Deux articles, parus récemment, l’un dans Le Devoir du 9 juillet à la chronique « Opinion », l’autre sur cette tribune le 8 juillet, ont suscité en moi un mélange de fierté d’une part et de colère d’autre part. Le premier, intitulé « Le français au Québec- La langue fait-elle encore réagir? », signé par Sabrina Plante, étudiante à la maîtrise en études politiques appliquées, nous présente une jeune Québécoise, dont la ferveur contagieuse pour la défense de la langue française m’a atteint dans mes racines, le second, signé par Ougho sur cette tribune sous le titre « Mouawad, les Français et l’avenir du Québec », fait allusion au texte du blogueur Patrick Lagacé qui relate une entrevue qu’aurait accordée Wajdi Mouawad aux médias français et dans laquelle il aurait raillé sans réserve la qualité du français parlé au Québec.
Pour illustrer mon propos, je vous cite un extrait de chacun de ces articles : « Certains diront que la langue ne mobilise plus comme avant, que la question linguistique n'a plus raison de semer des bouleversements, que la population, enclavée dans une mondialisation où l'anglais apparaît indispensable, est passée à autre chose.
Pourtant, il serait impropre de proclamer d'emblée la fin du combat en faveur de la langue française. Comment alors témoigner de la continuité de l'existence de mouvements de longue date voués à la sauvegarde linguistique, tels le mouvement Impératif français ou le Mouvement estrien pour le français? Ou de rendre compte de la multiplication, au cours des dernières années, de groupes régionaux dédiés à la question linguistique tels, notamment, les mouvements Montréal, Montérégie et Laval français desquels, justement, en est venu à faire revivre le mouvement Québec français?…
Les moyens et les raisons de se battre pour la langue prennent aujourd'hui un angle distinct par rapport aux combats linguistiques passés, mais l'objectif fondamental reste le même: nous voulons exister. La langue française nous parle. C'est l'émoi d'un peuple qui se cherche encore. C'est la force impétueuse d'un chant, c'est toute la lyre d'un texte. C'est un million de petites choses qui font qu'ici est incomparable à ailleurs. Le Québec se doit de prendre part au monde, mais il ne pourra le faire qu'en restant authentique. Chaque langue de cette planète constitue un apport incommensurable à l'humanité. Chacune d'entre elles, par ses mots, ses expressions, évoque et témoigne d'une façon distincte de concevoir et de vivre cette humanité.
Le combat linguistique est pertinent aujourd'hui, tout comme il l'était il y a quelques décennies, comme il le sera encore dans plusieurs autres années. Jamais nous ne pourrons dire avoir gagné, toujours nous devrons défendre nos barricades dans cette lutte à forces inégales. La langue fait encore réagir, elle le doit encore, elle le devra toujours. »
« Wajdi Mouawad insiste pour dire qu’il n’a jamais pu s’intégrer aux Québécois à cause de leur « langue primitive » et leur manque de rigueur intellectuelle…Naturellement, l’article a glissé vers le blogue, puis devint pâture au commentaire populaire. On y retrouve les honteux de la langue québécoise et les fiers de notre dialecte, présenté comme aussi distinct que celui des Acadiens, des Bretons, des Schtis ou de Pagnol… Il y a aussi cette particularité des Québécois, parfois dits sous éduqués en tant que minorité au Canada, d’utiliser différents niveaux de langage, selon les gens qu’ils fréquentent. Bien sûr, en certains milieux, nous en sommes restés à une langue tellement proche de celle de Louis XIV que les Français doivent se remettre un moment du choc avant d’accepter de nous côtoyer au quotidien.
»
Afin de me libérer les esprits de ce dernier ramassis d’invectives injurieuses envers notre langue franco-québécoise, je répondrai que la langue de chez nous n’a rien de « primitive » mais qu’au contraire, elle dégage une vigueur à l’image de ceux qui la parlent et qui la perpétuent depuis des siècles. J’ai toujours été horripilé par ce type d’attaques méprisantes envers notre langue qualifiée bassement de « dialecte » ! Enfin, si certains Français « doivent se remettre un moment du choc avant d’accepter de nous côtoyer au quotidien », je leur réponds de s’épargner ce « choc » et de rester « gentiment » dans leurs terres !
Voilà… ça m’a fait du bien ! Maintenant, je suis plus calme et je peux passer au premier extrait de texte cité au début de mon article, soit celui de Mme Plante que je qualifierais d’hymne à la défense de notre langue maternelle…un petit bijou ressorti de l’écrin de nos origines et qui vient rehausser toute la fierté de le porter ! Une invitation à remettre à la une notre langue maternelle sur toutes le tribunes où il est question de notre accession à l’indépendance, une exhortation à utiliser le français comme véhicule de fierté nationale que nous devons protéger et conserver tel un précieux souvenir de famille hérité de nos ancêtres !
