Santé

Le salut dans la fuite

Tribune libre

Un total de 193 jeunes médecins du Québec qui pratiquent depuis moins de cinq ans se sont désaffiliés de la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ) en date du 13 janvier 2025, une augmentation importante de 192% depuis 2019, la grande majorité des jeunes médecins concernés, soit 79%, étant des omnipraticiens. Ce qui représente une perte d’effectifs que le gouvernement veut éviter en leur interdisant d’aller au privé dans les cinq premières années de leur pratique, à défaut de quoi ils s’exposent à des amendes allant jusqu’à 100 000$ par jour. Une mesure vivement dénoncée par tous les syndicats de médecins qui allèguent notamment que les cliniques vont simplement recruter des médecins plus âgés. Et de surcroît, selon un récent sondage, la Fédération des médecins étudiants du Québec évoque que 57% de ses membres envisagent de poursuivre leurs études en résidence hors Québec si le projet de loi est adopté.

L’exil des médecins fraîchement émoulus des facultés de médecine des universités vers le secteur privé incarne certes un phénomène inquiétant sur lequel doit se pencher le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé. Pour l’instant, la seule mesure avancée par le ministre repose sur la contrainte à l’exemple du père qui menace son enfant de le priver de dessert s’il ne mange pas le repas principal.

Or les motifs généralement invoqués de la part des jeunes médecins pour justifier leur choix vers le privé ont trait à la lourdeur de la tâche, à un horaire inflexible et au cantonnement de pratique à une même région. En réalité, ils demandent des mesures attractives qui répondent à leurs besoins, l’approche coercitive impliquant une stratégie qui, selon moi, ne fait que provoquer une confrontation malsaine et anti-productive.

En bref, le réseau de la santé public du Québec est malade, la liste d’attente pour des chirurgies urgentes ne cesse de s’accroître, des postes d’infirmières et infirmiers son abolis dans la foulée de l’urgence décrétée par Santé Québec de couper 1,5 milliard $ dans les CISSS et les CIUSSS. Dans un tel contexte démobilisant, il n’est pas étonnant que le nouveau médecin qui aspire soigner des personnes malades puisse commencer sa carrière dans un climat propice à répondre à ces aspirations, on ne peut plus, légitimes.


Henri Marineau, Québec



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3 commentaires

  • François Champoux Répondre

    14 février 2025

    14 février 2025

    Rebonjour M. Marineau,

    Vous avez ajouté un article d’un journal qui plaide en faveur du réseau privé de Santé au Québec à l’encontre du réseau public. Je pense personnellement que les citoyens du Québec doivent encourager leur réseau public de Santé plutôt que d’encourager un réseau privé qui crée un cercle vicieux; exactement ce qu’a fait le Mouvement Desjardins en favorisant le réseau privé faussement “coopératif” de cliniques et entreprises de santé. L’exploitation de la maladie et du malade au bénéfice d’une organisation financière. 


    J’ai connu un médecin du réseau public qui s’était organisé avec une "coopérative" de Santé et qui a annoncé sa retraite; quelques semaines plus tard, il se retrouvait dans une autre clinique privée, délaissant la "coopérative" de Santé et sa rétribution du système de Santé du Québec. Il n'en a pas fait de publicité! 


    Si un journaliste (exemple: David Gentile) fouillait ce qui se passe vraiment dans le ministère de la Santé du Québec, il y a un danger certain qu’il y découvrirait des choses pas catholiques du tout. Un vrai cancer sociologique ce ministère : tous les ministres qui s’y sont présentés se sont cassés les dents : TOUS. Il y a vraiment anguille sous roche. 


    Moi je refuse systématiquement toutes les offres que le système public de Santé du Québec me fait d’aller au privé pour obtenir les services que j’attends d'eux (système public). C’est une question de dignité et de respect. Si le gouvernement me dit d’aller au privé (par son propre système public de Santé), je considère que le gouvernement est malhonnête, aussi malhonnête que les étudiants qui refusent les conditions d’études en médecine dans les universités du Québec. Définitivement, ces gens se renvoient la balle comme des enfants. Ils manquent tous de maturité.


    Va-t-il falloir que le système public de Santé éclate par lui-même pour que la vérité se sache une fois pour toutes?


    Je n’ai pas de médecin de famille; une infirmière praticienne; là aussi il y a des choses à savoir dans leurs conditions de travail et de pratique; sont-elles adéquates, respectueuses des malades et des praticiennes et praticiens?


    Le système de santé au Québec est comme la société : malade. Malade d’une maladie capitaliste plus qu’une maladie de vocation. On a perdu le sens du travail, le sens de vivre : il faut réapprendre à vivre et à aimer; c’est urgent. 


    Ce n’est pas que le système de Santé qui est malade; toute la société souffre de cette maladie d’amour, empoisonnée par un capitalisme plus sauvage que jamais. Combien de gens ne travaillent qu'à salaire double? Jamais plus satisfait de leur condition normale de travail. 


    C'est tragique, choquant; il faut dire NON au privé plus que jamais, sinon, nous serons les dindons de la farce. 


    François Champoux, Trois-Rivières 


  • François Champoux Répondre

    13 février 2025

    13 février 2025 


    Bonjour M. Marineau,


    Merci encore de votre texte; il est révélateur d’un cancer sociologique incurable.


    C’est votre dernière phrase qui m’a fait sursauter :


    “Dans un tel contexte démobilisant, il n’est pas étonnant que le nouveau médecin qui aspire soigner des personnes malades puisse commencer sa carrière dans un climat propice à répondre à ces aspirations, on ne peut plus, légitimes.”


    Il me semble que vous culpabilisez le système et le gouvernement tout en laissant les jeunes diplômés sans faute quant à leur conscience de vouloir soigner les personnes malades; libre à vous, mais je me demande ce que dirait Jacques Ferron, Serge Mongeau, Nérée Beauchemin et combien d’autres médecins de campagne et des petites villes d’antan qui n’ont certes pas encaissé les revenus qu’alloue notre système de santé actuel. Qu’est-ce qui anime vraiment nos jeunes diplômés dans leur “vocation” (ou carrière) de médecin? 


    Quand j’ai échangé dernièrement sur la vocation d’enseignant, je me souviens d’avoir mentionné que ce n’était pas là le plus beau métier du monde, mais une vocation qui était exigeante et importante; il semble que les professeurs en médecine aux universités du Québec ont oublié de mentionner que pratiquer la médecine, c’était d’abord aussi une vocation : soigner les malades.


    Une jeune psychiatre me l’a rappelé en 2016 : voici ce que Ouanessa Younsi (née en 1984 : psychiatre et poète) écrit sur la 4e de couverture de son livre “Soigner Aimer” :


    “Soigner est une variation du verbe aimer. Il faut aimer nos patients. 

    On espère d’un chirurgien qu’il opère bien. Jusqu’à ce qu’un robot le remplace. De psychiatre, on attend savoir et écoute. Une machine peut prescrire des pilules mieux que lui, mais ne peut aimer mieux que lui. La médecine exige techniques et connaissances, mais cela ne suffit pas, particulièrement en psychiatrie, où la relation est le coeur et le noeud.

    Nous sommes encore des humains.”


    J’ajouterais qu’être humain c’est autre chose que d’être capitaliste. Mme Younsi m’a beaucoup inspiré dans mon projet d’enseigner l’amour, l’art d’aimer aux ados à même leur cursus scolaire du secondaire: 5 années cruciales pour apprendre et comprendre ce que c’est que d’aimer et de le pratiquer le reste de leurs jours.


    François Champoux, Trois-Rivières