Face aux assauts répétés de la théorie du complot la plus en vogue, le Québec tient bon. Le racisme systémique serait un fait et non une théorie, selon ses adeptes. Pour Justin Trudeau jusqu’aux marchands de glace Ben & Jerry, les preuves seraient abondantes : de la surreprésentation de certaines ethnies dans les statistiques criminelles jusqu’aux faibles taux d’admission de certains groupes ethniques dans les universités en dépit des programmes de discrimination positive. Ces programmes et ces bourses, s’adressant uniquement à certains groupes minoritaires, ne seraient en fait que le cache-sexe d’une discrimination d’une ampleur incroyable qui serait orchestrée plus ou moins consciemment par la société entière qui appliquerait ce programme d’oppression implicitement avec la complicité de tous, sans jamais en parler.
En termes de théorie complotiste, on a rarement fait mieux.
Mais si certaines théories du complot sont inacceptables, d’autres sont au contraire légitimes. En fait, après avoir été une théorie en vogue dans les milieux bien-pensants et aisés des cénacles universitaires américains, le racisme systémique est devenu parole d’Évangile en Amérique. « Nier » le racisme systémique est devenu en soi raciste, vous reléguant systématiquement aux marges de la société.
Les rares personnalités publiques anglophones à avoir osé questionner cette nouvelle lubie ont appris que le blasphème est toujours condamné, seulement on a changé de religion sans que certains ne s’en aperçoivent.
La résistance Québécoise
Étonnamment, le consensus nord-américain se frappe à la résistance passive du Québec. Là, on doute. On comprend mal, voire pas du tout, en quoi une société qui offre accommodement sur accommodement, quotas et programmes privilégiés serait en fait raciste. La graine ne prend pas.
Pour les Anglo-Saxons du reste du Canada, c’est là une nouvelle preuve du racisme inhérent des Québécois.
L’antiracisme anglo-saxon peut se permettre de médire les Canadiens français en tant que peuple, puisqu’ils seraient eux-mêmes racistes. Sur les réseaux sociaux, les commentaires antiracistes ouvertement québécophobes, parfois même violents, sont légion et leurs auteurs ne semblent pas y voir de contradiction.
Mais comment se fait-il qu’au Québec, la théorie du racisme systémique ne prenne pas?
Serait-ce parce que les Québécois ne se sentent pas coupables de la traite négrière et de l’esclavagisme du sud-américain ? Tout comme ils ne se sentent pas responsables des razzias barbaresques dans le sud de l’Europe? Serait-ce parce qu’ils ont vécu, sur cette terre qu’ils ont colonisé, comme des citoyens de seconde zone? Serait-ce parce qu’ayant vécu une discrimination ouverte et constante pendant des générations, ils savent ce que les termes « racisme » et « discrimination » veulent réellement dire? À moins que ce ne soit simplement l’effet d’une potion magique, comme Goscinny et Uderzo la décrivaient.
Voilà une question à laquelle on ne puit répondre, mais qui pourrait intéresser les sociologues et historiens. C’est après tout un sujet nettement plus porteur que ceux comme « la sous-représentation des femmes trans racisées dans la littérature laurentienne de la fin du XIXe siècle », sujet type qui semble obnubiler nos élites académiques qui n’ont cesse de creuser des sujets aussi stériles que ridicules.
Les leçons politiques
Concrètement, les Québécois avaient sanctionné le gouvernement libéral de Philippe Couillard lorsque celui-ci avait décidé de se lancer dans une grande commission sur le racisme systémique. Ce qui se promettait être une grande séance d’autoflagellation n’eut jamais lieu, le peuple ayant crié haut et fort son refus de se prêter à cette mascarade. Couillard apprit trop tard la leçon.
Dans les rangs de l’opposition, aujourd’hui au pouvoir, François Legault comprit fort bien que cette théorie qu’on vante constamment dans les médias ne rencontre que peu d’échos positifs dans la population. En dehors de quelques cercles universitaires, des salles à manger de Radio-Canada et des officines de Québec solidaire, le racisme systémique est considéré comme une supercherie, du grand n’importe quoi. D’où la raison pour laquelle malgré les discours de Justin Trudeau et de ses homologues des autres provinces, Legault continue de refuser d’adhérer à cette théorie du complot, faisant de ce fait cavalier seul au Canada. Par contre, au Québec, le Parti québécois, de centre-gauche, refuse lui aussi d’adhérer à cette propagande, le nouveau chef Paul Saint-Pierre Plamondon dénonçant même l’enseignement de cette théorie dans les institutions d’enseignement.
À long terme, le Québec pourra-t-il survivre aux assauts répétés des tenants de la conspiration systémique? On l’espère, mais on sait que même la pierre la plus dur s’érode par l’action des vagues. Il faut espérer que Legault tienne bon et refuse de céder un pouce sur ce dossier.