Le maringouin de Legault

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Un candidat caquiste et ancien ministre péquiste veut renouveler le rapport de force contre Ottawa

Le candidat que la CAQ va présenter demain dans Montmorency pourrait bien venir embêter François Legault.


Non pas parce qu’il aura oublié quelque image dégradante sur un compte Facebook. Ou parce qu’il fait dans le prêt usuraire. Non, ici, c’est plus fondamental, c’est lié à la manière même de concevoir le Québec, son statut politique.


Je parle de Jean-François Simard. L’homme est en quelque sorte l’incarnation même de la coalition : il a si souvent changé d’allégeance !


En 1990, en pleine crise de Meech, afin de protester contre l’élection de Chrétien comme chef du PLC, il quitte son poste de président de l’aile québécoise des Jeunes libéraux.


Il devient alors souverainiste et en 1994, intègre la garde rapprochée de Jacques Parizeau. Quatre ans plus tard, il se fait élire comme député péquiste de Montmorency.


Dans les gouvernements Bouchard et Landry, il sera ministre sans portefeuille : à l’Éducation et à la Jeunesse, puis à l’Environnement et à l’Eau.


Depuis sa défaite en 2003, Simard s’est mué en professeur d’université (science sociale). En 2012, il se trouve parmi les 12 premiers signataires du manifeste de la Coalition « pour » l’avenir du Québec, qui a précédé la création du parti.


Un vire-capot ?


Il serait facile de le traiter de « vire-capot ». Ses défenseurs feront remarquer — non sans raison — que les méandres de son parcours épousent ceux de bien des Québécois. Simard a toujours eu l’air d’un premier de classe et n’a jamais fait dans l’économie de mots.


Il faut revoir les documentaires de Jacques Godbout Le Mouton noir (1992) et Les Héritiers du mouton noir (2003), où il apparaît : dans la vingtaine, il s’exprime déjà comme un vieux ministre ronflant !


Un essai intelligent


Avec ce souvenir d’un jeune-vieux ambitieux et habile, j’ai entamé il y a quelques mois son livre L’idéologie du hasard, retour sur la question nationale (Fides, 2018).


Ce fut une belle surprise. Sur 200 pages, on sent chez lui une authentique volonté de réfléchir à la question du statut politique du Québec, souvent négligée. C’est une des rares tentatives de jeter les bases d’une pensée caquiste.


Sa thèse : les souverainistes ne veulent plus faire de référendum et les fédéralistes réformistes sont réduits à l’impuissance. Résultat : « Les deux camps opposés érigent en idéologie le hasard afin de guider la destinée de notre peuple. » Nous ne traçons plus notre voie nationale, nous avons ni plus ni moins « pris congé de nous-mêmes ».


Les critiques de Simard à l’endroit du PQ et de l’indépendance (« comme une religion qui avait réponse à tout ») sont implacables.


Il n’est pas plus tendre pour Philippe Couillard, dont il pourfend, de manière informée et incisive, la prétendue Politique d’affirmation du Québec et de relations canadiennes.


L’expression chérie des Couillard et Fournier, « Québécois, c’est notre façon d’être Canadien », passe entre autres un mauvais quart d’heure. C’est, écrit Simard, une manière « d’enrégimenter l’identité québécoise » et de « la soumettre » à un projet forcément et totalement canadien ».


Et c’est ici que Simard pourrait bien devenir une sorte de « maringouin » politique pour son chef, qui cherche à se défaire de la question nationale et de l’étiquette souverainiste pour séduire les canadianistes et l’ouest de l’île de Montréal.


Simard, contrairement à Legault, ne veut pas en finir avec la question du souverainisme. « Ce mouvement n’est pas prêt de disparaître », écrit-il entre autres. Il confie même honnir « l’arrogance de ces fédéralistes qui croient que la question nationale est chose réglée ».


Enfin, face à la double impasse actuelle, la CAQ, plaide Simard, représente un déblocage, un peu comme Macron en France. Il évoque une « synthèse » entre fédéralisme et souverainisme, déplore que le « rapport de force » du Québec par rapport au ROC soit disparu. Que fera la CAQ pour le relancer ? En refermant le livre, on n’en sait pas plus.


« Je réfute l’obligation de devoir à moi seul apporter des réponses définitives aux questionnements que je soulève », écrit Simard, prudent. Certes, mais quelles sont les réponses de François Legault à ces questions capitales ?



LE CARNET DE LA SEMAINE


Pas d’attaques personnelles ?


Philippe Couillard devra-t-il pacifier ses troupes ? En entrevue à Radio-Canada récemment, il a déclaré ceci : « Je n’ai pas l’intention de descendre dans ce niveau de débat, de discussion. La politique, ça devient facilement personnalisé. Et moi, je ne veux pas ça. Je crois que mes collègues non plus ; j’espère que mes collègues non plus ne le veulent pas. » Pourtant, sur Twitter, son directeur des communications Charles Robert tire à boulets rouges sur François Legault. Et Gaétan Barrette, hier, a nié que Claude Castonguay, qui l’avait critiqué, soit le père de l’assurance maladie : « M. Castonguay, il a importé au Québec le système ontarien au Québec. Le père de l’assurance maladie s’appelle Tommy Douglas. Le Québec en 1970 était l’avant-dernier au Canada à avoir l’assurance maladie. On a importé tel quel le système ontarien ! »


Candidat « pincé »



Si vous étiez député, vous, vous vous pinceriez quoi ? Daniel Goyer, lui, candidat du PQ dans Deux-Montagnes, se saisit le bras : « Pendant un an et demi, à titre de député, je me sentais privilégié. Toutes les fois que je prenais place à mon pupitre au Salon bleu, je me pinçais le bras pour être certain que je ne rêvais pas. Je réalisais que j’étais la voix dans notre Parlement, que j’avais la responsabilité de travailler au sein du gouvernement du Québec et de notre région, celle aussi de promouvoir le projet de la souveraineté. » Aujourd’hui, comme candidat, il se pince encore : « Alors aujourd’hui, je me pince, non pas par nostalgie, mais pour continuer le travail de bien vous représenter. Voilà précisément ce qui me motive d’être devant vous aujourd’hui. » (Phrase rapportée sur le site leveil.com en mars)


Lisée ignoré par un candidat


La page Facebook du député et candidat péquiste Mathieu Traversy ressemble à n’importe quelle autre page d’un candidat du PQ : photos d’événements publics avec les commettants, les électeurs. Une vidéo présentée avec cette phrase : « L’éducation doit devenir une priorité nationale ! Un État fort passe par la formation de sa jeunesse. » Là où la page de M. Traversy se distingue, c’est par l’absence totale de photo du chef Jean-François Lisée ! On n’y voit que la vice-chef Véronique Hivon. Dont cette phrase, tirée d’une interview que cette dernière accordait récemment : « Un petit peu moins d’ego en politique et un petit peu plus d’équipe, je crois que ça ferait vraiment du bien. » Le commentaire de M. Traversy ? « Sincérité, humanisme et combativité ; voici la vice-première ministre qu’il nous faut ! Excellente entrevue à écouter. »



LA CITATION DE LA SEMAINE


« Il est déçu de savoir que son bateau a coulé » – Joçanne Prévost, porte-parole du premier ministre Philippe Couillard, lequel était en vacances cette semaine lorsque l’événement (un peu trop) symbolique s’est produit.