Nous sommes sur terre pour propager la beauté? Est-ce bien là un postulat de base? Oui, je ne suis pas loin de le penser. La beauté c’est l’équilibre des formes, les choses à leur place, et les balises contre le mauvais goût.
Il n’est pas mauvais de nous rappeler ces choses en la présente campagne électorale. Car la politique c’est ça : l’art de bien organiser LA VILLE et les paysages ; l’art de créer un milieu de vie psychologiquement confortable pour tout le monde, à commencer par les familles.
Alors que disent-elles, ces formations politiques, qui cherchent à mettre la main sur le gouvernail du gouvernement et qui auront donc la responsabilité de créer cet équilibre des formes dans lesquelles nous évoluons tous et dont nous parlons?
La formation politique la plus proche de cet objectif d’équilibre des formes est certes le Parti québécois : c’est lui qui a soulevé l’enthousiasme de la nation, il y a une quarantaine d’années quand celle-ci a pu croire que les élus, souvent très cultivés, travailleraient dorénavant pour le bien commun. Allons donc à la racine de ces choses publiques, voir où nous en sommes.
La première fois que le Parti québécois s’est présenté à une élection c’était le 29 avril 1970. Soit il y a 44 ans. Or juste à la veille de cette élection – pendant laquelle le parti n’a fait élire que 7 députés ! – le PQ a publié un petit livre-clef sur le devenir national québécois. Ce fascicule s’appelait «La solution, Le programme du Parti québécois». Sur la page couverture on voyait la photo de René Lévesque et au verso celle d’un (jeune) Jacques Parizeau. Deux personnages forts à qui la nation a fait le sort que l’on sait…
Le document était emballant, certes, car nous savions que les propositions qu’il contenait se trouvaient dans un train qui roulait dans la bonne direction. Les propositions allaient à la racine des choses. Il n’est donc pas inutile de nous en rappeler. Qu’est-ce que M. Lévesque et les siens proposaient de si important des points de vue social et national pour que nous puissions, beaucoup d’entre nous, croire à des jours meilleurs? Et qu’avons-nous fait pour passer à l’action?
e petit livre dont nous parlons ici - et que j’ai devant moi depuis quatre décennies – a été écrit par l’ancien premier ministre lui-même, de sa propre main. Cela transpire dans toutes les pages. C’était le projet d’une évolution emballante et mobilisatrice sans pareille et qui touchait bien des domaines. Certains des objectifs ont été atteints, notamment dans les domaines du syndicalisme et de la culture, mais dans bien d’autres notre collectivité a passé bien à côté et, pour moi, cela touche le principal, le fond des choses politiques.
N’est-il pas pertinent de nous demander ce que notre collectivité aurait pu faire tout en attendant qu’elle s’affranchisse par l’établissement d’un régime présidentiel? Y a-t-il des négligences collectives qui pourraient être à la base de toutes ces «collusions» qui nous troublent tant aujourd’hui?
Pour ma part le principal oubli social, le principal échec québécois touche le domaine de l’aménagement territorial urbain et de l’habitation. Nos villes, grandes et petites, sont trop souvent devenues des caricatures de ce qui se fait de pire aux États-Unis, et cela est beaucoup dire. En tout cas M. Lévesque, lui, proposait, promettait une transformation radicale du développement urbain, par une solution que maints politiciens ont balayé sous le tapis. C’était rien moins que LA MUNICIPALISATION DES SOLS URBAINS.
Voici ce qu’il disait textuellement «Pour corriger ce triste tableau, celui de la négligence criminelle (sic) dans le domaine de l’habitat) une des manières de voir qu’il faut changer au plus tôt c’est celle qui considère le sol urbain comme un objet de spéculation. Il faut en faire un bien commun, si l’on tient vraiment au succès d’une politique sociale en matière d’habitation et d’urbanisme. Aussi les pouvoirs publics devront-ils procéder à la nationalisation progressive du sol en périmètre urbain… (la dernière phrase est en italique pour lui donner de l’importance).
