compagnie d’autres personnalités et collègues du Parlement européen.
Au total, 89 personnalités européennes sont citées sur cette liste que Moscou ne souhaite pas rendre publique, mais dont une copie a fuité. On y trouve notamment les noms d’hommes et de femmes politiques polonais, suédois, allemands, tchèques, néerlandais, finlandais et belges, parmi lesquels et l’ex-président du Parlement européen et ancien chef du gouvernement polonais Jerzy Buzek. Idem pour, l’ex-ministre suédoise de centre droit Lena Adelsohn Liljeroth et le président du sénat polonais, l’ancien opposant Bogdan Borusewicz.
Je ne me réjouis pas de figurer sur la ´liste noire du Kremlin' : un signe alarmant de la dégradation des libertés : http://t.co/UcGZSWUElX
— MalosseHenri (@Henri Malosse)
En ce qui concerne la France, quatre personnes sont nommées : l’intellectuel Bernard-Henri Lévy, le président du Comité économique et social européen, Henri Malosse, le patron des députés socialistes, Bruno Le Roux, ainsi que Daniel Cohn-Bendit, ancien eurodéputé qui vient d’obtenir la nationalité française, et s’est dit amusé de sa présence sur la liste : « Je trouve ça très drôle », a-t-il déclaré à Reuters. « Ça correspond au régime poutinesque, ça aurait été vraiment triste que Poutine me considère comme son ami », a-t-il ajouté.
Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, élu jeudi soir, a apporté son soutien à Bruno Le Roux : « Le parti socialiste, solidaire de Bruno Le Roux, est désireux qu'un grand pays comme la Russie soit un partenaire respecté qui nous respecte. C'est pourquoi nous demandons à messieurs Poutine et Lavrov de revenir sur cette décision qui ternit l'image de leur pays en Europe ».
Une liste impossible à contester
L’établissement de « la liste noire » et son caractère secret ont par ailleurs été dénoncés par plusieurs chancelleries européennes. « La moindre des choses aurait été que l’on fasse connaître aux personnes concernées les réserves qui les concernent réellement, ou au moins que l’on rende ces listes publiques », a déclaré samedi le ministre allemand des affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier. « A un moment où nous nous efforçons de désamorcer un conflit âpre et dangereux au cœur de l’Europe, cela n’aide pas », a-t-il ajouté, selon un communiqué.
Dès vendredi, l’action de Moscou a été condamnée par le premier ministre néerlandais Mark Rutte qui a indiqué que son gouvernement « en informerait Moscou dans des termes non équivoques ». La liste russe « n’est pas fondée sur le droit international, n’est pas transparente et il est impossible de la contester » devant un tribunal, a-t-il souligné.
La liste, où figurent neuf Britanniques dont le patron du renseignement MI5, Andrew Parker, le chef d’état-major de l’armée, Nicholas Houghton, l’ancien vice-premier ministre Nick Clegg et l’ancien ministre des affaires étrangères Malcolm Rifkind, n’a « absolument aucune justification », a réagi samedi le gouvernement britannique.
L’ambassadeur de Russie auprès de l’UE, Vladimir Tchijov, avait confirmé la semaine dernière l’existence d’une telle liste, tout en précisant qu’il ne s’agissait « pas de dirigeants ou de hauts responsables de pays ». « Une telle liste existe vraiment. Et personne n’y a été placé par hasard », avait-il souligné. Une autre liste concerne aussi des citoyens américains, a déclaré samedi un responsable du ministère aux médias russes.
« Pas une surprise »
« C’est un comportement (…) qui n’améliore pas malheureusement l’image de la Russie », a déclaré vendredi la ministre suédoise des affaires étrangères Margot Wallström à l’agence de presse TT. En revanche, pour son homologue finlandais Timo Soini, il est inutile de « trop dramatiser » cette affaire. « C’est une réaction attendue à l’interdiction faite (par l’Union européenne) à des citoyens russes de voyager (sur le territoire de l’UE). Ce n’est pas une grande surprise », a-t-il écrit sur un blog.
Au fil de la crise en Ukraine, l’UE a complété sa propre « liste noire », qui compte désormais quelque 150 noms et une quarantaine d’entités, et pris des mesures plus sévères contre la Russie, visant des pans entiers de l’économie.
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