Politique québécoise

Le déni des uns et des autres

CAQ - Coalition pour l’avenir du Québec



L'ancien ministre péquiste François Legault justifie sa rupture avec ses amis souverainistes par la nécessité de «sortir du déni». Il leur faut, ne cesse-t-il de leur dire, reconnaître l'absence d'appétit des Québécois pour un nouveau référendum sur la souveraineté. Mais à chacun son déni. Ce mal, il en est lui aussi frappé.
La stratégie de François Legault de centrer le débat sur quatre thèmes, santé, éducation, culture et services publics, lui permet d'évacuer des sujets difficiles, telle la question nationale. Sur ce terrain glissant, il a une réponse passe-partout: pas de référendum avant au moins dix ans, a-t-il précisé cette semaine. Bien! Mais, quid du reste?
François Legault se dit nationaliste. Il a siégé dix ans à l'Assemblée nationale. Il n'ignore donc pas que la fédération canadienne génère des tensions constantes entre les deux ordres de gouvernement. Non plus qu'à maintes reprises, le Québec a perdu dans cette partie de souque-à-la-corde. Non plus que le Québec est l'État national des francophones de l'Amérique du Nord dont il faut protéger et renforcer les prérogatives.
Inquiétantes sont les réponses qu'il fait aux questions sur les relations Québec-Ottawa. Les revendications du Québec à l'égard d'Ottawa ne sont pas, croit-il, une priorité pour la population. Peut-être, mais pour un prétendant au rôle de premier ministre, il y a là une priorité incontournable, qui le rejoindra quand viendra le temps de discuter avec Ottawa de péréquation et de transferts de paiements en santé et en éducation. Ceux-ci comptant pour 24 % de ses revenus, ce n'est pas demain que le Québec pourra s'en passer. C'est mettre des lunettes roses que de dire que les relations entre Québec et Ottawa ne présenteront pas de problèmes particuliers. Laissera-t-il Ottawa créer son Autorité fédérale des marchés financiers? Dans les conférences internationales sur des sujets de compétence québécoise, laissera-t-il le gouvernement fédéral parler au nom du Québec? Le nationaliste en lui semble bien endormi.
Le silence de François Legault sur ces questions échappe au radar de ceux de ses adversaires qui seraient le plus à même de le questionner. Pris qu'il est par ses luttes intestines, autour du leadership de Pauline Marois et de son projet de gouvernance souverainiste, le Parti québécois ne voit pas le danger que représente l'arrivée prochaine d'un nouveau parti dirigé par leur ancien collègue. Il serait plus juste de dire qu'ils ne veulent pas voir que la première condition à la réalisation de la souveraineté, l'élection d'un gouvernement péquiste, est désormais plus qu'aléatoire. Dans une lutte à trois, la règle de l'alternance sur laquelle les péquistes comptaient pour retrouver le pouvoir ne jouera pas.
Ce déni de la part des souverainistes est désolant. On pourrait y voir une sorte d'acte manqué, une façon de renoncer inconsciemment à la souveraineté et de donner en quelque sorte raison à François Legault. Que le Parti québécois puisse connaître le même sort que le Bloc québécois à la prochaine élection n'est désormais plus inimaginable. Certes, il reste aux souverainistes deux ans avant les élections pour faire la paix entre eux, mais cela est de l'ordre de la théorie. Dès qu'un vent favorable s'élèvera en faveur du Parti libéral, le premier ministre Jean Charest trouvera un prétexte pour déclencher des élections. Pas cet automne, la manoeuvre serait par trop grossière. Néanmoins, il n'attendra pas d'avoir le dos au mur. Il a, lui, les yeux grands ouverts.


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