Après la séquence, précédée lundi par un autre dérapage sur l’islam lors de l’émission « Le Grand soir », la direction de LCI a demandé à ses journalistes de mieux « maîtriser l’antenne ».
Par L'Obs
La direction de LCI serre la vis. Mercredi 16 octobre, la directrice de la rédaction de la chaîne Valérie Nataf a envoyé en communiqué interne invitant les journalistes à une meilleure maîtrise de l’antenne. Dans ce document dévoilé jeudi 17 octobre par Check News de « Libération », elle met en garde contre les « dérapages », faisant implicitement référence à des propos polémiques sur l’islam tenus sur l’antenne ces derniers jours.
Evoquant des « temps troublés par des tensions politiques et sociétales », et « une forte sensibilité aux mots prononcés ou écrits et aux images montrées », Valérie Nataf demande ainsi « à chacune et chacun, et particulièrement aux porteurs de tranche, d’être vigilants et de maîtriser l’antenne ». Elle a rappelé aux journalistes qu’ils ne devaient « tolérer, ni laisser sans contradiction aucun propos ni aucune attitude qui serait assimilé à un “dérapage” ». « Il en va de votre responsabilité individuelle et de l’image de la chaîne à titre collectif », conclut-elle.
Si elle n’évoque aucun incident précis, deux séquences diffusées sur la chaîne ont nourri la polémique autour du voile qui agite aujourd’hui le paysage politique et médiatique.
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Olivier Galzi compare le voile aux « uniformes SS »
Dernière en date, une intervention d’Olivier Galzi, présentateur de l’émission « 9 heures Galzi ». Mercredi matin, alors que le débat porte sur l’interdiction du voile et sa supposée nature politique, le journaliste rappelle des propos du président Emmanuel Macron sur la laïcité et le voile islamique. Poursuivant le débat, il explique :
« Vous voyez bien que la loi de 1905, c’est ce qu’explique le président, elle ne répond pas à cette problématique-là, est-ce qu’il n’est pas là, justement, le problème, la difficulté, est-ce qu’il ne faudrait pas le déplacer et dire : c’est pas un signe religieux qu’on veut interdire ou étendre l’interdiction d’un signe religieux, estime-t-il. C’est un signal politique, comme on interdit un uniforme SS, tout simplement, voilà. »
Autour de la table, parmi les invités, le co-président de la FCPE Rodrigo Arenas s’étrangle, visiblement mal à l’aise : « Comparer les uniformes SS au voile, on atteint un point Godwin quand même. » Il est le seul à reprendre le présentateur. Comme le souligne Check News, personne ne va revenir sur cette remarque durant les douze minutes restantes de l’émission.
« Abjecte », « grave insulte pour les musulmans »… La séquence, diffusée sur les réseaux sociaux, a indigné de nombreux internautes. Certains ont appelé les téléspectateurs à saisir le CSA. Check News souligne d’ailleurs que l’émission semble avoir été supprimée du site de LCI, la mention « Cette vidéo n’est plus disponible » s’affichant désormais à la place. Impossible cependant de savoir de façon certaine si cela est lié ou non à la polémique.
Yves Thréard « déteste la religion musulmane »
Autre intervention qui a attiré les regards sur la chaîne, celle du directeur adjoint de la rédaction du « Figaro » Yves Thréard, invité du « Grand Soir » sur LCI, le 14 octobre, pour un débat qui a également porté sur le voile.
Déchaîné, Yves Thréard s’est lancé dans un véritable pugilat verbal contre le voile mais aussi contre l’islam et les musulmans. « Il m’est arrivé, en France, de prendre le bus ou un bateau où il y avait quelqu’un avec un voile, et je suis descendu », affirme-t-il. « Un simple voile, pas une burqa ? », demande le journaliste Julien Arnaud, qui fait office de médiateur du débat.
Pendant plusieurs minutes, Thréard enchaîne les remarques assassine et les lieux communs, appelant à « arrêter l’hypocrisie ». Affirmant avoir « du mal avec le voile sur la voie publique », il estime que « ça commence tout petit et ça s’agrandit ».
Edito. La chasse au voile est rouverte
Le journaliste affirme même qu’il y a en France « des quartiers entiers où l’alcool est interdit », sans que Julien Arnaud ne le reprenne ou ne lui demande des précisions pour appuyer son affirmation. « Bientôt l’alcool va être interdit ! », lance-t-il également estimant que la France se fait « grignoter ».
Point culminant de sa diatribe, Yves Thréard affirme que l’islamophobie « n’existe pas », poursuivant directement et sans ciller : « Moi je déteste la religion musulmane, j’ai le droit de le dire ! » Si l’on voit le journaliste Julien Arnaud hausser les sourcils, visiblement stupéfait, il ne le reprend pas.
Là aussi, la séquence a déclenché une vague d’indignation mais aussi de moqueries à l’encontre d’Yves Thréard.
Revenu sur le plateau de LCI mercredi soir pour s’expliquer sur son affirmation sur le fait qu’il « déteste les musulmans », Yves Thréard a expliqué qu’il s’est fait « mal comprendre » car il s’est « très mal exprimé ».
« J’ai un peu poussé la voix et je me suis laissée emporter comme ça peut arriver à tout à chacun mais ce n’est pas bien, a-t-il reconnu. Etant journaliste, avec la chance de pouvoir s’exprimer publiquement, il ne fallait pas le faire »
Un mea culpa bienvenu pour la chaîne mais qui ne suffira peut-être pas à redorer son image. Le 28 septembre dernier, LCI avait déclenché une autre polémique en diffusant en direct un discours d’Eric Zemmour particulièrement violent à l’encontre de l’islam et des musulmans, prononcé à l’occasion de la « convention de la droite ». Plusieurs centaines de téléspectateurs avaient saisi le CSA. La Société des journalistes de LCI avait elle-même condamné sa direction, tandis que la chaîne avait reconnu une « erreur d’appréciation ».