Le gouvernement Legault reverra-t-il à la hausse ses cibles d'immigration, à la demande notamment du milieu des affaires du Québec, pour la prochaine année électorale? Il s'engage sur ce chemin.
On est en train de travailler sur une nouvelle planification triennale
, affirme la ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration, Nadine Girault, dans une entrevue accordée à Radio-Canada.
Le plan actuel devait se conclure en 2022. En raison de la pandémie, le gouvernement Legault a décidé de devancer à cette année
sa révision, confie la ministre Girault.
Ce qu'on veut faire au Québec, c'est vraiment répondre aux besoins économiques du Québec.
Initialement, Québec prévoyait revenir l'année prochaine aux cibles du précédent gouvernement libéral de Philippe Couillard, avec l'admission de 49 500 à 52 500 résidents permanents.
Il s'agissait déjà d'une hausse majeure de ces seuils, puisque lors de son arrivée au pouvoir, l'équipe de François Legault s'était engagée à réduire le nombre d'immigrants permanents à 40 000. En prendre moins, mais en prendre soin
était d'ailleurs l'un des slogans du futur premier ministre, qui a par la suite augmenté le budget alloué à la francisation des immigrants.
Combien d'immigrants seront désormais admis? Je n'ai pas les chiffres en tête
, feint Nadine Girault qui reste prudente, sans néanmoins nier une volonté de revoir à la hausse ces seuils.
Un processus à simplifier, dit la ministre Girault
L'idée, indique-t-elle, est également de simplifier le processus
d'immigration, de le rendre plus souple, plus intégré au marché du travail
.
En début de semaine, le ministre du Travail, Jean Boulet, a laissé entendre au milieu des affaires que ces seuils pourraient augmenter, en affirmant que l'immigration est un incontournable
. Mon collègue du travail est très au courant. On travaille de façon très connecté
, souligne Nadine Girault, tout en précisant que cette prochaine planification se fera en fonction de ce qu'on a besoin
.
Une place importante devrait être accordée à l'immigration temporaire. On a de très bonnes discussions [avec le gouvernement fédéral] et ça progresse très bien. On regarde à la fois le programme des travailleurs étrangers temporaires et les programmes plus permanents. Il y a une très belle entente des deux côtés
, avance la ministre Girault.
Les plans du gouvernement seront dévoilés d'ici la fin de l'année
et une consultation
aura lieu par la suite, poursuit-elle. Plusieurs scénarios
seraient actuellement étudiés, afin d'évaluer les effets de la pandémie
et nos besoins économiques
, précise-t-on au sein du cabinet de la ministre.
Les délais en immigration, « un non-sens » selon le milieu des affaires
Cette révision à la hausse des seuils d'immigration est notamment réclamée par le milieu des affaires, qui évoque la pénurie de main-d'œuvre et la relance économique.
Selon le Conseil du patronat du Québec, il y aurait près de 150 000 postes vacants dans la province.
Des inquiétudes sont également soulevées concernant la volonté de départ de nombreux travailleurs étrangers temporaires, déjà installés au Québec. Lassés par les longs délais d'immigration, plusieurs prévoient aller dans une autre province pour obtenir plus rapidement leur résidence permanente.
On trouve surtout ça inacceptable [mais] c’est très compréhensible. Ils arrivent ici avec plein d’attentes, ils trouvent un emploi, ils s’installent. Et par la suite, ils n’ont pas de prévisibilité sur leur demande. Les délais sont très longs, c’est stressant
, fait remarquer Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ).
À la base, lorsqu’on veut attirer des talents au Canada, on est en compétition avec d’autres pays. Mais lorsqu’ils arrivent au Québec, on est en compétition avec d’autres provinces. C’est un non-sens.
Le gouvernement du Québec doit faciliter et accélérer l’arrivée de travailleurs qui veulent s’établir et qui répondent aux besoins du marché du travail
, ajoute-t-elle.
Des « contradictions » déplorées par les partis d'opposition
Les partis d'opposition, tant à Québec qu'à Ottawa, déplorent également cette différence de traitement entre les immigrants, selon leur province de résidence.
C’est extrêmement dommage et dramatique. On ne peut pas se permettre, comme société d’immigration, de perdre des talents, des compétences, alors que nos entreprises ont besoin de cette main-d’oeuvre qualifiée. Les voir quitter comme ça, ça brise le cœur
, assure le député montréalais du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice.
Aux yeux de Québec solidaire, le gouvernement nage dans les contradictions, dans les incohérences
.
C'est encore une fois, pour moi, la preuve que ce gouvernement a un préjugé défavorable envers les personnes issues de l'immigration.
Même son de cloche du côté du Parti libéral du Québec, qui critique le désastre qui a été laissé
par l'ex-ministre de l'Immigration, Simon Jolin-Barrette, alors que nous sommes en plein besoin de main-d'œuvre
.
L’enjeu de la pénurie est là depuis longtemps. C’est un enjeu qui a été nié par la CAQ, qui a été nié par François Legault
, soutient la cheffe libérale Dominique Anglade.