Même ses amis de CHOI-FM, à Québec, ont trouvé que Mario Dumont avait tourné les coins un peu rond en exigeant la démission du ministre des Transports, Michel Després, qui avait soutenu que «pas le moindre indice» ne laissait prévoir l'effondrement du viaduc de la Concorde alors qu'une note de son ministère faisait état d'un «problème de désagrégation importante des assises» qui aurait dû faire l'objet d'une surveillance spéciale.
L'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec, qui n'a pas la réputation d'être complaisante, ne conteste pas non plus la version officielle du ministère, selon laquelle il n'existe aucun lien entre le problème constaté par les inspecteurs et l'effondrement du viaduc.
Le chef de l'ADQ doit d'ailleurs être le premier à savoir que ses accusations ne tiennent pas la route. Les circonstances dans lesquelles il a sorti son lapin du chapeau sont sans doute exceptionnelles, mais cette manière de citer des documents de façon incomplète pour démontrer la turpitude gouvernementale fait malheureusement partie des moeurs parlementaires.
Tout ce qui importait à M. Dumont en ce lendemain de débat était de maintenir son lapin en vie. Tant que l'affaire du viaduc traînera dans le paysage, ce sera autant de temps perdu pour la campagne libérale, et il n'en reste plus beaucoup d'ici le 26 mars.
Pendant la campagne de 2003, le plus dommageable pour Bernard Landry avait été moins de trébucher pendant le débat que de perdre trois jours à jongler avec la déclaration de Jacques Parizeau que M. Charest lui avait lancée à la figure.
À l'époque, le chef de l'ADQ avait été un témoin privilégié et admiratif de la manoeuvre tordue de M. Charest, à laquelle il avait même concouru. Quatre ans plus tard, les cris indignés du premier ministre devant la «malhonnêteté» de M. Dumont font écho aux rugissements de M. Landry dans les corridors de Télé-Québec. Encore un peu et M. Charest va se mettre à parler en latin.
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S'il est vrai que M. Després n'a sans doute rien caché, il n'a pas l'air plus brillant pour autant. On peut très bien comprendre que le ministre des Transports ne prenne pas connaissance des milliers de notes de service sur les infrastructures dont il est responsable, mais il est proprement renversant qu'il n'ait pas exigé de voir celles qui concernaient le viaduc de la Concorde après son effondrement.
Forcer la sous-ministre associée à s'asseoir à ses côtés en pleine campagne électorale, comme il l'a fait hier, était tout aussi inconvenant. La pauvre aurait visiblement donné la lune pour être ailleurs.
André Boisclair a tout de suite compris à qui son intérêt politique lui commandait de jeter le blâme. Bien entendu, ce ne pouvait être que le chef de l'ADQ, qui aurait dû remettre immédiatement les documents du ministère des Transports à la commission d'enquête présidée par Pierre Marc Johnson. Que ses deux adversaires se retrouvent simultanément dans l'embarras constitue une aubaine inespérée.
Peu importe leur performance de la veille, tous les chefs de parti s'efforcent de faire bonne figure au lendemain d'un débat, mais M. Boisclair semblait vraiment soulagé d'un poids très lourd. Le chef du PQ n'a jamais donné l'impression de douter de ses qualités, mais son ego en a pris un coup au cours des derniers mois. Il paraissait presque surpris de sa bonne fortune.
Un peu comme Jean Charest au lendemain du débat de 2003, il a pris un plaisir manifeste à évoquer ses meilleurs coups dans son entrevue avec Christiane Charette, particulièrement la question sur la marge de manoeuvre financière du Québec qu'il a adressée à Mario Dumont.
Invité à commenter les propos de plusieurs étudiants du cégep Montmorency, qui étaient d'avis que Gilles Duceppe ferait un bien meilleur chef pour le PQ, M. Boisclair a aussitôt répliqué: «Ça, c'était avant le débat.» Même réponse à la question de savoir pourquoi des souverainistes désertaient vers l'ADQ: «C'était avant le débat. Maintenant, il n'y a plus d'ambiguïté.» Après le «nouveau PQ», voici le «nouveau Boisclair».
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Jean Charest a de grands talents de politicien, mais il n'est jamais parvenu à dissimuler ses états d'âme. Quand il est contrarié, cela se lit sur son visage. Lors de son point de presse d'hier après-midi, son commentaire sur le débat s'est résumé à quatre mots: «Je suis très satisfait.» Sous-entendu: «De grâce, ne m'en parlez plus.» Promis.
Si besoin était, il lui a suffi d'entendre les questions des journalistes pour comprendre qu'il avait perdu le débat sur le débat. Vous sembliez amorphe et éteint, que s'est-il passé? Est-ce que votre campagne s'empoussière?
Le premier ministre semblait d'une humeur assez bizarre. Certains imprévus peuvent survenir dans l'organisation de la tournée d'un chef, mais M. Charest a semblé prendre étonnamment à la légère le mécontentement créé par l'annulation, à quelques heures d'avis, de sa présence au forum sur les municipalités dévitalisées, organisé par la Fédération québécoise des municipalités.
À moins de deux semaines d'un scrutin qui va se jouer largement en région, ce détachement a de quoi surprendre. Il est vrai que les lendemains de débat ne sont pas toujours faciles, mais M. Charest donnait soudainement l'impression d'un gars tanné.
mdavid@ledevoir.com
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