C’est ça la politique : l’art de sortir les vendeurs du temple pour en faire profiter les citoyens. Je suis certain que si cette orientation politique bien «social-démocrate» avait prévalu, l’État aurait pu favoriser la construction d’habitations nouvelles et imaginatrices en pleine ville et stopper ainsi cette fuite en lointaine périphérie de PRATIQUEMENT TOUTES N OS FAMILLES. Il est pour moi évident que, financièrement et psychologiquement, cela aurait été profitable et que nous aurions plus de sols pour faire pousser nos pommes de terre! En tout cas il y aurait moins de ces «10/30» et de ces «monster houses» autour dans l’environnement national.
Je sais qu’il n’y a pas d’absolu dans la vie et que la politque de M. Lévesque aurait pu être modulée, ajustée. Mais au moins faut-il en parler, car nous touchons là à l’essentiel. En cette campagne c’est le silence «étourdissant» comme ils disent. Sauf que…
Sauf que j’ai lu un tout petit article de journal qui parlait de cette question-clef ces derniers jours. C’était celui d’un de nos universitaires les plus reconnus – M. Guy Rocher si ma mémoire est bonne – qui proposait la création, par le gouvernement du Québec ,d’un département de l’architecture, de l’aménagement et de l’urbanisme. Pourquoi cela, parce que. disait l’auteur, en matière de développement urbain, au Québec, c’est un règne de la laideur que nous avons installé. C’est bien cela, justement, un ministère responsable de l’aménagement et de l’architecture que j’ai proposé pour ma part après une décennie de reportages sur la protection de l’environnement. Nous voilà deux!
Or pas un personnage politique n’a pris cette balle au bond durant la campagne électorale. Et c’est à cause de ce vide absolu, au gouvernement, que certaines municipalités, parfois en collusion avec les promoteurs immobiliers souvent incultes, se mettent en tête de réclamer des pouvoirs qui sont normalement dévolus `à l’État. Je sais que bien des Québécois lèvent le nez sur ce qui se passe en France. Pas moi, car c’est en France qu’on protège le mieux les paysages dans le monde. Et c’est parce que les Français se sont donné plusieurs institutions protectrices, telle le Ministère de la Ville qu’ils ont composé de beaux paysages. Est-il trop tard pour corriger le tir, ici, en Amérique, en mémoire de René Lévesque pourquoi pas? Peut-être pas ; il reste du temps pour en parler.
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1 commentaire
Gérald McNichols Tétreault Répondre
16 avril 2014Désormais ce n'est plus seulement le sol urbain qui devrait être exproprié par l'État comme le suggérait René Lévesque en 1970 mais aussi l'ensemble des sols en spéculation qui couvrent les premières, deuxièmes, troisièmes et quatrièmes couronnes de nos agglomérations inachevées et illimitées. Les terres agricoles, le patrimoine naturel et le patrimoine bâti sont progressivement et de façon irréversible, dévorés pour la "création de la richesse" dont les actionnaires des entreprises d'aménagement et de développement sont seuls à profiter. Il en résulte des amas de construction en mode copié-collé que nos économistes qualifient de TOD (transit oriented development) puisque les termes de "ville", "village" ou "quartier" ne s'appliquent plus. Ces entassements ne possèdent pas plus les qualités de la vie urbaine que celles de la vie pastorale. Nous ne sommes peut-être pas nés pour vivre dans des environnements aussi déshumanisés et dénaturalisés où le but ultime de la vie n'est plus que de consommer, écouter la télé ou dormir entre les transits quotidiens épuisants qui mènent de la maison au travail et du travail à la maison. Mais nos candidats à l'investiture politique sont bien trop occupés par les "vrais affaires" pour accorder du temps à ces questions futiles. Lentement le pays auquel on renie le droit d'exister se délite et nos vies sans histoire avec lui.