Norman Delisle -
Une commission parlementaire de l'Assemblée nationale devrait analyser les traités internationaux négociés par Ottawa et qui touchent le Québec.
Cette proposition émane du professeur Stéphane Paquin, de l'Université de Sherbrooke, dans une étude des relations internationales du Québec depuis 1965, que viennent de publier les Presses de l'Université Laval.
«Cette commission pourrait déterminer les conditions d'acceptation par le gouvernement du Québec des traités ou accords que conclut le gouvernement canadien dans ses champs de compétence. Ainsi, les partenaires internationaux du Canada seraient contraints d'exercer une pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il tienne compte des revendications du Québec», soutient le professeur Paquin.
Celui-ci a dirigé la publication de l'étude intitulée «Les relations internationales du Québec depuis la Doctrine Gérin-Lajoie de 1965 à 2005». Le document contient entre autres un bilan des relations internationales produit par plusieurs des ministres qui ont occupé le poste depuis 30 ans.
Pour le professeur Paquin, l'idée de créer une commission parlementaire sur les relations internationales «permettrait de favoriser une politique internationale plus cohérente. Elle permettrait également de susciter des débats à l'Assemblée nationale sur les questions internationales qui, malgré les bonnes intentions, restent négligées».
On appelle doctrine Gérin-Lajoie la thèse mise de l'avant en avril 1965 par le vice-premier ministre du temps et ministre de l'Education, Paul Gérin-Lajoie.
Dans un discours devant le corps consulaire, M. Gérin-Lajoie avait soutenu que le Québec pouvait poursuivre sur la scène internationale ses activités dans ses champs de compétence, même si Ottawa prétend avoir le contrôle absolu des relations internationales.
Pour le juriste Gil Rémillard, qui a été ministre des Relations internationales du Québec de 1985 à 1989 dans un gouvernement libéral, le rôle que le Québec peut jouer sur la scène internationale a été illustré dans l'Accord canado-américain de libre-échange intervenu en 1993.
«Le Québec a joué un rôle majeur dans l'appui accordé à Ottawa pour négocier l'entente. Les discussions à l'Assemblée nationale ont démontré une grande solidarité des Québécois pour appuyer l'idée d'un libre-échange avec les États-Unis», écrit l'ex-ministre, pour qui l'appui du Québec a été déterminant en vue d'en arriver à un accord avec les Américains.
De son côté, John Ciaccia, un autre libéral qui a été ministre des relations internationales de 1989 à 1994, raconte qu'à un moment donné, Ottawa avait demandé aux provinces de fermer leurs délégations à l'étranger pour se joindre plutôt à Equipe Canada, qui organisait des missions économiques internationales.
«J'ai refusé poliment, écrit M. Ciaccia. Ces délégations étaient des fenêtres du Québec sur le monde. Le Québec a une identité particulière qui lui est propre. Non seulement avons-nous des intérêts parfois différents du reste du Canada, mais nous avons une manière différente de percevoir les enjeux et de les exprimer. Notre représentant peut mieux les expliquer et les promouvoir.»
Mais pour Sylvain Simard, ministre péquiste des relations internationales de 1996 à 1998, «la doctrine Gérin-Lajoie a surtout été une grande illusion propagée par les forces fédéralistes, qui ont ainsi fait croire que le Québec disposait d'une véritable autonomie internationale».
M. Simard rappelle les réussites multiples du gouvernement fédéral pour bloquer les tentatives du Québec d'agir sur la scène internationale. Le pouvoir d'agir pleinement sur la scène internationale «n'existe que pour les États souverains», note-t-il.
Louise Beaudoin, qui a occupé le poste de ministre de 1998 à 2003, signale les nombreux cas où justement Québec a été bloqué par Ottawa sur la scène internationale. Ottawa avait refusé que le premier ministre Lucien Bouchard rencontre le président mexicain Ernesto Zedillo, ou encore que le premier ministre Bernard Landry prenne la parole au Sommet des Amériques tenu à Québec en 2001.
Sur la scène internationale, à cause de son statut fédératif, «Québec figure parmi les équipes des ligues mineures», note Mme Beaudoin. Il n'accédera aux ligues majeures qu'en devenant souverain. «Je suis souverainiste par ambition internationale», conclut-elle.
Le Québec a récemment signé un accord lui permettant d'avoir un représentant au sein de la délégation canadienne à l'Unesco. Aucune rencontre tenue sous ce nouveau régime n'a cependant encore eu lieu et on ignore quels pouvoirs réels le représentant québécois pourra y exercer.
Scène internationale
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