(Québec) Le Parti québécois en a assez d’attendre la réforme promise par Québec en matière de protection du français. Affirmant que l’« anglicisation est galopante » dans le Grand Montréal, il compte déposer un projet de loi pour « fixer les attentes » d’une éventuelle réforme de la loi 101.
En entrevue avec La Presse, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, et son chef parlementaire, Pascal Bérubé, dénoncent « l’inertie complète du gouvernement », alors que le ministre Simon Jolin-Barrette a promis il y a des mois de mettre à jour la Charte de la langue française.
C’est notre devoir de montrer l’initiative et de fixer des attentes pour qu’on ne se retrouve pas […] collectivement dans une fable du gouvernement où “tout va bien aller” [et dans laquelle il n’y a] que des mesures cosmétiques.
Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois
Le chef parlementaire reste quant à lui amer face à la Coalition avenir Québec, avec qui le gouvernement minoritaire de Pauline Marois n’avait pu conclure une entente, en 2013, pour adopter une version allégée du projet de loi 14 réformant la loi 101. À l’époque, le parti de François Legault ne voulait pas imposer de nouvelles mesures aux entreprises de moins de 50 employés, plaidant qu’il s’agissait d’un fardeau trop lourd pour elles.
« Simon Jolin-Barrette doit affronter l’aile dominante de la CAQ qui n’est ni nationaliste ni fédéraliste, mais affairiste. Des gens pour qui augmenter la protection de la langue pourrait être un frein pour l’économie. […] On va le devancer avec un projet de loi où la grande différence, c’est que nous, on n’a personne à convaincre », affirme M. Bérubé.
Immigration, francisation et culture
Le Parti québécois attribue le « déclin » du français à Montréal à trois facteurs : des seuils d’immigration trop élevés, l’« impérialisme culturel » des géants numériques américains et la « doctrine du Canada en matière linguistique », qui place le français et l’anglais sur un pied d’égalité.
En matière d’immigration, Paul St-Pierre Plamondon propose de réduire le nombre d’immigrants que le Québec reçoit par année à une fourchette variant entre 35 000 et 40 000, en plus d’exiger une connaissance du français dès l’arrivée à tous les immigrants économiques, comme le proposait le parti durant la campagne électorale de 2018. Le Plan d’immigration du Québec pour l’année 2021 vise cette année « un niveau d’immigration permanente de 44 500 à 47 500 personnes admises ».
C’est un passage normal, sur une base annuelle, de changer le seuil [d’immigration]. Il est appelé à descendre, il est appelé à monter. Je pense qu’il faut s’habituer à une discussion civique normale sur les fluctuations des seuils d’immigration.
Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois
Selon le chef péquiste, le nombre d’immigrants accueillis dépasse actuellement la capacité du Québec à les intégrer en français.
Pour qu’une majorité d’allophones migrent vers le français, estime M. St-Pierre Plamondon, la culture doit plus que jamais être « un point de rassemblement ». Il veut notamment que la province double le budget de Télé-Québec et qu’elle augmente les sommes allouées aux organismes subventionnaires des arts, comme la SODEC et le CALQ.
Le chef du PQ estime aussi que le gouvernement doit inscrire dans la Charte de la langue française un « droit à la francisation », pour assurer que le financement octroyé aux programmes de francisation soit stable. Il demande que les PME de 25 à 49 employés soient contraintes aux mêmes mesures de francisation que les grandes entreprises, de même que les entreprises de compétence fédérale. Il veut aussi que le Québec bonifie la Loi sur la protection du consommateur pour assurer un droit à recevoir un service en français.
Les cégeps et les universités dans le collimateur
En matière d’enseignement supérieur, le Parti québécois réitère qu’une réforme de la Charte de la langue française doit avoir pour objectif d’« octroyer absolument un financement des cégeps et des universités qui soit plus représentatif du poids démographique des communautés anglophones et francophones ».
Ainsi, M. St-Pierre Plamondon ne veut pas appliquer la loi 101 aux cégeps, une option qui a déjà fait partie du programme péquiste par le passé. Il exige plutôt un « mode de financement qui rend moins attractif pour un cégep anglophone d’aller chercher un étudiant issu du système francophone ».
« S’il y a plus de places en anglais qu’il y en a en français, forcément, des francophones et des allophones vont aller faire leurs études en anglais, et ça a un impact sur la langue commune dans la grande région de Montréal », dit-il. Dans les cégeps anglophones, le Parti québécois réactive une demande faite depuis des années, soit l’imposition de la réussite d’une épreuve uniforme de français langue seconde pour l’obtention d’un diplôme d’études collégiales.
« D’ici la fin de la session », dit Legault
Le ministre Simon Jolin-Barrette devra encore attendre avant de présenter sa réforme de la loi 101. Le premier ministre François Legault considère que ce n’est pas le moment. « On va déposer ça dès qu’il va y avoir de l’espace pour un débat, a-t-il affirmé en entrevue avec La Presse. Actuellement, avec la pandémie, on peut penser, pour encore un certain nombre de semaines, qu’il y a moins d’espace de débat, et il doit y avoir un débat sur le français. On devrait déposer ça d’ici la fin de la session. » Il reste des « petits fils à attacher » ; les « mesures majeures sont décidées ». Il y aura entre autres des mesures concernant les cégeps anglophones, la francisation des immigrants et les entreprises de 25 à 49 employés afin de protéger le français comme langue de travail, a-t-il signalé.
Tommy Chouinard, La Presse