De rares intellectuels québécois se sont penchés sur un phénomène que l’on tend à nier, celui du transfert du pouvoir des clercs religieux à des clercs laïques.
Pour comprendre le Québec d’aujourd’hui, il faut reconnaître lucidement qu’il s’inscrit en continuité avec le Québec dominé par l’idée du péché mortel, telle que définie par les curés du passé.
Dans la société actuelle, les curés ne portent plus de soutane, mais revêtent des uniformes souvent débraillés et occupent leur chaire médiatique en lieu et place de celle qu’on retrouvait à l’intérieur des églises.
C’était souvent une chaire sculptée en bois avec un escalier que seul le prêtre utilisait pour s’installer des fidèles à qui il portait la bonne parole et la morale faite de blâmes et d’interdits avec une obsession permanente pour le péché de la chair.
Nous sommes passés des mises en garde d’antan à l’éloge de pratiques sexuelles diverses et atypiques. Les féministes revendiquent l’égalité sexuelle, et ses grandes prêtresses, contrairement aux prêtres du passé, invitent depuis des décennies les femmes à jouir de leur corps comme les hommes. Avec ou sans eux d’ailleurs. Il est devenu chic, pour une femme célibataire, de posséder sur sa table de chevet un sex toy attrayant.
Nouveaux prêches
Les nouveaux clercs d’aujourd’hui n’ont plus de cols romains, préférant un col mao ou une chemise ouverte sur leur poitrine sculptée par l’entraînement physique. Ces dépositaires de l’orthodoxie dominante s’appliquent avec une efficacité redoutable à enseigner au peuple ce qu’il doit penser de la politique. Ces clercs classent les humoristes fréquentables, les films et les spectacles incontournables pour être dans l’air du temps. Ils distribuent leurs indulgences à des écrivains et à des chanteurs tout en pratiquant l’excommunication des autres.
Les nouveaux clercs sévissent dans toutes les activités humaines. Des psys patentés, des thérapeutes, diplômés ou autoproclamés, ont pris, eux, la charge de nos âmes. Et des théologiens de la religion laïque se sont emparés de nos esprits. Ce sont les nouveaux dieux, car les prêtres d’avant la déchristianisation se considéraient plutôt comme les émissaires de Dieu.
Gourous
Alors que les religieux du passé avaient fait vœu de chasteté, les nouveaux clercs antireligieux d’aujourd’hui, souvent des gourous, font l’éloge du sexe débridé. Ils vendent du vent, des pilules miraculeuses, des thérapies sudatoires, des régimes amaigrissants sans gluten (péché mortel) des aliments biologiques, qui remplacent la pureté d’autrefois.
En ce temps des Fêtes, il est frappant de constater à quel point les conversations portent sur la nourriture à éviter ou à désirer en fonction non plus des calories, mais de ses propriétés sacralisées. Nombreux sont ceux qui mangent avec dévotion, comme on était affamé de l’hostie aux propriétés salvatrices pour nos âmes. Ces délires confondus à la spiritualité expliquent sans doute une partie de notre désarroi collectif et de nos détresses individuelles.
L’année 2018 s’annonce aussi préoccupante qu’incertaine pour la planète. Donc, faute de mains jointes, croisons-nous les doigts.