PARIS | Les députés français ont approuvé mardi la ratification du traité de libre-échange controversé entre l’Union européenne et le Canada (CETA), «positif» pour l’économie selon ses défenseurs, mais porteur de «risques» environnementaux et sanitaires pour ses opposants.
Entré pour partie en vigueur de manière provisoire il y a bientôt deux ans, ce traité a été approuvé par 266 voix contre 213 et 74 abstentions à l’Assemblée nationale, après d’âpres débats.
Rejeté par la quasi-totalité de l’opposition, de gauche et de droite, le texte a suscité des réticences jusqu’au sein du parti présidentiel La République en Marche (LREM), dont 52 députés se sont abstenus et 9 ont voté contre. Une contestation jamais vue depuis l’élection d’Emmanuel Macron en mai 2017.
L’ex-membre de LREM Matthieu Orphelin y voit un «avertissement politique clair et net» : «Si les prochains accords de commerce ne respectent pas plus le climat, la biodiversité et nos agriculteurs, ils ne passeront pas!»
«Le résultat est là», a conclu le secrétaire d’État aux Affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne, ajoutant que «nous serons très vigilants dans la mise en œuvre de cet accord».
Le gouvernement canadien s’est dit «heureux» de ce vote, promettant de continuer à «travailler avec tous les États membres de l’UE pour promouvoir les avantages de l’Accord et la diversification du commerce pour la population du Canada et de l’UE».
Négocié pendant plus de sept ans, l’«Accord économique et commercial global» (AECG) - en anglais CETA - avait été approuvé par le Parlement européen en février 2017. Il doit être ratifié par les 38 assemblées nationales et régionales d’Europe.
Après le feu vert de l’Assemblée nationale française, ce sera au tour du Sénat, chambre haute du Parlement, de se prononcer, à une date qui reste à définir. Treize États, dont l’Espagne et le Royaume-Uni, l’ont déjà ratifié.
Risque sanitaire
Le CETA, qui supprime notamment les droits de douane sur 98% des produits échangés entre les deux zones, est vivement critiqué en France par les agriculteurs et des ONG. Ils craignent une concurrence déloyale ainsi qu’un risque sanitaire pour l’Europe, le Canada n’ayant pas des normes aussi strictes que le Vieux Continent en matière notamment de viandes animales.
La Fondation Nicolas Hulot et l’institut Veblen ont fustigé mardi «une décision incompréhensible au regard du faisceau de menaces mises à jour».
L’ex-ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot avait appelé lundi dans une lettre ouverte les parlementaires à avoir «le courage de dire non» à ce traité, qui risque à ses yeux d’ouvrir la porte à des substances dangereuses du fait d’un abaissement des normes sanitaires.
L’examen du texte par les députés mercredi dernier avait donné lieu à près de 10 heures de vifs échanges, jusque tard dans la nuit.
Alors que le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait loué d’emblée un «accord important» dans un climat mondial «préoccupant», l’opposition pointait elle le double risque que ferait poser le CETA sur la viande bovine : «sanitaire» et de «déstabilisation de la filière».
Plusieurs autres élus d’opposition s’étaient aussi inquiétés de l’importation de viande nourrie par des farines animales interdites en France.
«Fake news», leur avait rétorqué le président de la commission des Affaires économiques Roland Lescure (LREM).
«Il y a eu beaucoup de mythes autour de ce texte», a commenté pour sa part mardi la commissaire européenne au Commerce, la Suédoise Cecilia Malmström.
Hasard du calendrier, le vote sur cet accord jugé par certains anti-écologique a eu lieu le jour de la visite à l’Assemblée de Greta Thunberg, jeune égérie de la lutte climatique.
«On ne peut pas inviter Greta le matin et voter le CETA le soir», a réagi le leader du parti souverainiste «Debout la France» Nicolas Dupont-Aignan.