Le scandale Monsanto

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Le lobbying explique sans doute la décision de Santé Canada

Le pesticide le plus utilisé dans le monde se nomme Roundup, et son agent actif est le glyphosate. Des centaines d’études scientifiques démontrent son caractère cancérigène. Au moment d’écrire ces lignes, les députés européens se penchent sur son utilisation. Fin novembre 2017, l’Union européenne a voté pour reconduire la permission de l’employer, mais pour cinq ans seulement, peut-être pour envisager une stratégie de transition pour s’en détourner. Les porte-parole du géant Monsanto ont versé des larmes de crocodile devant cette « décision discriminatoire ». Un chausson avec ça ? Quant au ministre français de l’Agriculture, il a promis d’« essayer » d’en sortir d’ici trois ans.


Dans tous les cas, la monoculture et l'utilisation intensive d'un herbicide total sont une mauvaise idée, et un modèle de culture nocif pour la santé et économiquement périlleux. La politique de la monoculture est prônée depuis longtemps par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, cherchant à forcer les pays en développement à se spécialiser dans les cultures les plus exportables. Il s’agit de la culture d’une seule espèce de production, qui peut aussi être animale, au détriment de la diversité et des écosystèmes, reposant sur l’idée qu’une surspécialisation dans un domaine précis résultera rapidement sur des gains de productivité. La monoculture épuise les nutriments du sol et menace la biodiversité. Par le manque de diversité dans les plantes à butiner, ne s’agissant que d’une seule culture, les abeilles s’en trouvent menacées et leur disparition nuit alors à l’avenir de la production agricole. Un véritable cercle vicieux. Le géant Monsanto a poussé le cynisme encore plus loin, en utilisant la propriété intellectuelle pour protéger ses ventes et en créant une plante transgénique. Monsanto détient dès lors un objet technologique soumis aux brevets. L’atout principal de la plante transgénique est de résister à l’herbicide total qu’est le Roundup, également une propriété de Monsanto. Il s’agit donc, en somme, de tout détruire pour être en mesure d’offrir le seul produit pouvant résister.


Santé Canada a décidé de reconduire le Roundup pour quinze ans. Quinze ans ! Le 22 octobre 2015, le ministre de l’Agriculture du Québec, Pierre Paradis, avait dit de Monsanto qu’elle était devenue plus puissante que le gouvernement du Québec, et ce afin de justifier l’inaction de l’administration Couillard dans le dossier des pesticides qui s’avéraient dangereux. Vous doutez de la puissance et des ressources de ce mastodonte ? Le livre Le Roundup face à ses juges, signé Marie-Monique Robin, paraît justement aujourd’hui. Ce n’est pas le genre de livre qu’on lit au spa, mais bien un ouvrage troublant, qu’on dépose non sans traumatisme, et qui nous donne envie de faire systématiquement inspecter nos aliments avant de les consommer. L’enquête de Marie-Monique Robin montre bien à quel point le Roundup détruit les sols, les plantes et les espèces vivantes. Il peut être à l’origine des maladies les plus graves, et il fait des victimes dans les pays les plus développés comme dans ceux qui le sont moins.


La compréhension d’un mal préfigure l’action. Les méthodes de Monsanto sont certes d’une efficacité redoutable, mais elles ne sont pas infaillibles. La mobilisation des peuples du monde entier sera essentielle. Il faudra faire pression sur les pouvoirs publics pour qu'ils agissent. « L'être humain avant les profits » ne doit plus être qu'un slogan. Au nom de l'humanité, il faut interdire le Roundup.


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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).