Le véritable spectacle de la violence

Chronique de Louis Lapointe

Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, a affirmé cette semaine que la règle de droit devait primer dans le règlement de la désormais nouvelle affaire Bertrand Cantat. M. Cantat pourra-t-il entrer au Canada malgré son passé criminel pour monter sur les planches du TNM ? Il semble déjà acquis qu’un gouvernement conservateur lui refusera l’octroi d’un permis de ministre s’il est élu.
Au même moment, des policiers de la GRC chargés d'assurer la sécurité du premier ministre Stephen Harper ont expulsé, à la demande d’organisateurs conservateurs, deux étudiantes d’allégeance libérale qui souhaitaient participer à une manifestation partisane conservatrice à London en Ontario. Depuis, la GRC s’est publiquement excusée d’avoir agi sans mandat ou motifs valables.
Pourtant, l’été dernier, lors de la réunion du G-20 à Toronto, les policiers en service ne se sont pas empêtrés outre mesure dans le respect de la règle de droit et de la Charte canadienne des droits. Dans bien des cas, ils ont agi avec plus que la force nécessaire, parfois sans mandat. Nous avons appris, par la suite, que leur attitude irrespectueuse envers les libertés publiques était justifiée par une demande des autorités politiques.
Comment ne pas conclure, dès lors, qu’on leur avait demandé de frapper d’abord et de poser des questions ensuite?
C’est exactement ce qui s’est passé la semaine dernière à Montréal lorsque des policiers ont bousculé et frappé, sans justification apparente, des personnes qui avaient eu le malheur de se trouver au travers de leur chemin alors qu’ils déambulaient paisiblement sur la voie publique, mais au milieu de la foule d’étudiants qui contestaient la hausse dramatique des droits de scolarité décrétée par le gouvernement du Québec.
Devant ces exemples, on peut légitimement s’interroger sur le véritable esprit qui anime nos corps policiers, le respect de la règle de droit ou la volonté politique des dirigeants?
Personnellement, je préfère cent fois voir Bertrand Cantat monter sur les planches du TNM que de voir nos enfants battus au sang par des policiers qui agissent avec plus que la force nécessaire et sans mandat comme ce fut le cas la semaine dernière à Montréal et l’été dernier à Toronto.
Il est là le vrai débat sur la règle de droit. Mais, puisque les membres du « club » ont décrété que les étudiants devaient payés, la bonne société préfère se taire et se fermer les yeux devant le spectacle affligeant que nous présente la télévision : des policiers à cheval qui chargent nos enfants à coup de gourdins pour des motifs qui n’ont rien à voir avec la protection du public, sinon que de répondre à une demande émanant des autorités politiques.
À mon avis, le fait que Bertrand Cantat entre ou n’entre pas au Canada pour participer à un spectacle est beaucoup moins préoccupant que le fait que la police ne respecte pas la règle de droit lorsqu’elle répond aux demandes des autorités politiques de tuer dans l’œuf tout mouvement visant à contester l’ordre établi en utilisant plus que la force nécessaire dans le but manifeste de faire naître un sentiment de peur chez ceux qui voudraient se joindre aux mouvements légitimes de contestation. Excès de force qui ont pour effet d’annihiler péremptoirement des droits fondamentaux comme la liberté d'expression et de réunion pacifique protégés par les chartes.
Le véritable spectacle de la violence ne peut pas être sur les planches du TNM qui n'en est qu'une représentation virtuelle, mais dans la rue, sur la place publique, là où notre démocratie manifeste l'un des plus préoccupants symptômes de la maladie qui l'afflige, le pouvoir des autorités politiques de se faire justice sans égard à la règle de droit grâce à la collaboration complice des forces de l'ordre.
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Raymond Poulin Répondre

    7 avril 2011

    «Le pouvoir des autorités politiques de se faire justice sans égard à la règle de droit grâce à la collaboration complice des forces de l’ordre», cela fait corps avec toutes les formes de régime politique autoritaire, ce qu’est toujours, dans la réalité, n’importe quel régime inféodé à une oligarchie. C’est donc le cas, entre autres, de presque tous les États occidentaux industrialisés, depuis au moins le dernier tiers du XIXe siècle, sauf des exceptions toujours temporaires. Vous avez dit : «démocratie» ? Tu parles, Charles !