Ce qui était pratiquement officieux est devenu officiel: Hosni Moubarak ne se présentera pas à l'élection présidentielle prévue pour l'automne prochain. Ainsi donc, à la suite des pressions exercées par la rue et celles plus discrètes mais fermes de la Maison-Blanche, Moubarak jette l'éponge et promet que d'ici son départ la Constitution sera amendée afin que diverses forces politiques puissent participer à ce scrutin.
Au terme d'une journée où le nombre de manifestants s'est avéré le plus imposant depuis l'amorce du sursaut populaire, Moubarak a décidé de couper la poire en deux: je m'en vais, mais pas tout de suite. La perspective qu'il reste au pouvoir pendant encore dix mois a fait grincer les dents de Mohamed el-Baradeï, porte-parole de l'opposition, qui souhaite encore et toujours qu'il plie bagage dans les plus brefs délais et qu'il dissolve l'assemblée au plus vite.
En attendant de savoir si les opposants à la personne Moubarak, mais pas au régime dans son entier, vont maintenir la pression, reste cet engagement de l'actuel président: les deux articles de la Constitution qui étouffaient tout élan démocratique, qui cadenassaient la vie politique au point de l'avoir réduite au parti unique, vont être modifiés prochainement. Après soixante ans de mainmise militaire, les Égyptiens vont enfin bénéficier d'un appel d'air.
Sur cet aspect du dossier, selon un scoop du New York Times, le gouvernement Obama a dépensé beaucoup d'énergies pour convaincre, pour ne pas dire forcer, le rais que la dictature devait céder aux exigences démocratiques scandées par des millions de personnes dans les rues du Caire, d'Alexandrie, de Suez et d'autres villes du pays. Les sorties publiques de la secrétaire d'État Hillary Clinton se sont accompagnées de discussions au sommet entre Moubarak et Obama et de la mission discrète d'un émissaire américain, Frank G. Wisner, qui a remis une missive stipulant que les États-Unis pourraient être enclins à réviser certaines aides financières si le chef égyptien refusait d'entendre raison.
La réforme des balises politiques devrait logiquement se solder par la formation de divers partis, dont un probablement animé, voire dirigé, par el-Baradeï, les autres par les figures de proue de courants laïques. Reste la grande inconnue: que vont faire les Frères musulmans? Que va faire ce mouvement qui est par ailleurs le mieux organisé du pays? Pour l'heure, il semble que les dirigeants opteraient pour une solution empruntant au modèle turc. Autrement dit, on créerait un parti qui rassemblerait des personnalités issues des Frères musulmans.
Cela étant, il faut s'attendre à ce que les exemples tunisien et égyptien alimentent les désirs de liberté de la Syrie à l'Algérie en passant par la Jordanie, le Yémen et d'autres. Dans les jours comme dans les semaines qui viennent, les cas de la Syrie et de l'Algérie vont être plus particulièrement intéressants à suivre. L'Algérie parce que, à l'instar de l'Égypte, elle est dominée par la caste des militaires depuis l'indépendance. La Syrie parce que la minorité alaouite impose sa loi à une population très majoritairement sunnite. Bref, le printemps arabe est peut-être bien en cours.
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