Quand on leur a distribué la dernière version de la carte électorale qui servira à l’élection générale d’octobre 2018, mardi à l’Assemblée nationale, les députés ont semblé perdre tout intérêt pour la période de questions. Au diable la laïcité, la grève des juristes ou le nouveau Réseau électrique métropolitain (REM) projeté par la Caisse de dépôt, place aux « vraies affaires ».
C’est là que le ciel est tombé sur la tête des élus de Québec solidaire, tout particulièrement celle de Manon Massé, qui a appris soudainement que sa circonscription de Sainte-Marie–Saint-Jacques risquait de disparaître. Jamais ce scénario n’avait été évoqué durant les consultations publiques tenues par le directeur général des élections (DGE), de qui relève la Commission de la représentation électorale.
En septembre 2010, les libéraux n’avaient pas trouvé de mots assez forts pour condamner la décision de la Commission, qui avait décidé de supprimer trois circonscriptions, en Beauce, dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, où la population était en baisse, pour en créer trois nouvelles en Montérégie, dans les Laurentides et dans Lanaudière, de manière à assurer la « représentation effective » garantie par la Charte des droits.
« C’est le fondement même de notre démocratie qu’on attaque », avait lancé la vice-première ministre, Nathalie Normandeau. Son collègue des Affaires municipales, Laurent Lessard, avait parlé d’une véritable « trahison » envers les régions. Le premier ministre Charest était resté impassible devant ces attaques sans précédent contre une institution censée être indépendante du gouvernement.
Le gouvernement avait même présenté en catastrophe un projet de loi qui suspendait les pouvoirs de la Commission et prévoyait l’élaboration de nouveaux critères pour le redécoupage de la carte électorale. Meurtri par ces attaques, le DGE, Marcel Blanchet, avait remis sa démission.
Il n’avait pas été dupe des vertueux principes invoqués par ses détracteurs. « Ça ne fonctionne pas parce qu’il y a une insatisfaction de la part de ces élus qui sont visés par la proposition qu’on a faite », avait-il déclaré. La députée adéquiste de Lotbinière, Sylvie Roy, ne s’y était pas trompée non plus. « On suspend l’arbitre quand ça ne fait pas notre affaire. »
Les libéraux semblent maintenant éprouver le plus grand respect pour l’indépendance de la Commission. Manon Massé a simplement eu droit aux larmes de crocodile de la ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Rita de Santis. « Je comprends comment Mme Massé pourrait réagir. Voir que sa circonscription n’existe plus… Elle est humaine, elle fait un bon travail que je reconnais et un bon travail pour les gens dans sa circonscription. Tout le monde admire ce qu’elle fait, alors c’est normal. » Eh oui, dura lex, sed lex.
Il est vrai que la circonscription de Saint-Maurice, que le PLQ a remportée de justesse en avril 2014, disparaîtra aussi, mais c’est très loin d’être un château fort libéral. Au cours des cinq élections précédentes, le PQ l’avait enlevée à quatre reprises et l’ADQ, une fois.
Bien entendu, Mme Massé pourra toujours tenter sa chance dans la nouvelle circonscription de Ville-Marie, qui englobera une partie de Sainte-Marie–Saint-Jacques, mais l’inclusion d’une partie substantielle de l’actuelle circonscription de Westmount–Saint-Louis favorisera lourdement le PLQ, dont la candidate avait recueilli seulement 91 voix de moins qu’elle en 2014. Québec solidaire n’a aucune chance de compenser cette perte en faisant élire un candidat dans une des deux nouvelles circonscriptions dont la création est prévue dans les Laurentides et dans Lanaudière, qui ont toutes les chances d’échoir au PQ ou à la CAQ.
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