Robert Dutrisac - «Il y a les deux partis du “non”, le PLQ et la CAQ, et les deux partis du “peut-être”, le PQ et Québec solidaire», dit Jean-Martin Aussant.
Le scénario idéal pour le chef d’Option nationale, Jean-Martin Aussant : qu’il se fasse réélire comme député dans la circonscription de Nicolet-Bécancour le 4 septembre prochain et qu’il détienne la balance du pouvoir à lui seul devant un gouvernement péquiste. Pour ensuite forcer l’adoption d’un mode de scrutin proportionnel.
« Dans cette élection, c’est la plaie la plus irritante et la plus fatigante : le maudit discours sur la division du vote, le vote stratégique, le vote utile », peste Jean-Martin Aussant.
« Ça m’horripile de penser que des gens aiment bien Option nationale, mais qu’ils vont voter pour autre chose pour bloquer quelqu’un d’autre », dit-il. Il voit là une anomalie en démocratie. « [Un mode de scrutin de type proportionnel], c’est dû depuis longtemps, au Québec. Le système britannique, ça ne marche pas dès qu’il y a plus que deux partis. »
Le Devoir a rencontré mercredi le chef de la jeune formation politique à Nicolet, dans son bureau électoral. Jean-Martin Aussant passe cinq à six jours par semaine dans sa circonscription et coordonne de là la campagne nationale d’ON. « Je suis épuisé », avoue-t-il, confiant qu’il ne dort que trois heures par nuit. Ça ne se voit guère : à 42 ans, il tient la forme.
Le dernier sondage commandé il y a deux semaines par l’hebdo Le courrier sud le place en tête, avec tout près de 30 % des intentions de vote, trois points de pourcentage de plus que le candidat caquiste, Donald Martel, un ancien candidat du PQ qui a mordu la poussière en 2007. Le candidat du Parti libéral, Marc Descôteaux (24 %), et celui du PQ, Gilles Mayrand (20 %), suivent derrière. Un autre sondage local donne l’avantage au caquiste sur l’oniste avec la même marge. C’est donc une égalité statistique. Le redécoupage de la circonscription, qui a absorbé une partie de Lotbinière, l’ancien fief de l’adéquiste Sylvie Roy, défavorise cependant Jean-Martin Aussant.
On s’en doute : pour lui, la réélection du seul député oniste est la priorité. « Pour un nouveau parti, il n’y a rien qui vaut plus cher qu’un porte-parole à l’Assemblée nationale », estime-t-il.
Tous les partis souverainistes devraient souhaiter l’instauration d’un mode de scrutin de type proportionnel, même pour des raisons stratégiques. Jean-Martin Aussant rappelle que René Lévesque était plus populaire que son parti et que son parti était plus populaire que l’option souverainiste. Aujourd’hui, c’est tout le contraire : Pauline est moins populaire que son parti qui, lui, est moins populaire que son option. D’où l’avantage de la proportionnelle pour augmenter le nombre d’élus souverainistes à l’Assemblée nationale.
Jean-Martin Aussant, qui a claqué la porte du PQ en juin 2011, a fondé en octobre dernier Option nationale. Le parti compte maintenant 5000 membres, dont une majorité de jeunes de moins de 35 ans. Il présente des candidats dans 120 circonscriptions. L’énoncé de base d’ON : le projet de souveraineté ne pourra se réaliser qu’avec un parti qui en fait clairement son objectif. Et tant pis s’il faut plus de temps pour prendre le pouvoir. « C’est tellement clair que le jour où on est élu, c’est que le Québec est prêt à faire la souveraineté », dit-il.
Ce discours plaît aux jeunes - aux jeunes universitaires ou qui se destinent à des études universitaires. Il a manifestement plu à Jacques Parizeau, qui a accordé son appui à Jean-Martin Aussant, le candidat, sans toutefois lancer un appel à voter pour ON dans toutes les circonscriptions.
« Ce n’est pas quand on est gêné d’avoir une idée qu’elle avance bien vite. Le jour où tous les candidats souverainistes auront le courage de parler de souveraineté au risque de ne pas être élus, l’idée va avoir gagné beaucoup en crédibilité et ça va accélérer le projet et l’élection de députés souverainistes », avance-t-il.
« La population perçoit un manque de courage, perçoit ce doute dans la tête des leaders souverainistes. Elle se dit : si même les leaders en doutent, s’ils ont tellement peur d’en parler, il doit y avoir quelque chose qui ne va pas quelque part. »
Jean-Martin Aussant signale qu’il a rencontré des centaines, sinon des milliers de fédéralistes « qui sont devenus souverainistes ». Il leur présente des arguments de nature économique pour contrer « la propagande mensongère » des forces fédéralistes, puisque sur le plan identitaire, les Québécois savent très bien que seul leur gouvernement québécois peut protéger la culture québécoise. Il s’adresse à l’« Homo economicus », dit-il.
Le chef oniste souligne que les jeunes n’ont jamais vécu une période où les arguments à l’appui de la souveraineté étaient débattus ; ils n’étaient pas nés lors du référendum de 1995 ou, sinon, étaient de tout jeunes enfants. « À chaque fois qu’on leur en parle, ils entendent les arguments pour la première fois. »
De tous les partis représentés à l’Assemblée nationale, ON est le seul qui dit résolument oui à la souveraineté, fait-il valoir. Il y a les deux partis du « non », le PLQ et la CAQ, et les deux partis du « peut-être », le PQ et Québec solidaire.
S’il a quitté le PQ, c’est qu’il ne croyait plus que le parti pouvait être transformé de l’intérieur, comme s’emploient à le faire des péquistes comme Bernard Drainville. Jean-Martin Aussant cite René Lévesque, qui a affirmé que le PQ, fondé en 1968, ne devrait pas durer plus de 20 ans. « Il a dit que le parti deviendrait une Église, rappelle le chef oniste. Qu’il deviendrait un parti opportuniste et calculateur comme tous les autres, et il avait raison. » C’est une « machine politique professionnelle » qui « ne cherche qu’à se faire élire ».
Jean-Martin Aussant accuse son ancien parti d’être « malhonnête intellectuellement » quand il prétend vouloir « faire un pays ». Il voudrait que le PQ, par souci d’honnêteté, se présente plutôt « comme une alternative de gestion provincialiste ». À son avis, « le PQ ne reviendra pas aux idéaux qui l’ont fondé ».
Jean-Martin Aussant dit croire en ses chances le 4 septembre. Mais même s’il est battu, son parti ne disparaîtra pas et il entend en demeurer le chef, assure-t-il. « Concrètement, si on n’a pas de chef à l’Assemblée nationale, c’est sûr que c’est plus difficile de garder un projet très vibrant, mais c’est faisable. Et le 4 septembre, c’est le début d’Option nationale, ce n’est pas la fin. » Il a fallu trois élections pour que René Lévesque soit élu sous la bannière du PQ, se dit Jean-Martin Aussant.
Jean-Martin Aussant au Devoir
«Le PQ ne cherche qu’à se faire élire»
Selon le chef oniste, le parti de Pauline Marois freine l’élan des souverainistes
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