Éthique et culture religieuse

Le Lyssenko de la souveraineté

ECR - Éthique et culture religieuse

Trofim Denissovitch Lyssenko était un scientifique russe qui est resté célèbre pour ses théories «scientifiques» sur la génétique censées évoluer en fonction de l'idéologie soviétique. Le lecteur sera-t-il étonné de savoir qu'il s'agit du plus grand fiasco de la science soviétique, justement parce que ce n'était pas de la science?
Aujourd'hui, une sociologue patentée, mais en fait «candidate au doctorat en sociologie...», affirme que le cours d'éthique et de culture religieuse occulte les valeurs québécoises et endoctrine les élèves. Joëlle Quérin soutient cette théorie dans l'étude [Le cours Éthique et culture religieuse: transmission de connaissances ou endoctrinement?->24245], publiée par l'Institut de recherche sur le Québec (IRQ). Son affiliation à cet institut mérite aussi une précision scientifique. L'IRQ s'avère être un groupe de recherches dont les visées sont plus politiques et idéologiques que scientifiques et il ne doit évidemment pas être confondu avec l'INRS ou le défunt l'IRQC.
Par ailleurs, cette étudiante en sociologie fait la part belle au Parti québécois qui s'empresse de demander l'abolition de ce cours. En tant que docteur en science politique et agrégé en sociologie, spécialiste des questions sur la religion et la modernité depuis vingt ans, je me sens dans le devoir de préciser un certain nombre de choses.
Que l'étudiante le veuille ou non, et que le Parti québécois souhaite se voiler la face, cela ne changera rien à la réalité. Voilà une série de faits — après tout, la sociologie se doit de s'appuyer sur des faits — qui s'imposent comme une réalité.
Le Québec est une société culturellement fondée sur la religion catholique. Et si celle-ci a eu parfois un passé trouble, il faut aussi rappeler qu'elle a assuré la promotion de l'éducation et des soins pendant de longues décennies. Il ne suffit donc pas de décréter que l'on s'affranchit de la religion pour la supprimer de la culture. Mieux même, il convient de reconnaître son apport pour mieux s'en émanciper. C'est ce que l'on appelle le principe d'hybridation.
Et c'est cette hybridation qu'a faite le Québec pendant la Révolution tranquille. Il appartient donc à l'ensemble du Québec d'assumer son héritage religieux pour pouvoir se construire au XXIe siècle (ce que même la gauche française, pourtant très idéologisée, a fini par admettre). Le Québec a donc besoin d'un cours qui rappelle l'importance de la religion, mais pas seulement catholique, car le Québec est une société multiculturelle. Et je crois que le Parti québécois le revendiquait.
Et à ce titre, l'interpénétration des religions devient inévitable. L'avènement des accommodements raisonnables — peut-être traité avec trop de populisme par la commission ad hoc, j'en conviens — est une réalité. Dans une société plurielle, il est nécessaire de trouver des plages de dialogue entre les différentes cultures et les différentes confessions. Même l'Irlande, à feu et à sang pendant trente ans, a fini par le comprendre. La stratégie irlandaise passe par une éducation au vivre ensemble destinée aux générations futures. Une sorte de développement durable humain. Il faut donc que les gens au Québec tiennent compte de ce processus inéluctable.
Dès lors, au Québec, le cours d'éthique et de culture religieuse apparaît comme une nécessité pour construire le Québec de demain. Seule l'introduction d'un tel cours donnera la possibilité aux générations futures de comprendre l'autre dans ses différences culturelles et religieuses. Cette acceptation du multiculturalisme est une nécessité et doit passer par une éducation à la différence afin de composer un Québec qui ne soit pas un «White Franco Catholic», mais une société dont la langue française deviendra le ciment culturel.
Bien sûr, mon propos peut déranger, et l'on peut me rapprocher de n'être pas Québécois. Je l'assume, pourtant j'y vis depuis huit ans et je forme des sociologues. J'encadre des doctorants et je forme des scientifiques à qui je conseille de lire Le Savant et le Politique, de Max Weber. Il y explique la différence entre la science et l'idéologie. L'avez-vous lu, mademoiselle? Et pour les militants irréductibles et les politiciens, je suis militant souverainiste, membre du Parti québécois et fier de l'être. Mais qu'on se le dise: la politique de l'autruche est le plus sûr moyen pour rester une province.
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Kristoff Talin - Professeur à l'Université de Sherbrooke et chercheur au Centre national de la recherche scientifique (France)

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Professeur à l'Université de Sherbrooke et chercheur au Centre national de la recherche scientifique (France)





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