Tandis que l’impasse persiste entre le maire d’Oka et le grand chef mohawk de Kanesatake, le propriétaire des terres au coeur des tensions critique l’approche d’Ottawa et lui demande d’intervenir en rachetant ses terrains pour les restituer aux autochtones.
« On a actuellement la preuve que céder du territoire, ce n’est pas quelque chose de naturel. Il y a des compromis à faire et il y a une compréhension à développer », note Grégoire Gollin en entrevue avec Le Devoir.
Dans les dernières semaines, les terrains de M. Gollin se sont retrouvés sous les projecteurs après l’élaboration d’une entente avec le conseil de bande mohawk. Celle-ci prévoit la cession d’une parcelle de 60 hectares de la pinède qui a été à l’origine de la crise d’Oka en 1990. M. Gollin a également réservé 150 hectares supplémentaires que pourraient récupérer les Mohawks avec la politique sur les revendications particulières. Jusqu’à présent, les ententes ont permis à certaines communautés de recevoir une compensation financière pour le manquement aux obligations découlant d’un traité, la perte de terres ou la mauvaise gestiondes actifs des Premières Nations.
« Il y a quelque chose d’anachronique dans le processus de réconciliation et de règlement des revendications particulières qui prévoit des compensations financières, mais pas de territoires », note M. Gollin.
Pour la première fois, dit M. Gollin, toutes les conditions sont réunies pour que le fédéral ne compense pas seulement financièrement les Premières Nations, mais puisse également leur restituer des terres ancestrales.
« Ce qu’on propose, c’est une nouvelle approche. Il faut que le gouvernement fédéral cesse de laisser l’odieux de négocier avec un propriétaire privé aux Premières Nations, après tout c’est sa responsabilité en tant que gouvernement », dit M. Gollin.
Motivations
C’est dans les quatre dernières années que le promoteur a amorcé les discussions avec le conseil de bande mohawk. À l’époque, plusieurs s’inquiétaient d’un de ses projets immobiliers, situé à proximité de la pinède.
« J’ai compris que la communauté en avait ras le bol, qu’elle a toujours été négligée. J’en suis arrivé à la conclusion qu’il fallait répondre à ses craintes de façon authentique, alors j’ai décidé de mettre sur la glace tout projet sur mes terrains », explique-t-il.
Selon le rôle d’évaluation foncière, les terrains vacants de M. Gollin valent actuellement près de 9,5 millions de dollars. L’homme d’affaires entend les vendre à la juste valeur marchande. « Ma motivation n’est pas financière, assure-t-il. J’ai acquis ces terrains-là au milieu des années 2000, un peu comme lorsqu’on fait un placement. La majorité des terrains demeurent vacants et selon moi, c’est une occasion pour nos gouvernements afin de régler ce grief historique », souligne M. Gollin.
Au cabinet de la ministre des Affaires autochtones et du Nord, Carolyn Bennett, on insiste sur le fait que « la pratique du gouvernement du Canada est de remettre aux Premières Nations une compensation financière dans le cadre d’un règlement négocié ».
« Les Premières Nations peuvent par la suite utiliser cet argent afin d’acquérir des terres de remplacement sur le libre marché de gré à gré. Le gouvernement du Canada n’exproprie pas de tiers en vue de régler une revendication particulière », indique James Fitzmorris, directeur des communications du cabinet de la ministre Bennett.
M. Fitzmorris précise que le gouvernement du Canada n’est pas une partie signataire à la déclaration d’entente mutuelle entre les Mohawks de Kanesatake et M. Gollin.
M. Gollin, qui était à l’extérieur du pays lorsque les tensions ont éclaté à Oka, espère également qu’une intervention d’Ottawa apaise les tensions actuelles. « Il y a des territoires qui sont essentiels au développement de la municipalité d’Oka, mais ce n’est pas à moi à déterminer ce qui est essentiel pour l’un ou pour l’autre. Je ne suis pas un élu, c’est au gouvernement d’en convenir », dit-il. Le propriétaire déplore toutefois les propos du maire d’Oka, Pascal Quevillon, qui ont également été dénoncés par Ottawa et Québec. « Tous ces arguments qui disent que les voisins mohawks ne sont bons qu’à construire des cabanes à cigarette ou des cabanes à pot, c’est quasiment de la fabrication de preuve à mes yeux, ce sont des arguments assez tendancieux », se désole M. Gollin.