Je sais bien que pour être convaincant, un politicien doit croire à sa propre rhétorique. Mais il y a des limites.
Hier, un peu plus et Philippe Couillard se déguisait en superhéros – genre « Capitaine région » – pour faire croire qu’il a le sort des régions à cœur.
Il a donc annoncé, les sourcils froncés, qu’il bloquera la réforme du mode de scrutin que les trois partis d’opposition, le 9 mai 2018, se sont solennellement engagés à mener, peu importe le résultat de l’élection générale.
Argument de la peur
Dans une entrevue au Devoir hier matin, le chef libéral a même évoqué la nécessité qu’un référendum soit tenu sur une éventuelle réforme. Il s’est dédit plus tard.
Sa motivation est avant tout électoraliste : le PLQ a du mal à charmer les régions.
L’ennui avec la rhétorique de M. Couillard est que la réforme projetée par le PQ, QS et la CAQ est la « représentation proportionnelle mixte compensatoire régionale ». Vous avez bien lu : « régionale ».
Les détails de la réforme ne sont pas arrêtés. Il faudra des consultations, une commission, un projet de loi, etc. M. Couillard préfère agiter des épouvantails.
Promesse mort-née ?
Nul besoin d’avoir peur pourtant... la promesse formelle de réformer le mode de scrutin a toujours été abandonnée. Par René Lévesque en 1984. Par Justin Trudeau en 2015, au palier fédéral.
Dans le passé, le PLQ s’est engagé à effectuer un tel changement quand il a cru que cela pourrait l’avantager. Après les élections de 1966 et 1998, scrutins au terme desquels il avait gagné le vote populaire, mais avait eu moins de sièges à l’Assemblée nationale.
En 2003, le gouvernement Charest, dans lequel M. Couillard était un membre éminent, avait été élu avec l’engagement de réformer le mode de scrutin. Ce qu’il ne fit jamais. Responsable de la réforme à l’époque, l’ex-ministre Benoît Pelletier, a soutenu hier que les régions n’avaient rien à craindre d’une éventuelle réforme.
Le refus obstiné de M. Couillard est aujourd’hui trop théâtral et intéressé pour être pris au sérieux.