Le poste de lieutenant-gouverneur, un vestige du passé

Tribune libre

Lettre ouverte à Jean Charest, premier dirigeant du gouvernement national des Québécois
« Selon notre Constitution, le souverain du Canada est aussi le souverain du Royaume-Uni et d’Irlande du Nord. De ce fait, le souverain du Canada est Sa Majesté la reine Elizabeth II. Au fédéral, la reine est représentée par le gouverneur général. Dans les provinces canadiennes, le lieutenant-gouverneur assume ce rôle. »
Tiré du site Internet du lieutenant-gouverneur du Québec
Monsieur le Premier Ministre,
Si nous choisissons de nous adresser à vous aujourd’hui, c’est qu’en tant que premier ministre démocratiquement élu par les Québécoises et les Québécois vous êtes à la tête de leur seul gouverneur national.
Le leader parlementaire de votre gouvernement, M. Jacques Dupuis, assimilait récemment le désir de se débarrasser du poste de lieutenant-gouverneur à une tentative d’imposer la souveraineté par des moyens détournés. Or, ce serait oublier que les Québécois sont défavorables à la monarchie, et plus encore à la fonction de lieutenant-gouverneur. Nul besoin de rappeler les abus de Mme Lise Thibault pour comprendre les motivations de nos compatriotes.
Votre parti, pourtant élu par ce peuple, a récemment voté contre une motion du Parti Québécois proposant que l’allocation annuelle de 775 000 dollars allouée au lieutenant-gouverneur soit coupée. La somme de 775 000 dollars est tout aussi scandaleuse que ridicule pour une fonction purement honorifique. Et c’est sans compter l’ensemble des dépenses reliées à cette fonction archaïque. Ces sommes ne pourraient-elles pas plutôt servir au système de santé, au financement des universités, au remboursement de la dette ou à n’importe quelle mission que les citoyens du Québec auront confiée au parti qu’ils éliront?
Mais, plus qu’une simple question financière, le véritable problème est relié à la symbolique de cette fonction. Le poste de lieutenant-gouverneur est occupé par une personne nommée et non élue. Ce premier aspect est tout à fait inadmissible. Le message que nous envoyons dans le monde entier est que le Québec est toujours soumis à une dynamique coloniale. Or, nous refusons d’être les loyaux sujets de Sa Majesté, tout comme nous refusons qu’un chef d’État étranger et non élu nous impose un représentant dans la plus pure tradition des hiérarchies coloniales.
Le Québec n’a rien à voir avec la monarchie britannique, ni avec quelque monarchie que ce soit. Notre nation est représentée par notre Assemblée nationale, qui lui est redevable. Notre destin ne saurait être confié, ne serait-ce qu’en théorie, à un non-élu doté d’un titre représentant une domination monarchique étrangère.
Contrairement à ce qu’affirme M. Dupuis, la question des symboles monarchiques et celle de l’indépendance politique du Québec ne sont pas nécessairement reliées. Si l’indépendantisme ne peut aller sans l’antimonarchisme, on ne peut en dire autant du contraire. Pour abolir ce poste, nul besoin d’une quelconque modification de notre statut politique. C’est pourquoi le Forum jeunesse du Bloc Québécois vous demande d’agir en homme d’État, et de couper tout financement à cette fonction archaïque, autant en ce qui a trait au salaire de l’individu qui l’occupe qu’aux dépenses reliées à son titre. Puis, afin de ne plus accorder de légitimité à cette parodie, faites en sorte que les lois soient désormais sanctionnées par le président de l’Assemblée nationale, légitimement élu par les députés, eux-mêmes élus par la population. Et pourquoi ne pas avoir l’audace d’abolir le serment prêté à la reine lors de l’assermentation des députés? Les législateurs ne doivent être au service que du peuple du Québec, pas de la reine.
Il ne s’agit nullement de renier l’importance qu’a pu avoir la monarchie française comme britannique dans notre histoire nationale. Nos armoiries, notre architecture et les livres traitant de notre passé collectif, entre autres, permettent de maintenir amplement ces éléments dans notre mémoire nationale. Les pratiques, reliées à ce système, fussent-elles purement symboliques, ne correspondent cependant plus à une société démocratique, libérale et moderne.
En balayant ces anachronismes, vous pourriez entrer dans l’histoire. Le Québec regorge d’énergies vives et créatrices qui ne pourront que s’additionner à vos efforts si vous agissez en homme d’État et posez ce geste de véritable gouvernance nationale.
Si par contre vous n’êtes pas d’accord avec notre position, vous ne pourrez vous limiter à voter contre les propositions du Parti Québécois dans ce dossier. Il ne sera plus suffisant d’associer de manière bassement démagogique la remise en question de ce système rétrograde à une tentative d’imposer l’indépendance par des moyens détournés. Cessez de vous cacher.
Faites-vous partie des quelques rares qui croient encore en ce régime héréditaire et antidémocratique? Croyez-vous que les députés doivent être redevables à la reine? En somme, êtes-vous favorable à cette symbolique coloniale d’un autre âge? Si oui, expliquez-nous pourquoi.
M. Charest, il vous faudra faire preuve de courage, et vous devrez être prêt à assumer les conséquences politiques que cela impliquera. Répondez à ces questions clairement, ouvertement et sans détour.
Si vous êtes contre, cessons d’accorder toute légitimité et tout financement à ce poste. Si vous êtes pour ce poste et favorable à tout ce qu’il implique symboliquement et financièrement, expliquez-nous votre foi en cette fonction. Exposez-nous vos arguments. La politique québécoise ne pourrait qu’être gagnante si l’on y injectait une dose d’honnêteté et de clarté.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.
Simon-Pierre Savard-Tremblay, Jason Bischoff, Arianne Bouchard, Marc-Antoine Cloutier, Sarah Désilets-Rousseau, Maxime Laporte, Marie-Andrée Plante, Renaud Poirier-St-Pierre et Jean-René Roy
Exécutif national du Forum jeunesse du Bloc Québécois

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).





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6 commentaires

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    16 mars 2010

    Influencés par Gilles Duceppe dans ces grandes politesses diplomatiques envers l’occupant vous devriez aussi réaliser que les députés du Bloc Québécois ont dû s’astreindre à ce petit mensonge de 10 secondes que le serment d’allégeance à la Couronne britannique. C’est une condition sine qua non, pour siéger dans la monarchie constitutionnelle. Vous dites : « J’imagine mal la sécurité de l’Assemblée nationale empêcher soixante-dix députés d’entrer dans le Salon bleu qui auraient refusé de se prêter à cette pratique caricaturale. » Et vous demandez au PM provincial canadien s’il est d’accord ou non. Il n’a pas à être d’accord ou pas, c’est la structure du pays qu’il espère unilingue anglais le plus vite possible. Il ne répondra jamais, tout comme la sécurité de l’Assemblée nationale sortirait instantanément tout député élu qui refuserait de prêter serment. Ils seraient expulsés un à un, jusqu’au dernier. Tout comme aux Communes, c’est le mot de passe pour entrer!
    Vous connaissez les règles pour modifier la Constitution : unanimité des provinces, si je me souviens. Y’a qu’à lire les journaux du ROC, ces jours-ci, sur la hargne qu’ils nous portent en parlant de xénophobie. La Gazette de Montréal et ses racistes anglos du West Island ont aussi sauté sur cette nouvelle chance de nous diminuer. Faut pas compter sur autres que nous pour sortir de la Réserve où ils sont occupés à nous enfermer. La Reine vient fêter le Canada l’été prochain. Elle ne devrait pas traverser la rivière, après l’accueil que nous avons réservé à son éclaireur récemment chez les Black Watch, où le Prince Charles a dû entrer par les poubelles. Contre la monarchie, une seule solution : le vote massif pour l’indépendance politique, économique et culturelle du Québec français et accueillant au monde. Tout en réchauffant les sièges à Ottawa, contre l'invasion de fédés, les députés du Bloc devraient concentrer leurs énergies à ce programme : des assemblées de cuisine par tout le territoire du Québec, pour rappeler à la Nation où est son intérêt. Un assimilé n’a pas plus de respect après : il demeure porteur de valises pour le boss.

