Il avait fait entrer Montréal dans une nouvelle ère en modernisant l’appareil municipal et en ouvrant les portes de l’hôtel de ville aux citoyens. Jean Doré n’est plus. L’ancien maire de Montréal a succombé lundi au cancer à l’âge de 70 ans, entouré des siens.
La nouvelle du décès de M. Doré est survenue alors que les élus montréalais étaient réunis en conseil municipal lundi après-midi. « Salut, Jean ! », a lancé le maire Denis Coderre après que les élus eurent observé une minute de silence à la mémoire de celui qui fut maire de Montréal de 1986 à 1994 à la tête du Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM).
Jean Doré avait appris qu’il était atteint d’un cancer du pancréas au mois d’août 2014. Comme ce cancer ne pardonne pas, l’ex-maire se savait condamné, mais il avait accepté de se soumettre à des traitements de chimiothérapie. En décembre 2014, il s’était dit serein, malgré la maladie et les traitements éprouvants.
Les citoyens pourront venir rendre hommage à Jean Doré lors d’une chapelle ardente samedi et dimanche prochains à l’hôtel de ville de Montréal, a indiqué le maire Denis Coderre. Les funérailles devraient avoir lieu au même endroit en début de semaine prochaine, a-t-il dit.
« Il a rouvert l’hôtel de ville aux citoyens. Il avait une grande vision d’urbanisme », a déclaré le maire Coderre en rappelant que Jean Doré avait fait des gestes importants pour protéger le patrimoine et les espaces verts, dont le mont Royal.
« C’est un choc pour tous les élus du conseil de ville d’apprendre la mort de ce grand maire que fut Jean Doré. Il a jeté les bases de l’action municipale telle qu’on la connaît aujourd’hui, à commencer par l’urbanisme », a pour sa part souligné le chef de l’opposition, Luc Ferrandez.
Démocratie municipale réinventée
Jean Doré a notamment doté Montréal de son premier plan d’urbanisme, mis fin à l’époque des démolitions massives, lancé la relance du Vieux-Montréal et aménagé la première piste cyclable, rue Rachel, malgré la contestation, a fait valoir M. Ferrandez.
Le vétéran à l’hôtel de ville et ancien membre du RCM, Marvin Rotrand a salué la contribution de l’ancien maire à la démocratie montréalaise et à la modernisation de l’appareil municipal. Élu en 1982 avec le RCM, M. Rotrand avait démissionné en 1988 pour siéger comme indépendant. « J’ai été très tough avec lui, mais il a toujours fait preuve d’une grande civilité avec les élus de l’autre côté de la salle et a toujours essayé de travailler avec eux », a-t-il relaté.
De son côté, la chef du Vrai Changement pour Montréal, Lorraine Pagé, a rappelé que Jean Doré avait ouvert la porte du pouvoir aux femmes, parmi lesquelles Léa Cousineau et Thérèse Daviau : « Jean Doré a été un précurseur. Il était féministe. Il a contribué à transformer nos institutions municipales pour faire en sorte qu’aujourd’hui, les citoyens aient leur place à l’hôtel de ville, que les minorités culturelles soient représentées et que les femmes soient là ».
Une révolution tranquille
Né dans le quartier Centre-Sud de Montréal en 1944, Jean Doré avait fait des études en droit à l’Université de Montréal. Après une brève incursion en journalisme en 1970, il devint l’attaché de presse du chef du Parti québécois, René Lévesque, de 1970 à 1971.
Jean Doré a fait son entrée à l’hôtel de ville comme conseiller municipal en 1984 à la faveur d’une élection partielle. À la tête du RCM, il est élu maire de Montréal en 1986, mettant fin à un règne de 26 ans de pouvoir du Parti civique et de son chef, Jean Drapeau. Sa victoire contre Claude Dupras, du Parti civique, est sans équivoque, le nouveau maire ayant obtenu 70 % des voix et réussi à faire élire 55 conseillers sur 58 sièges.
L’arrivée au pouvoir de Jean Doré et de ses troupes apporte un vent de changement à l’hôtel de ville. Jean Doré dirigera Montréal pendant deux mandats avant d’être battu par Pierre Bourque en 1994.
Le 14 décembre dernier, d’anciens sympathisants se sont réunis pour souligner la fondation, 40 ans auparavant, du RCM, et rendre hommage à Jean Doré qui fêtait alors son 70e anniversaire. Lors de ces retrouvailles, Léa Cousineau, première femme présidente du comité exécutif de la Ville, a qualifié de « véritable révolution tranquille » les deux mandats de Jean Doré et du RCM à l’hôtel de ville.
Le premier mandat de l’administration Doré a été fertile en réformes administratives. La jeune équipe a dépoussiéré l’appareil municipal, doté la Ville d’un plan d’urbanisme, décentralisé la démocratie en créant les arrondissements, les comités-conseils d’arrondissement — sans pouvoirs décisionnels — et les bureaux Accès-Montréal, en plus de mettre en place l’Office de consultation publique de Montréal et d’ouvrir les portes de l’hôtel de ville aux citoyens.
C’est sous le règne de Jean Doré que voient le jour le Biodôme de Montréal, le Jardin chinois, le Musée Pointe-à-Callière et la plage de l’île Notre-Dame. Le maire Doré pilota aussi de grands projets urbains, comme la revitalisation du Vieux-Montréal et l’adoption d’un plan de mise en valeur du mont Royal.
Jean Doré est réélu en 1990, mais son deuxième mandat, assombri par une crise économique qui frappe durement Montréal, voit s’estomper la sympathie des Montréalais envers son administration. Avec la nouvelle décennie, l’appareil municipal s’encrasse dans une lourdeur bureaucratique, estiment plusieurs critiques. La récession frappe de plein fouet les Montréalais. Lors d’une entrevue au Devoir en novembre dernier, l’ancien maire avait admis que l’imposition d’une surtaxe sur les immeubles commerciaux lui avait coûté cher politiquement.
Battu par Pierre Bourque en 1994, Jean Doré a tenté un retour en politique en 1998, mais sans succès. Il s’est alors tourné vers le secteur privé, devenant directeur principal, développement des affaires, financement institutionnel et services bancaires, à la Caisse centrale Desjardins. Impliqué dans la communauté, il a aussi présidé la Fondation des Auberges du coeur.
À l’automne dernier, Denis Coderre avait officialisé la dénomination de la plage Jean-Doré de l’île Notre-Dame en l’honneur de l’ex-maire. Le maire Coderre avait aussi évoqué l’idée de nommer une rue ou un parc en l’honneur de Jean Doré.
Les policiers et l’uniforme
Lors des funérailles de Jacques Parizeau, la semaine dernière, Denis Coderre avait été choqué de voir les policiers porter des pantalons de camouflage. Lundi soir, le maire a lancé un message clair à la Fraternité des policiers en prévision des obsèques de Jean Doré : « J’espère qu’il y a des gens qui prennent des notes par rapport à des situations bien précises et que tout le monde, du côté des forces policières, aura l’uniforme intégral. »
JEAN DORÉ 1944-2015
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