Les années Trudeau sont-elles terminées? La question vient à l'esprit à la suite de l'adoption par l'aile québécoise du Parti libéral du Canada samedi dernier d'une résolution reconnaissant le Québec comme nation. Si on peut y voir une volonté de changer certains dogmes au sein de ce parti, reste à voir si un tel désir sera majoritaire lors de son congrès national à Montréal en décembre.
Les années Trudeau ont été bien plus longues que la seule présence de l'ancien premier ministre à la tête des libéraux. Elles se sont poursuivies avec Jean Chrétien et même avec Paul Martin qui n'a pas su réaliser le virage qu'il s'était fait fort de faire prendre au Parti libéral. Les électeurs ont d'une certaine façon tranché en janvier dernier en le renvoyant dans l'opposition.
La nécessité de tourner la page sur cette période fait son chemin chez les militants libéraux. L'illustre bien le fait que trois des quatre meneurs dans la présente course au leadership, Michael Ignatieff, Bob Rae et Gerard Kennedy, sont de nouveaux venus. Ce n'est pas sans raison que l'establishment libéral s'est majoritairement rangé derrière le candidat Ignatieff qui est celui qui marque le mieux la rupture avec le passé auquel il n'a été associé ni de près ni de loin.
Sur le plan des idées, on a vu la plupart des candidats explorer de nouvelles avenues, le championnat à cet égard revenant à Stéphane Dion dont le mantra est que le Parti libéral, après avoir été au cours du XXe siècle le parti de la social-démocratie, doit être au cours du XXIe siècle celui de l'environnement. La recherche de nouveaux thèmes ne pouvait toutefois occulter la question du Québec dont s'est saisi avec habileté le candidat Ignatieff en s'engageant à reconnaître la nation québécoise dans la Constitution.
L'adoption d'une résolution sur la nation québécoise ce week-end vient conforter la position de ce dernier. On peut prétendre que son ouverture est inspirée d'abord par des calculs électoraux. Après tout, une course au leadership est une lutte électorale, et il est là pour gagner. Cela dit, les engagements qu'il prend aujourd'hui ne pourront être reniés facilement demain, surtout si la résolution adoptée ce week-end par les militants québécois est entérinée lors du congrès national en décembre.
Cette résolution place les candidats au leadership, tout comme les délégués à ce congrès, devant un dilemme. Reconnaître officiellement le Québec comme une nation sera aller contre le dogme d'une seule nation au Canada établi par Pierre Elliott Trudeau par lequel celui-ci avait justifié son opposition à la reconnaissance du Québec comme société distincte que proposait l'accord du lac Meech. Cela n'est pas gagné compte tenu de l'ascendant que garde Pierre Trudeau par l'entremise de ses héritiers. Par contre, le prix à payer serait lourd si elle était rejetée. Non seulement cela constituerait une nouvelle rebuffade pour le Québec, mais cela confirmerait que ce parti n'a pas tiré les leçons politiques du scandale des commandites.
Les stratèges qui entourent Michel Ignatieff - personne ne doute que ce sont eux qui ont inspiré l'adoption samedi de cette résolution - ont bien joué leur carte. Leur candidat apparaît comme l'homme du changement et ceux qui s'opposent à une reconnaissance constitutionnelle, comme les candidats du statu quo. Stéphane Dion et Bob Rae sont de ceux-là. Quelles que soient leurs raisons et les nuances que l'un et l'autre invoquent pour justifier leur refus, le résultat est le même. Incapables de comprendre le sentiment de ceux qui forment la nation québécoise, ils ne peuvent donc être les acteurs de la réconciliation avec le Québec dont le Parti libéral a besoin.
bdescoteaux@ledevoir.ca
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé