Monsieur [Beaulieu->11066],
Sauf le respect que je vous dois, lorsque les adéquistes se font planter,
ce n’est pas à cause de leur ignorance ou parce qu’ils sont illettrés. Vous
êtes un écrivain que j’adore. Je dévore vos textes et cela peu importe par
quel « devers » vous dirigez le canon de votre plume. Prenez garde
cependant de ne pas sombrer dans la démagogie. Cela vous discréditerait, ce
que vous ne méritez surtout pas.
Quant à ce qui est reproché aux adéquistes, s’il est une aspect exécrable
qu’ils reproduisent, autant qu’ils peuvent en même temps le reprocher à ceux
qu’ils affublent négativement de l’épithète de gauchistes, c’est bien
cette tendance bassement réactionnaire. C’est aussi une façon de faire qui
est tout à fait reconnaissable dans la majorité de vos interventions et
actions. Mais ne vous en faites surtout pas avec cela, je suis moi aussi
écoeuré du PQ et il n’y a pas plus réactionnaire que moi. Mais je me
soigne.
Non ce qui est agaçant chez les néo-cons de chez nous, c’est leur refus de
réfléchir. Et cela n’a rien à voir avec le statut social ou le
porte-feuille. La plupart des vidangeurs, des habitants, des gens de
l’arrière-pays basque de Trois-Pistoles, (ville que j’adore soit dit en
passant) des fermiers, des universitaires, etc. Tout ce monde-là, en grande
majorité, prend la peine de réfléchir avant de se prononcer ou de voter.
Vous-même, vous avez fait l’exercice dont vous nous gratifiez de conclusions
intelligentes dans vos instructives proses.
Mais hélas, à l’inverse de nous, chez beaucoup de néo-cons, la politique
se résume à des choix aussi aléatoires que Star-Académie. Pour eux, la
politique, c’est comme le Football. À l’exception des stupides cupides qui
vont se faire voir à Rivière-du-Loup devant le Prime Minister canadian pour
se faire du capital, les néo-conservateurs ne savent pas pourquoi; mais ils
sont des partisans de l’ADQ de la même façon qu’ils soutiennent les Bills
de Buffalo ou les Saints de la Nouvelle-Orléans. Une logique ? Pas besoin
de ça !
Or, lorsque des gens font du porte-à-porte et se font répondre que peu
importent les arguments qu’ils présenteront, le choix d’un électeur ne
sera pas influencé, alors on est en droit de se poser de sérieuses
questions. Quand on dit à quelqu'un : « si tu votes pour ce gars-là, tu le
fais contre Kyoto et tu votes aussi pour la guerre en Afghanistan » Et quand
le type te répond qu’il va quand même voter pour Denis Lebel dans Roberval
parce que c’est un gars de la place, qu’on le connaît et qu’il est
sympathique et que Louis Champagne l’appuie, alors là, tu réalises que
quelque chose ne va plus dans notre machine à penser collective. Bien sûr,
il y a aussi les ravages de la radio-poubelle dans la région de Québec que
je pourrais rajouter, mais ça, c’est une autre histoire…
Comme je l’écrivais sur un blogue récemment, ce manque de jugement origine
de trois décennies de laisser-aller. Des parents qui se fichent de leurs
enfants pour prioriser leur petite vie personnelle. Des jeunes, la clé au
cou, qui mangent des croquettes et s’instruisent en regardant n’importe quoi
à la TV (des crottés à MTV). Voilà le résultat : une génération de gens qui
votent comme ils parlent. C'est-à-dire avec leurs fesses… Chartrand disait
d’ailleurs, il y a de cela quelques années, à des étudiants d’université et
je cite: "Si vous ne pratiquez pas la démocratie à votre âge, alors à 40 ans
vous voterez encore comme les caves que vous êtes aujourd’hui". Ce n’est
donc pas un hasard si c’est précisément cette génération qui supporte
maintenant l’ADQ dans une forte proportion.
Une génération plus égoïste encore que celle des baby-boomers qu’ils
dénoncent à grands cris. Ça ne les dérange pas de faire crisser les pneus
de leur bazou à 3h00 du mat et réveiller tout le quartier. Ce sont des
cancres en série qui veulent faire tabula rasa de tout ce qui a servi à
tisser des liens de solidarité au sein de cette société. À cause d’eux, le
Québec est dorénavant un peuple composé d’un nombre important d’ignorants,
« de grateux, » de grossiers, d’impolis et de mal éduqués qui se fichent
de tout et de tout le monde. Ils pestent contre le contrôle des armes, ils
veulent que l’on rétablisse la peine de mort et ils souhaitent la
privatisation à grande échelle des services de santé parce qu’ils n’ont
cure de payer pour les autres. Et ce sont ces créatures des cavernes
dénuées de tout sens critique qui ont commencé à envahir l’Assemblée
nationale.
Mais j’insiste! Ce n’est pas de leur faute! Ce sont les parents qui sont
responsables. L’héritage empoisonné des baby-boomers, ce ne sont pas les
syndicats, comme certains semblent bêtement le croire. Ce sont plutôt les
bungalows, l’individualisme et la perte du sens des valeurs qui rendent
caduque notre capacité d’agir ensemble comme société. La génération X n’est
que le produit de ça. Elle rage contre tout et contre rien parce qu’elle ne
dispose pas de la perspective historique nécessaire pour comprendre tous
les enjeux politiques modernes. Sa hargne n’est que le fruit de sa
frustration et non pas le résultat d’une réflexion sensée. Et c’est
maintenant ça qui propulse l’ADQ là où il est.
Daniel Lévesque
Québec (Québec) 7 janvier 2008
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