Les dernières élections suédoises, qui ont vu la percée de l’extrême droite, en sont la preuve: les peuples ne votent pas égoïstement. Contrairement à ce que croient les partis matérialistes, ils n’ont pas abdiqué leur identité.
Des analystes naïfs (ou de mauvaise foi) se demandent comment l’extrême droite suédoise peut atteindre plus de 17% des suffrages exprimés, alors que le pays connaît une prospérité économique enviable. Leur surprise résulte en fait de la fausseté de leurs postulats. Selon eux, l’homme vote uniquement en fonction de son ventre et de ses besoins matériels. Si ces derniers sont satisfaits, il continuera à donner carte blanche aux indolores sociaux-démocrates qui pensent pour lui, et qui le langeront ad vitam aeternam de sa naissance à sa mort dans la Grande Nurserie de l’Etat-providence. Or, le score élevé de l’extrême droite aux élections suédoises dément le postulat selon lequel la situation matérielle est toujours déterminante dans les motivations du choix politique.
Ce que nos politologues aveugles ignorent, imbus qu’ils sont de leurs traités indigestes, qui les persuadent de posséder une science inaccessible aux masses non initiées, c’est que les peuples sont souvent plus exigeants que les « élites » quant aux motivations de leur vote. Pour eux, la question identitaire n’est pas anecdotique, ou bien réservée aux festivals folkloriques. Que cette problématique soit correctement portée et traitée par l’extrême droite est une autre question qui, quelle que soit la réponse qui lui est apportée, n’infirme en rien ce constat. Les peuples européens redécouvrent que leurs identités sont un enjeu politique. Et cette redécouverte a pour fait générateur l’immigration de masse. Il ne sert à rien de se voiler la face à ce sujet.
Il y a une alternative
La première conséquence de la résurgence de la problématique identitaire réside dans l’éloignement des classes populaires à la fois du marxisme et du libéralisme. Ces deux idéologies se rejoignent en effet dans le matérialisme qu’elles professent. Selon ces deux systèmes, l’homme est entièrement dominé par l’économie. Autre point commun à ces deux systèmes : l’apologie des innovations sociétales qui repoussent toujours plus loin les limites de la liberté – une liberté devenue folle, complètement déconnectée de toute vérité, et de surcroît prise en otage par des minorités revendicatives dont les excès font le lit, par réaction, de l’intégrisme islamiste.
De plus, cette question identitaire constitue le vecteur grâce auquel les peuples comptent bien recouvrer leur souveraineté politique. Adossées au choix de civilisation qu’ils imposent comme thème à l’agenda du personnel de la classe politique, les classes populaires et moyennes espèrent avoir leur mot à dire sur le futur que des technocrates non élus leur mijotent en coulisse. Autrement dit, la question identitaire est devenue pour le peuple le moyen de reprendre la main, tandis que les partisans du « nouveau monde » leur serinent à longueur de temps qu’ « il n’existe pas d’alternative » (le fameux TINA, « There Is No Alternative »).
Macron et Mélenchon, même combat
Macron croit pouvoir se débarrasser de cette question identitaire encombrante en adoubant Mélenchon comme premier et principal opposant. Si le président jette son dévolu sur l’insoumis en chef, c’est que les deux hommes partagent au fond le même matérialisme. L’un le biberonne chez Marx, l’autre à la Commission de Bruxelles et chez l’économiste Schumpeter (1883-1950) et sa fameuse « destruction créatrice ». Les deux hommes n’aiment pas trop non plus les identités fortes, susceptibles de contester leurs croyance en l’avenir radieux du « progrès » et de l’avènement d’une humanité hors sol, sans passé assumé ni espérance en une transcendance capable de contester leur credo économiste. Même si on constate chez Mélenchon un geste en faveur d’un patriotisme dont on croyait que la gauche avait son deuil, comme en témoigne la présence des drapeaux tricolores et de La Marseillaise à ses meetings.
Autre ressemblance : les deux hommes n’aiment pas trop se prononcer sur l’islam politique. Le leader de La France Insoumise par électoralisme, le président par appréhension à quitter le confort d’une ambiguïté dont on sait, depuis le cardinal de Retz, qu’on ne sort jamais qu’à son détriment. Incapables de se mettre à la place des électeurs qui craignent de voir disparaître l’identité culturelle de notre pays, les deux politiques continuent de raisonner en terme de « progrès » et de « réaction », sans se douter que cette grille de lecture, manichéenne et simplificatrice, ne fait que renforcer la défiance des électeurs à leur égard.
Priorité à droite
Entre ces deux matérialismes, la droite possède un boulevard. Encore faut-il qu’elle fasse taire ses divisions et ses inhibitions. Car le magistère de la gauche, même s’il est en nette perte de vitesse, possède encore les leviers du microcosme politico-médiatique afin de continuer à lancer ses fatwas et son arme de dissuasion massive : la culpabilisation, par reductio ad hitlerum, de ceux qui osent penser différemment de lui. Cependant, cette ficelle elle aussi se corrode. Les Français sont excédés des leçons délivrées par des nantis qui vivent dans un entre-soi ouaté, loin des aspérités de l’existence, et qui délivrent des certificats de bonne conduite et d’orthodoxie comme jadis les clercs distribuaient des bons pour communier à ceux qui étaient en règle avec les commandements de l’Eglise.
Non, Macron n’en a pas encore fini avec « l’ancien monde » !