Les chiens battus

Signer la constitution de 1982 - la subordination dans l'effondrement national

En 1992, Jean Allaire avait claqué la porte du PLQ et s'était finalement retrouvé dans le camp du oui parce que Robert Bourassa refusait de faire siennes les revendications constitutionnelles que lui-même jugeait indispensables.
Dix-huit ans après avoir signé le célèbre rapport qui porte son nom, dans lequel il réclamait le rapatriement en bonne et due forme de 22 pouvoirs, n'abandonnant au gouvernement fédéral que la défense, les douanes, la gestion de la dette, la monnaie et la péréquation, M. Allaire pose toujours le même diagnostic sur l'état de la fédération.
Dans son état actuel, la Constitution canadienne, plus précisément la Charte des droits qui y est enchâssée, «est une menace à la langue française au Québec et par conséquent à la survie de ce dernier», peut-on lire dans le rapport du Groupe Avenir Québec, qu'il a de nouveau présidé au cours des derniers mois.
Le président fondateur de l'ADQ est cependant moins exigeant qu'à l'époque. Il suffirait maintenant de cinq conditions «essentielles» pour que le Québec puisse réintégrer la «famille canadienne».
Il a également gagné en patience. Son rapport de janvier 1991 avait fixé l'échéance à la fin de l'automne 1992. Si Ottawa n'obtempérait pas, le gouvernement Bourassa allait lui-même proposer aux Québécois la souveraineté assortie d'une offre de partenariat économique avec le reste du pays. On connaît la suite.
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Cette fois-ci, il n'y a aucune échéance. Plus question de chantage à la séparation. Mais si les conditions «essentielles» à la survie du Québec ne sont pas satisfaites, faudra-t-il quitter la fédération? M. Allaire refuse de se prononcer.
Mieux encore, le fardeau de la preuve est maintenant inversé. Il n'appartient plus au Canada de démontrer qu'il peut satisfaire le Québec, mais au Québec de prouver au reste du pays qu'il ne lui veut aucun mal, grâce à une approche «non belliqueuse» et en évitant de «rabâcher les vieux griefs».
Il faudrait plutôt que «les partis politiques adoptent un langage positif et parlent des domaines où les intérêts du Québec sont les mêmes que ceux des autres provinces». Et ceux où
ses intérêts sont différents, voire opposés, devrait-on les passer sous silence pour ne pas les effaroucher?
En attendant le jour de la «réconciliation nationale», il faudra se contenter d'ententes administratives qui ne doivent cependant pas empêcher le Québec de «revendiquer vigoureusement les pouvoirs qui lui sont nécessaires pour son développement et sa survie». Il faudrait se brancher: on revendique ou on se la ferme?
À la lecture du document de M. Allaire et de ses amis, on est frappé par sa similitude avec le rapport que le comité présidé par Benoît Pelletier avait présenté en octobre 2001: mêmes demandes, même constat que «le fruit n'est pas mûr», même refus de fixer un échéancier, même recours à l'expédient des ententes administratives.
Après toutes ces années à chercher la mythique «troisième voie», c'est comme si M. Allaire avait finalement décidé de rentrer au bercail et de faire sienne la politique constitutionnelle du PLQ, c'est-à-dire s'en remettre au bon vouloir du Canada anglais. D'ailleurs, comme M. Pelletier l'a répété pendant des années, il dit constater un désir d'autonomie grandissant dans les autres provinces.
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Curieusement, M. Allaire disait la même chose dans son rapport de 1991, quand il menaçait de quitter la fédération. «Le Québec n'est donc plus seul à revendiquer des changements constitutionnels et une réforme en profondeur du partage des pouvoirs. Dans plusieurs régions du Canada, on assiste à une remise en question de la structure du pouvoir et de l'équilibre entre le Canada central et la périphérie.»
Près de vingt ans plus tard, le moins que l'on puisse dire est que les résultats de cette remise en question ne sautent pas aux yeux. Le rapport du Groupe Avenir Québec constate lui-même «qu'il y a une centralisation de plus en plus poussée» et que «plusieurs provinces n'ont aucune objection à ce que ce soit le gouvernement fédéral qui agisse en leur nom ou qui exerce certains pouvoirs exclusifs aux provinces».
La prochaine conférence de Copenhague sur les changements climatiques, où le premier ministre Charest devra se contenter d'expliquer la position du Québec dans les corridors, illustre très bien le peu de cas qu'Ottawa fait de la doctrine Gérin-Lajoie sur le prolongement international des compétences que la Constitution reconnaît aux provinces.
M. Allaire et ses amis proposent que le Québec exerce son leadership sur la scène internationale en organisant une «Conférence mondiale des nations minoritaires pacifiques»,
qui pourrait élaborer une Charte des droits des nations minoritaires et la présenter aux Nations unies.
Autrement dit, à défaut d'avoir accès au véritable concert des nations, le Québec devrait prendre la tête d'une sorte d'amicale des chiens battus. Le Québec en «sortirait sûrement grandi», estime le Groupe Avenir Québec. Vraiment?
mdavid@ledevoir.com


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