Henri Marineau
Québec
Le français comme véhicule de fierté nationale
"La langue fait encore réagir, elle le doit encore, elle le devra toujours"
Tribune libre
Henri Marineau2093 articles
Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplô...
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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com
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1 commentaire
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
11 juillet 2011M. Marineau,
La langue, au Québec, fait réagir. Vous réagissez violemment à mon billet qui, lui aussi faisait le pont entre deux prises de position. Je m’arrête toujours pour lire le professeur Chevrier. Cette fois-ci, il nous livre un très dense texte de 7 pages en caractère serré, sur le souverainisme, en citant au passage le « souverainisme » dont se sont réclamé les Français au moment du référendum européen. Pas aisé de résumer tant de matériel sans trahir la pensée de Chevrier. S’il craint un irréversible déclin du mouvement souverainiste, c’est qu’il voit « minées la fierté et les attentes des Québécois à l’égard des principaux fleurons de la Révolution tranquille », aux mains des pratiques corrompues du PLQ. Perte de confiance dans un transfert de plus de pouvoirs à l’État du Québec. Cynisme. Politique sale. « Après s’être sortis du long hiver de la survivance dans les années 1960, les Québécois y retourneraient, sous une forme différente, celle d’un automne pluvieux ou d’un été gâché. Ils se satisferaient alors du cocon de la loi 101, maintenant un visage français de façade et parleraient toutefois franglais, absorbés dans leurs communications en réseaux et dans l’amélioration de leur bien-être; étourdis par la frénésie d’une vie acquisitive et festivalière, ils encaisseraient coup après coup l’impact du vieillissement de leur société et de leur minorisation au sein d’un One Canada… sur les franges d’une banlieue d’empire où ils sont parqués comme des Indiens dans leur réserve. »
Il n’est pas précisément question ici de fierté de la langue française. Sans projet emballant de l’unique pays de langue française en Amérique, la fierté langagière se transfère plutôt vers la capacité de « talk english faster than you » comme chantaient les Jérolas. D’ailleurs, l’État actuel du Québec tolère que près de la moitié de sa population soit analphabète fonctionnelle : ne comprend pas le sens d’un paragraphe lu. Voilà pour « la langue de chez nous, qui n’a rien de « primitive » mais qui dégage une vigueur à l’image de ceux qui la parlent et qui la perpétuent depuis des siècles. »
Quand, même les animateurs de médias se vautrent dans les « si j’aurais », quand le langage de la rue est si marmonné par bouche molle que nous-mêmes, de souche, ne saisissons pas le sens de l’énoncé, sans verbe ni complément, quand « envoyer » se dit « câlisser » quand les mots français sont utilisés dans le sens anglais (définitivement) contrairement aux Français qui prononcent mal une traduction anglaise par snobisme, quand on ne se fait plus comprendre des autres peuples de la francophonie, on parle vraiment un DIALECTE. Et on invective injurieusement les Français qui le remarquent,en les envoyant kier.
Des sorties cassantes comme celle de Mouawad nous portent à nous cabrer, blessés dans notre orgueil. Qui sont donc les Français pour nous donner des leçons, à nous fiers Québécois patriotes? Ils sont de la mère patrie, qui nous a laissés aux mains des Anglais, isolés pendant cent ans, sans éducation et sans ressources, pendant qu’eux ont connu la Révolution et les progrès des Lumières, enseignés dans des écoles rigoureuses sans interruption.
Bon, une minorité, ici, s’est rattrapée, par l’université (aux frais peu élevés) pour fournir à la nation des professionnels et des artistes. Mouawad le rigoriste ascète n’apprécie pas que cette élite du milieu des arts aime se singulariser dans une régression snob du langage : jurons, émotion au lieu de rigueur, vocabulaire ancien recherché pour se démarquer de l’ouvrier qui cherche le terme propre…
Toute cette singularité langagière, dont nous nous glorifions entre nous, peut causer dans nos rencontres internationales des hésitations face aux questions suscitées, des efforts de trouver le bon mot, qui vont jusqu’au bégaiement. Si donc, nous exigeons de notre vis-à-vis qu’il surmonte son choc, nous devons aussi faire l’effort de structurer notre pensée et notre expression. (Observons un peu le français écrit, ici, sur Vigile.)
Ouhgo