Les rivières sont dégelées mi janvier. Même si la température demeure sous le point de congélation, l’énorme fonte provoquée par six jours de temps doux a gonflé la crue des eaux. Les pourvoiries ne peuvent rétablir les ponts de glace qui assurent la continuité du réseau de sentiers pour motoneiges.
Il se loue par conséquent beaucoup moins de motoneiges. Les propriétaires de flotte de motoneiges ont néanmoins payé les immatriculations de leurs engins. Afin de ne pas perdre les services de leur mécanicien, en prévision d’une reprise des affaires, plusieurs l’ont payé à ne rien faire. Il en résulte des pertes nettes en ces mois qui devraient compter pour les plus profitables de l’année.
L’industrie de la motoneige connaît les revers entraînés par le réchauffement de la planète de même que toutes les régions qui dépendent des sports de glisse. En principe, c’est une situation à laquelle la Fiducie de développement communautaire devrait aider à remédier.
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Cette fiducie aurait pour but, selon l’énoncé de Stephen Harper, de diversifier le domaine de l’emploi dans des régions habituées à dépendre de seulement une ou deux industries. À titre d’exemples, Stephen Harper donne le « tourisme » et « l’exploitation de la forêt ». La première annonce par Stephen Harper de la création de la Fiducie a eu lieu au Nouveau-Brunswick. Stephen Harper en a nouveau traité au sortir de la réunion nommée la rencontre pour discuter de « la croissance économique et la prospérité à long terme du pays ».
Il y a en fait très longtemps que des travailleurs en région ont commencé à perdre la source de leur pain quotidien. La pollution en était une des causes bien avant la fluctuation des devises étrangères. Si les lacs sont contaminés par l’algue bleue, si les habitats de la faune sont mal gérés et que les touristes ne savent pas comment se diriger vers les principaux attraits naturels, le tourisme comme pilier économique ne peut que s’effriter.
Pourtant dans les deux premières déclarations de Harper concernant cette fiducie, il n’est fait nulle mention de l’écologie. Si les régions tributaires des pêcheries se portent mal ce n’est pas en raison d’une hausse du dollar canadien. Mais c’est la hausse du dollar canadien qui suscite pour l’instant une prise de conscience.
Stephen Harper prétend avoir beaucoup fait pour résoudre le problème et il énumère trois de ses interventions : Baisse des impôts des particuliers et des entreprises, investissement massif dans les infrastructures, rétablissement de l’équilibre fiscal entre les provinces et les territoires. Comme Jean Charest dans sa propre bergerie, Stephen Harper en revient toujours à cette baisse des impôts comme un des remèdes à la crise. Le projet de fiducie énonce en outre une intention d’aide aux projets de financement pour ceux qui tenteront une diversification de l’économie dans les régions mono-industrielles.
Les travailleurs saisonniers, tous ceux qui connaissent une situation précaire, ne se préoccupent pas de l’impôt. Ils craignent de devoir recourir à l’aide sociale s’ils n’y sont pas déjà. C’est une évidence qui n’empêche pas qu’à chaque fois qu’il est question de pauvreté, on parle de baisse d’impôts.
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Et on parle d’unité canadienne, bien sûr, comme Stephen Harper le fit à la fin de la rencontre sur la croissance économique : « Nous devons travailler ensemble pour que tous les ordres de gouvernement, individuellement et collectivement, trouvent des façons de renforcer l’union économique ». Il le répétera au début, au milieu, à la fin : « Il est donc essentiel que tous les ordres de gouvernement travaillent ensemble ».
Pas de mention explicite de l’Assemblée nationale pour le parrainage et la gestion des projets, il est fait seulement mention du fait que des ordres de gouvernement devront conjuguer leurs efforts. Et Jean Charest, bon élève, s’allie au premier ministre de l’Ontario, un front de solidarité inopinée, pour réclamer que soit établie la fiducie avant le dépôt du budget.
Si on juge en théorie, on ne saurait avoir que des bons mots pour une fiducie d’un milliard de dollars qui assistera le développement communautaire. Que les énoncés d’intention parlent autant de coordination entre les ordres de gouvernement, cela montre que tout projet canadien porte en germe une dynamique conflictuelle.
Si le gouvernement fédéral traite avec des ordres de gouvernement, quel que soit le rôle dévolu au gouvernement du Québec, d’autres instances sont dans la ligne. À titre de gouvernement national, le Fédéral considère tous ces ordres de gouvernement comme des ramifications civiles. Le rôle du gouvernement québécois peut prêter à discussion. Il est dans la ligne et, quel que soit le projet, la question finit par être sur la table : dans quelle mesure la province a à être dans la ligne dans tous les sens du terme.
Puisqu’il s’agit des ordres de gouvernement, on pourra s’en prendre aux spécialistes des municipalités, des Mouvements régionaux de comté, des conseils interprovinciaux, du Conseil de la Fédération, qui voudront tous servir cette pratique d’avant-garde : l’union économique. La nation québécoise n’aura pas de représentants exclusifs mais beaucoup d’ordres de gouvernement tous prêts à avancer avec l’interlocuteur officiel de niveau national, le Fédéral.
Les déclarations du onze janvier démontrent une divergence d’interprétation jusque dans la vocation donnée à la fiducie. Pour les premiers ministres de l’Ontario et du Québec, ce devrait être un fond d’urgence alloué spécialement au secteur forestier et, dans une moindre mesure, au secteur manufacturier. Ils ne comprennent pas que les sommes de cette fiducie soient imparties au prorata de la population puisque c’est dans leurs deux provinces que ces secteurs principalement concentrés.
Or, les déclarations officielles de Harper ont davantage porté sur la nécessité d’assurer une direction commune au développement à notre époque où « plusieurs secteurs et municipalités demeurent vulnérables à la volatilité de l’économie mondiale ». Les cibles sont beaucoup plus larges dans les énoncés de Harper. Elles n'ont rien à voir avec celles d’un plan d’urgence spécifique pour les travailleurs forestiers.
D’un côté nous avons Jean Charest qui se montre aussi outré que le premier ministre ontarien, au point d’ailleurs qu’on ne sait plus où loge le point de vue de la nation québécoise. Et de l’autre, vous avez le Fédéral qui se dit prêt à investir un milliard de dollars dans une fiducie en autant que la Chambre des Communes adopte son budget bien sagement. En tout cas, un des buts de la fiducie semble être d’instaurer des industries de remplacement.
Qui parle d’industrie de remplacement, parle de refonte de l’identité économique des régions, de mutation de son tissu social. Jean Charest paraissait plutôt s’attendre à des subsides aux industries forestières, une augmentation des prestations aux travailleurs éconduits encore que… ce n’était pas clair. Jean Charest attendait le plan du Fédéral. Après tout, ils sont les représentants d’un même peuple. Finalement Jean Charest préfère le plan de l’Ontario, pour le moment.
Il n’est pas difficile de décoder cette valse entre le gouvernement national et sa province nationale. Dans son énoncé, Stephen Harper, affirme que le tout devra se faire dans l’esprit du fédéralisme d’ouverture. L’expression désigne une prise en compte de divers intérêts, les intérêts de classe, celles des entrepreneurs, des travailleurs en région qui tous, au bout du compte, ne pourront que se porter uniment sous la direction du représentant hiérarchique du fédéralisme dit d’ouverture.
En fait, on parle de fédéralisme d’ouverture quand on se soumet aux principes d’une direction commune.
André Savard
Le Fédéral se mêle de développement communautaire
En fait, on parle de fédéralisme d’ouverture quand on se soumet aux principes d’une direction commune
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