Libre opinion

Le NPD a besoin du Québec, mais l’inverse est-il vrai?

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« L’histoire longue des relations Québec-Canada nous enseigne que les intérêts socio-économiques des Québécois ne sont jamais si bien servis que lorsqu’ils adoptent une posture nationaliste »






Une majorité néodémocrate face à un fort contingent bloquiste permettrait l’adoption de politiques progressistes à l’échelle canadienne et le respect des besoins du Québec en matière d’asymétrie ou d’autonomie. Or, la division du vote à l’extérieur du Québec exclut vraisemblablement cette possibilité. Plus les appuis au Bloc seront importants, moins grandes seront les probabilités d’une victoire néodémocrate, et vice versa. Un partage du vote entre Bloc et NPD favorise donc la pire des éventualités : un gouvernement conservateur face à une opposition québécoise inutilement divisée.


 

D’un point de vue québécois et progressiste, le « vote par conviction » mène à l’impasse et à la marginalisation. Un vote stratégique et concerté pour l’un ou l’autre de ces partis est indiqué. Malgré le retour de Gilles Duceppe et le « rassemblement » que tentent d’opérer les souverainistes, une tendance très forte favorise actuellement le NPD. Soit. À plus de deux mois des élections toutefois, il est encore temps de proposer quelques arguments en faveur du renversement de cette tendance avant de s’y rallier. Les Québécois, souverainistes ou non, peuvent encore réfléchir.


 

Le centre


 

Il est bien connu que le système électoral et le fédéralisme canadiens favorisent le centre. Le NPD s’est d’ailleurs sensiblement recentré ces dernières années. S’il se situe toujours à la gauche du PLC et du PCC, l’écart s’est rétréci. L’exercice du pouvoir ne pourra que pousser le NPD vers le centre d’autant plus. […]


 

La mesure économique la plus en vue du NPD notamment […] est la diminution massive du fardeau fiscal de l’immense majorité des entreprises canadiennes. En cela, le NPD ne se distingue pas tellement de ses adversaires. […] Cette mesure sera-t-elle réellement suivie d’une hausse correspondante de l’impôt des grandes entreprises et des plus fortunés ? Permettons-nous d’en douter. Chose certaine, elle s’accompagnerait d’une utilisation assumée du « pouvoir fédéral de dépenser » dans divers domaines.


 

Compromis


 

Le NPD est un parti pancanadien : il est tenu aux compromis et peu disposé à prioriser les intérêts du Québec. Le NPD s’engage à abolir le Sénat par exemple : il fait ainsi fi de l’opposition de l’Assemblée nationale et souligne qu’aucune négociation constitutionnelle afférente ne devra avoir lieu. C’est aussi en excluant d’emblée l’option d’une réforme du Sénat visant une meilleure représentation des provinces au niveau fédéral, position trahissant son héritage centralisateur.


 

Teintées de gris, les positions énergétiques et linguistiques du NPD sont aussi révélatrices. Énergie Est, c’est « non » dans l’état actuel de la réglementation, mais « oui » en principe. M. Mulcair a affirmé devant l’Economic Club à Ottawa que le NPD « réclame une meilleure capacité de transport par pipeline d’ouest en est » parce que « tout le monde y gagne ». Or, les experts sont formels : l’environnement et le Québec ne peuvent qu’y perdre. Quant à la langue de travail, il n’y a qu’à comparer le paragraphe 3 du projet de loi C-315 du NPD, qui lui tient toujours de position officielle, avec les articles 45 et 46 de la loi 101 : le premier protégerait surtout les francophones bilingues, les seconds protègent tous les francophones. Nuance importante.



Rejet du progressisme


 

Député du PLQ de 1994 à 2007, Thomas Mulcair a non seulement combattu le Oui en 1995, pourtant soutenu par toutes les forces progressistes du Québec ou presque, mais il a par la suite faussement accusé ses dirigeants d’avoir voulu corrompre le processus référendaire. C’est pardonné. Or, jusqu’à la fin de son mandat en 2007, il a également ouvertement et en toute connaissance de cause appuyé la « réingénierie de l’État » libérale, ne se fâchant que bien tard avec son allié de longue date, Jean Charest, sur des questions politiques et environnementales plutôt qu’économiques ou sociales. Lors de la grève étudiante de 2005, de quel côté était M. Mulcair, déjà ? Que toute sa carrière politique québécoise témoigne d’un rejet du progressisme, incarné dans le projet souverainiste ou dans l’opposition au néolibéralisme, est-ce négligeable ?


 

Les intérêts du Québec


 

En se liguant derrière le Bloc, même au prix d’un retour au pouvoir des conservateurs, le Québec serait mieux placé pour faire une différence réelle dans la vie de ses citoyens. L’histoire longue des relations Québec-Canada nous enseigne que les intérêts socio-économiques des Québécois ne sont jamais si bien servis que lorsqu’ils adoptent une posture nationaliste. Des premiers impôts corporatifs (1882) à l’impôt sur le revenu (1954) et au marché du carbone (2014), c’est la volonté nettement affichée d’une autonomie d’action accrue — incomparablement plus que sa « participation » au Cabinet fédéral — qui aura permis au Québec de se doter des outils fiscaux, législatifs et exécutifs nécessaires à la construction d’une société moderne et juste.


 

Plus que jamais peut-être, l’indépendance du Québec et le progrès social sont les faces d’une même médaille. Que pourra le NPD face aux ententes bilatérales et multilatérales de libre-échange qui lui lient déjà les mains ? Que fera le NPD face à l’absence du Québec au sein des forums internationaux où se joue son avenir ? Le Québec et ses citoyens ont besoin d’un nouveau départ, sur de nouvelles bases. Le Bloc peut en être l’amorce et le messager. Le NPD ne pourra jamais que prétendre en être porteur. Québécoises et Québécois, il est encore temps de changer d’idée !







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