On a beau le savoir, rien ne vaut les chiffres pour le démontrer: la croissance de la population québécoise dépend du mouvement des personnes et non de la natalité, comme le prouve le recensement de 2006. Il faudra bien se décider à assumer cet enjeu politique autrement qu'avec silence ou maladresse.
Le Québec a accueilli quelque 200 000 immigrants entre 2001 et 2006, ce qui correspond à l'objectif de 40 000 immigrants par année visé en l'an 2000 par le gouvernement du Parti québécois, politique poursuivie sans hésitation par les libéraux parce qu'elle correspond à un constat: la natalité ne peut plus assurer la vitalité du Québec. Pourtant, l'immigration n'est pas un enjeu de cette campagne électorale.
Le recensement fait aussi voir l'importance de stabiliser la migration interprovinciale: c'est parce qu'il y a eu une baisse imposante du nombre de personnes qui quittent le Québec que notre croissance démographique a augmenté aussi rapidement, en comparaison avec les recensements précédents. Il faudrait comprendre ce revirement du «vote avec les pieds», mais quel parti s'y aventurera? Ce serait alors reconnaître que ce Québec à réinventer, à reconstruire ou à ramener aux vraies solutions -- au gré des slogans des partis -- n'est pas si mal puisqu'il ne fait plus fuir les gens!
Et l'analyse est toute aussi délicate pour les libéraux, tant la migration est tributaire d'un climat social et économique (plus rarement politique: il y a bien eu la fuite massive qui a marqué les premières années de pouvoir du Parti québécois, mais qui aujourd'hui a peur du PQ?). Dans ce cas-ci, la baisse du taux de chômage au Québec était enclenchée avant l'arrivée au pouvoir du gouvernement Charest. Et on peut croire que les politiques qui facilitent la vie des travailleurs, comme la multiplication des centres de la petite enfance mis en place par le PQ, ont fini par compter dans le jeu des comparaisons entre partir et rester là. Autant ne pas en parler...
Par contre, il est inacceptable que l'immigration, qui explique quand même les deux tiers de la hausse de population au Québec, soit aussi peu discutée. À moins, comme le fait l'ADQ, de la confondre avec les accommodements raisonnables! Pourtant, les immigrants, de première comme de deuxième génération, ont des problèmes bien plus terre à terre: ils tirent le diable par la queue, peinent à se trouver un logement ou s'y entassent, vivent dans l'isolement, ne se sentent pas reconnus (diplômes, expérience, existence!) par la société d'accueil.
Le Québec se félicite, à bon droit, que l'école francise les enfants d'immigrants. Mais cela ne fait pas une politique d'intégration. Pas avec une immigration concentrée à Montréal, où les enfants de communautés culturelles monopolisent certaines écoles et où le lien avec la société d'accueil est de fait ténu. Pas non plus quand la moitié des immigrants qui nous arrivent sont des travailleurs âgés de 15 à 34 ans! Or la francisation sur les lieux de travail, la plus accessible, ne s'améliore qu'à tout petits pas.
Et une fois le français acquis (ou déjà maîtrisé), l'immigrant se butera à nos tabous: on ne lui avait pas dit qu'à Montréal parler anglais est un atout professionnel et qu'il vaudrait mieux qu'il en maîtrise aussi quelques rudiments!
Ces questions très concrètes ne sont pas abordées par les politiciens, qui préfèrent s'en tenir aux principes, comme le soulignait récemment Le Devoir en faisant le bilan des programmes en matière d'immigration. Hélas, car on fait ainsi l'impasse sur les 40 000 personnes qui, année après année, sont devenues indispensables à la survie de cette société.
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