Le Syndicat canadien de la fonction publique s’alarmait la semaine dernière des conséquences possibles sur les pouvoirs des provinces de l’accord de libre-échange Canada-Europe en voie d’être conclu. Des craintes infondées, soutient le gouvernement du Québec. Néanmoins, la prudence s’impose. Doublement, car une autre négociation importante s’amorce, celle du Partenariat transpacifique.
Le postulat à la base de ces deux négociations est que le Canada doit réduire sa dépendance vis-à-vis du marché américain. Postulat difficile à contester, du fait qu’avec près de 75 % de nos exportations qui vont aux États-Unis, nous subissons les contrecoups de chaque ralentissement de son économie.
D’emblée, on présume que les accords envisagés auront des impacts positifs. En principe, le libre-échange doit produire un tel résultat. Le problème est que les gains attendus sont souvent de l’ordre des promesses et les pertes généralement assurées. Chaque fois, il y a des victimes.
La réaction protectionniste des syndicats devant ces accords tient à cette certitude. Ils ne peuvent réagir autrement. Ce sont eux qui ramassent les pots cassés. Ce sont leurs membres qui vivent les fermetures d’usines et le chômage qui s’ensuit. La préoccupation que traduit le SCFP avec ses analyses du projet d’accord Canada-Europe est saine, d’autant que bien peu de groupes s’intéressent aux négociations en cours.
Tant mieux si les syndicats veillent au grain, quitte à ce qu’ils s’alarment parfois en vain, car le silence des gouvernements est par ailleurs inquiétant. Que le Québec et les autres provinces « savent exactement ce qu’elles font », comme le prétend le représentant québécois aux négociations avec l’UEE, Pierre-Marc Johnson, on le veut bien. Le problème est qu’à l’heure actuelle, il n’y a qu’elles qui savent ce qu’elles font. Et quand le public saura ce qu’elles auront fait, il sera trop tard pour réagir.
Une autre déclaration de M. Johnson est à retenir pour qui croit que plus de transparence s’impose. Alors que la négociation avec l’UEE approche de sa conclusion, il précisait lors d’une conférence prononcée à la mi-juin que l’on s’affairait à identifier les enjeux devant faire l’objet du troc final. Un troc qui, notait-il, « fera un peu mal de part et d’autre ». Où cela fera-t-il mal ? Dans l’agriculture, les services, la circulation des capitaux, la propriété intellectuelle, la protection de la diversité culturelle, l’ouverture des marchés publics des provinces et des municipalités, qui sont tous des enjeux de la négociation ? Impossible d’en avoir une idée, même imprécise, tant qu’on n’aura pas le texte de l’accord final.
L’intérêt d’un tel accord est qu’il puisse apporter un gain net. Dans le cas de l’Europe, on estime qu’il accroîtra les échanges commerciaux dans une proportion de 20 %. Les exportations canadiennes vers les 27 pays de l’UEE étant de l’ordre de 40 milliards $, le gain devrait être de 8 milliards $. Pour le Québec, dont les exportations vers l’UEE sont de 8 milliards $, ce serait 1,6 milliard $. Tout cela demeure théorique. À court terme, l’impact réel sera certainement bien moindre en raison de la stagnation de l’économie européenne.
Beaucoup plus importants pour la croissance des exportations canadiennes seront les accords que le Canada pourra conclure avec les pays de l’Asie, la Chine, l’Inde, le Japon et les autres pays du Partenariat transpacifique, notamment la Malaisie et le Vietnam, mais aussi l’Australie, la Nouvelle-Zélande, ainsi que les États-Unis et le Mexique. L’intérêt du Canada, faisait récemment remarquer avec raison le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, se trouve du côté des économies émergentes, qui connaissent une croissance rapide.
La conclusion d’ententes avec la Chine ou l’Inde n’étant pas pour demain, le gouvernement Harper mise sur la négociation du Partenariat transpacifique à laquelle le Canada vient d’être admis. L’intérêt du Canada dans ce partenariat, outre le fait qu’il représente un marché de 658 millions d’habitants, est qu’il lui permet de prendre pied dans cette zone géographique. Mais ce seront des négociations complexes. Ainsi, on exigeait du Canada qu’il accepte, avant de s’asseoir à la table de négociations, de revoir ses politiques de gestion de l’offre en matière agricole, un sujet extrêmement sensible, au Québec notamment. A-t-il accepté ? Il n’y a pas de réponses claires. Encore là, on nous demande de faire confiance à nos gouvernements.
Ce qui est en cause dans ces négociations, c’est moins l’idée du libre-échange que la manière de négocier sans débat public, comme si seuls de grands technocrates pouvaient comprendre les enjeux en cause. On dit qu’une élection est l’occasion pour un gouvernement de rendre des comptes. Quels comptes rendra donc Jean Charest sur cette négociation avec l’Union européenne ? Aucun, car il prétendra être tenu au secret.
Libre-échange
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