Une nouvelle crise financière est-elle possible, à brève échéance ?
Jean-Michel Naulot [1] : Il est très difficile de savoir quand une crise va éclater. Mais les foyers de crise financière ne sont pas éteints, il peut y avoir de nouvelles répliques très vite. Comme en 2007, ou en 1929, les conditions d’une nouvelle crise systémique sont aujourd’hui réunies : une grande abondance de liquidités, déconnectée des besoins de l’économie réelle, une insuffisance de l’encadrement de la finance, et des niveaux de dette publique et privée très élevés. Si une crise éclate demain, nous ne pourrons pas faire plus que ce qui a déjà été fait, au niveau de la politique monétaire [2]. C’est très inquiétant. Les marges de manœuvre se sont aussi réduites en ce qui concerne la politique budgétaire. Car à chaque crise financière, la dette publique fait un bond spectaculaire, réduisant un peu plus les capacités d’action des gouvernements.
Vous comparez la situation actuelle de la finance à une dangereuse centrale nucléaire…
Je trouve ce terme assez parlant : nous sommes face à une centrale nucléaire mal contrôlée. Elle brasse des capitaux absolument considérables, utilise des produits parfois dangereux, des matières fissiles. Et toute une partie de cette « centrale nucléaire », de ces capitaux, est gérée dans des lieux sans aucune transparence. C’est la finance de l’ombre : cela représente un quart, probablement le tiers, de la finance mondiale.
Une crise de cette centrale nucléaire financière aura des conséquences immédiates sur l’économie réelle. La crise de 1987 en a eu peu, celle de la bulle Internet au début des années 2000, beaucoup plus. En 2007-2008, les conséquences sont apparues dès le lendemain de la faillite de la banque Lehman Brothers. La principale conséquence : l’augmentation de la dette publique. Les chiffres sont extrêmement clairs, il suffit de regarder l’évolution de la dette française depuis 20 ans ! Depuis 2007, nous sommes passés en France de 64 % à 99 % de dette par rapport au PIB [3]. Cette dette augmente peut-être un peu parce qu’on ne gère pas avec assez de rigueur toutes les dépenses publiques, c’est possible. Mais la dette publique est principalement liée à la crise financière. Pourtant, chose incompréhensible, face à cette augmentation de la dette, il y a une quasi-unanimité pour dire qu’il faut mener des politiques d’austérité ! Je suis plutôt dans le camp de la rigueur, mais je trouve le système de dévaluation interne, dans lequel nous sommes, complètement absurde. La priorité devrait être de réduire le poids de la sphère financière. Nous n’avons pas fait ce qu’il fallait.
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Par Agnès Rousseaux
Source et suite : Bastamag
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