«Notre langue, c’est l’âme de la nation québécoise, martèle la ministre Courchesne. Il faut donner un coup de barre.» (Le Soleil, Erick Labbé)
Isabelle Mathieu - Foi de Michelle Courchesne, le français devient une priorité de l’école québécoise. Les élèves, tant au primaire qu’au secondaire, devront écrire un texte par semaine, faire des dictées régulièrement, lire tous les jours et subir davantage d’examens d’écriture.
La ministre de l’Éducation a présenté mercredi une série de 22 mesures, évaluées à 40 millions $ par année, pour redresser un navire que plusieurs jugent en perdition. «Notre langue, c’est l’âme de la nation québécoise, martèle la ministre Courchesne. Il faut donner un coup de barre.»
Le problème apparaît crûment aux examens du ministère de l’Éducation, où 50 % des élèves de cinquième secondaire échouent au volet orthographe. Un élève sur deux fait plus de 14 fautes dans un texte de 500 mots, et ce, même s’il a droit au dictionnaire et à la grammaire.
Se basant sur les recommandations du comité d’experts mené par Conrad Ouellon, président du Conseil supérieur de la langue française, la ministre Courchesne veut rehausser les exigences en français.
«Notre objectif n’est pas que tous les élèves échouent, précise la ministre. Mais si, dans un texte écrit de 300 mots, faire 30 fautes est jugé satisfaisant par l’enseignant, est-ce que vous jugez ça satisfaisant? Pas moi.»
Les programmes de français seront tous revus de manière à souligner au crayon gras les connaissances en orthographe et en syntaxe qui devront être acquises par les élèves à la fin de chaque année. «Dans le passé, il y a eu une volonté de donner de la marge de manœuvre aux enseignants, indique Claude Moisan, sous-ministre adjoint au ministère de l’Éducation. Résultat, on est allé trop loin. Les choses étaient implicites, elles vont être explicites.»
Aux examens de français de sixième année du primaire — une nouveauté de l’an dernier — et de cinquième secondaire — qu’on fait passer depuis 20 ans —, le ministère de l’Éducation ajoutera pour juin 2009 un examen de français à la fin de la quatrième année du primaire et de deuxième secondaire. Ces examens donneront un portrait de situation plus fréquent, précise le ministère.
La ministre a lourdement insisté sur le fait que tous les professeurs et les membres du personnel des écoles doivent se préoccuper du français. Elle ne va toutefois pas jusqu’à exiger que les élèves soient pénalisés pour leurs erreurs de français commises en histoire, en géographie, en science.
Daniel Germain, enseignant de français au Collège de Lévis et membre du comité d’experts, a toujours refusé que ses élèves laissent leur lourd dictionnaire dans l’étagère de sa classe, au quatrième étage. Les gros livres sont entreposés dans les casiers, au sous-sol. «Je ne veux pas qu’ils pensent que c’est juste pour le cours de français, dit M. Germain. C’est un outil qui doit leur servir tout le temps, dans tous les cours.»
Resserrement pour les futurs profs
Pas question de fermer la porte des facultés d’enseignement aux étudiants plus faibles en français. Mais ils devront prendre les bouchées doubles et même triples s’ils veulent obtenir leur permis d’enseigner. «Ceux qui se destinent à enseigner le français devront, en terminant leur bac, être excellents en français, pas juste très bons», exige Michelle Courchesne.
À l’heure actuelle, un tiers des étudiants en enseignement primaire et secondaire à l’Université Laval n’obtiennent pas la note de passage de 60 % à l’examen de français qu’on fait passer à l’arrivée dans le programme. Ils doivent suivre deux cours d’appoint.
Les profs crient à l’ingérence
La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), qui représente 60 000 enseignants, approuve le train de mesures, mais considère que la ministre fait de l’ingérence dans la pratique professionnelle en imposant la rédaction d’un texte par semaine et l’emploi régulier de la dictée. «Ce n’est pas de la responsabilité de la ministre de nous donner des indications aussi précises, juge Johanne Fortier, présidente de la FSE. De toute façon, c’est mission impossible de contrôler ça.»
Si le milieu de l’éducation devient plus exigeant avec les élèves, il devra être prêt à vivre avec l’échec, souligne Réjean Parent, président de la CSQ. «C’est beau de dire qu’on va être plus exigeant, mais les élèves ne deviennent pas soudainement plus brillants, dit-il. Il faut prévoir des moyens pour aider ceux qui vont échouer.»
La FSE aurait souhaité que le nombre d’heures à consacrer à l’enseignement du français soit désormais imposé aux écoles et non plus seulement donné à titre indicatif. «On voit que dans des écoles, beaucoup d’heures de français passent dans des projets spéciaux, souvent sélectifs», glisse Johanne Fortier.
L’Action démocratique du Québec approuve les mesures qui auront un effet direct en classe comme les dictées et le temps de lecture. «Mais ce dont on a besoin, c’est d’orthopédagogues et de plus de professeurs de français pour diminuer le ratio d’élèves et ça, le plan n’en fait pas mention», regrette François Desrocher, critique de l’ADQ en éducation et ex-enseignant.
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