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    16 mars 2010

    @ Simon-Pierre Savard-Tremblay:
    «...M. Charest, il vous faudra faire preuve de courage...»
    Hum... Vous demandez sérieusement à un homme tel que John James MacDonald Charest, de faire preuve de courage?
    En vérité, nous le connaissons assez bien, après sept ans au pouvoir, et environ onze ans à l'Assemblée nationale... Je me dis qu'il ne faut peut-être pas trop en demander au bonhomme en question.

  • Simon-Pierre Savard-Tremblay Répondre

    16 mars 2010

    À vrai dire, notre démarche repose sur deux objectifs:
    1) Nous souhaitons renvoyer la balle à Jean Charest, en le poussant à clarifier sa position et en le mettant devant un choix: soit il s'oppose à ce poste, soit il est en faveur. Dans le deuxième cas, qu'il nous explique pourquoi. Il serait en effet très révélateur de voir le premier-ministre défendre sans nuances les symboles monarchiques.
    2) Les mesures que nous prônons (fin du financement, sanction des lois par le président de l'Assemblée Nationale, refus de prêter serment à la Reine), sont clairement anticonstitutionnelles, et s'incrivent clairement dans le refus de reconnaître la légitimité du Canada de 1982. Elles pousseraient clairement le gouvernement du Québec à engager un conflit ouvert avec Ottawa et ses institutions juridiques. Il ne faudrait pas surestimer le réflexe légaliste des québécois, qui verront un gouvernement courageux faire ce qui est nécessaire et un état fédéral qui portera l'odieux de défendre les symboles monarchiques. Dans le cas du serment à la Reine, cette victoire pourrait être remportée selon moi sans trop difficultés, mais ferait beaucoup de bruit, positivement. J'imagine mal la sécurité de l'Assemblée Nationale empêcher soixante-dix députés d'entrer dans le Salon bleu qui auraient refusé de se prêter à cette pratique caricaturale.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 mars 2010

    La Constitution canadienne, rapatriée par Trudeau en 1982, confirme le statut monarchique de ce pays, particulièrement dans la précision des tâches des juges de la Cour Suprême, nommés par le PM et la GG. Cette instance est vouée à l'unité canadienne et elle gère tout litige dans ce pays que vénèrent les premiers ministres des provinces, dont Jean Charest.
    Ceci rend inutile votre supplique auprès d’un PM fédéraliste, donc monarchiste. Si l’Assemblée nationale avait le moindre pouvoir sur ses structures (surtout celles reliées à la monarchie), on pourrait croire que le PQ, longtemps au pouvoir, aurait banni le serment à la reine. Malgré que nous aimions prendre nos rêves pour la réalité, le protocole monarchique du Canada n’a rien de symbolique. Depuis la brutale conquête britannique de 1759, la Nouvelle-France est devenue colonie britannique et notre statut n’a évolué que vers la monarchie constitutionnelle. Les assimilateurs se sont succédé depuis Lord Durham (les Patriotes), McDonald (Ls Riel) James McGill (commerce anglo) Borden (conscription Boers : chair à canon comme Afghanistan) et ont entraîné quelques assimilés : Laurier, Trudeau, Chrétien, M. Jean, qui ont pavé la voie à Harper et John James Charest
    Le mérite de votre démarche repose surtout sur l’attention mise sur cette réalité honnie qui est la nôtre. Et surtout, plus vous ferez réaliser à la jeunesse le trajet vers le drain que nous impose ce pays, plus vous participerez à rendre évidente la seule issue possible pour notre Nation : le vote massif pour l’indépendance politique, économique et culturelle du Québec français et accueillant au monde.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 mars 2010

    Je partage tout à fait votre pensée quant à cette fonction que je rejette également. Cependant je ne pense pas que ce soit aussi simple que ça.
    Je vous suggère en tout respect de lire le dossier sur la monarchie qui a été publié il y a quelques années dans l'Action Nationale, et qui tend à montrer que ce sera certainement une chose très ardue que de réussir à se débarasser de la Reine te de ses oripeaux qui traînent dans le paysage politique.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 mars 2010

    Le lieutenant-gouverneur du Québec joue un rôle fondamental pour redorer l'image du Comité olympique canadien.