Le salut dans la fuite

Aujourd'hui, il faut prendre la mesure du gâchis. Il est total. Le premier ministre Harper en est le principal responsable.

Coalition BQ-NPD-PLC



(Québec) En tentant de mettre fin à l'actuelle législature, le premier ministre Stephen Harper fera la démonstration par l'absurde qu'il n'a plus la confiance d'une majorité d'élus de la Chambre des communes.
Son adresse à la nation était digne hier soir. Il a tendu la main aux partis d'opposition, mais plus pour la forme que par conviction. Il n'a pas fait amende honorable.
Si la gouverneure générale, Michaëlle Jean, avalise sa demande de fermer le Parlement, ce ne sera pas la coalition formée par les trois partis d'opposition qui aura perdu. Ce sera le gouvernement conservateur.
Pour une équipe gouvernementale élue il y a sept semaines à peine, c'est un épouvantable exploit que d'avoir déjà perdu la confiance d'une majorité d'élus.
Mais aujourd'hui, il ne s'agit pas de savoir qui gagnera ou perdra à la Chambre des communes ? d'autant moins qu'il est déjà évident que ce sont les citoyens qui sont les vrais perdants dans cette affaire.
Ils étaient en droit de pouvoir compter sur un Parlement qui fonctionne et un gouvernement qui agit, particulièrement sur le front économique.
Aujourd'hui, il faut prendre la mesure du gâchis. Il est total. Le premier ministre Harper en est le principal responsable.
Ce n'est pas pour rien qu'il a reculé sur ses projets de suspendre le droit de grève dans la fonction publique fédérale et de couper les contributions de l'État aux partis politiques. Il les savait indéfendables, surtout dans un document censé être un énoncé économique.
Contrairement à ce qu'il dit, il sait aussi que la coalition mise sur pied par les libéraux et les néo-démocrates avec l'appui des bloquistes est légitime dans notre régime parlementaire. C'est justement parce qu'il le sait qu'il veut se dépêcher de fermer le Parlement.
Dans une démocratie parlementaire comme la nôtre, le projet porté par la coalition n'est pas un «coup d'État». Nous ne sommes pas dans un régime présidentiel. Dans notre système, ce sont les députés qui désignent le premier ministre. D'où la notion de confiance.
Lors du premier gouvernement Harper, nous avons souvent reproché au PLC, au NPD et au Bloc québécois de vouloir faire la loi à Ottawa en prétextant que leurs députés étaient plus nombreux que ceux du Parti conservateur. Ils ne pouvaient pas faire la somme de leurs élus pour la bonne et simple raison qu'ils étaient divisés entre eux. Ils n'avaient pas les mêmes objectifs.
Tout change dès lors qu'ils mettent de côté leurs divergences et s'entendent sur un programme commun, comme ils l'ont fait en début de semaine.
Le Parlement canadien était déjà ingouvernable au printemps. Le voilà plus ingouvernable que jamais.
Nous avions une crise parlementaire. Une crise économique s'est profilée. Une crise politique s'est ajoutée. Nous frôlons la crise constitutionnelle. En fallait-il une autre, en plus, sur l'unité canadienne?
Dommage que des ténors souverainistes clament que cette coalition rouge-orange-bleue sert la cause de la souveraineté.
Stephen Harper avait déjà commencé à tenter d'effrayer la partie de l'électorat canadien incapable de voir que le Bloc est un joueur parlementaire loyal. Il n'avait pas besoin de nouvelles munitions.
Le chef conservateur a été irresponsable de se servir des bloquistes comme repoussoir auprès de l'opinion publique du reste du Canada. Surtout qu'il était mal placé pour le faire. Son parti a déjà souhaité s'unir avec le Bloc dans une coalition antilibérale.
Le salut de Stephen Harper est désormais dans la fuite. Techniquement, il a le droit de demander la prorogation des travaux parlementaires. Ce sera tout sauf glorieux. Mais il n'a pas d'autre issue.
Si Michaëlle Jean lui dit oui, le temps qu'il gagnera jouera contre la coalition.


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