On le sait, lors des prochaines élections, la question nationale se distinguera par son absence. Les Québécois se feront accroire qu’ils sont une société normale, disposant de tous les pouvoirs nécessaires à la définition de son avenir collectif. Heureuse fiction !
Dans la réalité, ils sont encadrés par une Constitution contraignante et les décisions financières du gouvernement fédéral. Qu’il s’agisse de la laïcité, du français ou d’environnement, c’est le cadre fédéral qui délimite nos marges de manœuvre. C’est ennuyant, mais c’est ainsi.
Ottawa
Cette disparition de la question nationale n’a rien d’un détail. C’est comme si les Québécois devenaient indifférents à leur destin comme peuple.
Un peu d’histoire nous éclairera.
Le rêve d’un pays nous appartenant et où nous pourrions cesser d’être une minorité sous tutelle étrangère hante notre histoire depuis 250 ans. On connaît l’épisode héroïque des patriotes en 1837-38. Après leur défaite, le rêve de l’indépendance s’est réfugié au fond de notre culture politique, le temps de se refaire des forces. Il se rappelait à la conscience collective de temps en temps en remontant à la surface politique. Chaque génération en a entendu parler avant de se convaincre qu’il n’était pas possible de l’accomplir à court terme et d’en confier la réalisation à la suivante.
C’est avec la fenêtre ouverte par la Révolution tranquille des années 1960 jusqu’au milieu des années 1990 que l’indépendance aurait dû se concrétiser. Le vieux rêve est alors devenu une jeune idée et un projet mobilisant les meilleurs éléments de la nation. Mais la génération qui avait la mission historique de porter à son terme ce projet de libération a échoué. Le Québec s’est divisé en querelles internes contre-productives. Indépendance ou société distincte ? Nous en avons parlé pendant 50 ans, et cela n’a rien donné sinon la victoire d’un Pierre Elliott Trudeau qui s’était retourné contre son peuple et dont le fils est le fidèle héritier.
Où en sommes-nous ? Il faut l’avouer : la défaite nous a fait du mal. Pendant 50 ans, parler de politique, cela a consisté à parler de la question nationale. Aujourd’hui, cette dernière exaspère terriblement.
Mais cette censure mentale est grave : elle nous empêche de constater notre régression démographique dans un Canada qui nous traite comme une minorité ethnique insignifiante. Au Québec, se couper de la question nationale, c’est fuir la réalité. Un peuple comme le nôtre ne pourra vraiment s’épanouir que s’il est pleinement maître de son destin.
Urgence
Le rêve de l’indépendance risque de se faire oublier pour quelques années. Tel est le prix de la défaite. Mais comment le faire renaître ?
Car le temps nous manquera bientôt. Viendra un jour où les Québécois francophones ne seront plus assez nombreux pour décider de leur destin. Ils seront alors en voie de minorisation chez eux. Et nous nous effacerons tranquillement comme peuple, anesthésiés par la prospérité nord-américaine.
L’indépendance est urgente, mais les Québécois sont impuissants à la réaliser. Telle est notre situation historique. Elle est bien plus tragique qu’on ne le croit.