Le Québec aurait besoin d’accueillir environ 10 000 immigrants supplémentaires chaque année pour contrer la pénurie de main-d’oeuvre, plaide le Conseil du patronat (CPQ), alors que des organismes d’aide aux nouveaux arrivants mettent en garde le ministre Simon Jolin-Barrette contre un usage purement économique de l’immigration.
Une douzaine d’élus étudient depuis lundi les nouveaux seuils d’immigration présentés par le ministre en juin. Après les avoir réduits à 40 000 en 2019, le gouvernement caquiste prévoit les augmenter progressivement au cours des prochaines années pour accueillir entre 49 500 et 52 500 nouveaux arrivants en 2022. Il compte ainsi faire passer l’immigration économique — travailleurs qualifiés et gens d’affaires — de 59 % en 2020 à 65 % en 2022, tout en gelant le nombre de réfugiés admis au Québec et en misant sur une faible augmentation du nombre de personnes admises en fonction du programme fédéral de regroupement familial.
« Nous estimons que les seuils proposés ne sont pas suffisants pour répondre aux besoins en main-d’oeuvre », écrit le CPQ dans le mémoire qu’il présentera en commission parlementaire mardi.
L’organisme qui représente les employeurs québécois prévoit, en s’appuyant sur des chiffres d’Emploi-Québec, qu’il faudra pourvoir 314 000 postes d’ici 2026, en raison de nombreux départs à la retraite et de la croissance économique.
« Tout en étant conscients des efforts accrus qu’il faudra déployer sur le plan de l’intégration et du meilleur arrimage entre les candidats à l’immigration et les besoins du marché du travail, nous serions plus enclins à viser au minimum 60 000 admissions annuelles d’ici 2022 afin d’amener, dans toutes les régions, les travailleurs dont elles ont besoin pour prospérer », souligne-t-il.
Le ministre de l’Immigration n’a pas voulu s’avancer. « Le gouvernement va faire son choix avant le 1er novembre prochain, mais actuellement, on est en mode écoute », a dit M. Jolin-Barrette à son arrivée en commission parlementaire. En vertu de la loi, le gouvernement doit déposer son document final de planification de l’immigration pour les trois prochaines années avant cette date.
Le PQ préoccupé
« La situation est vraiment alarmante et préoccupante », a dénoncé le député libéral Monsef Derraji, qui est d’accord avec les demandes du CPQ.
« Nous, on trouve que c’est un peu trop, a indiqué pour sa part le député solidaire Andrés Fontecilla. On pense qu’il faut revenir à un chiffre raisonnable, soit le chiffre de 52 000 avant la baisse arbitraire, démagogique du seuil d’immigration à 40 000. »
Le Parti québécois réclame pour sa part des données scientifiques pour justifier les seuils d’immigration du gouvernement caquiste. « Clairement, il y avait un objectif électoraliste derrière ça parce qu’on pose la question “ça a été quoi les calculs, quelle méthodologie a été utilisée pour arriver à ce 40 000-là” et on n’a toujours pas de réponse », a déploré la députée Méganne Perry Mélançon.
La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, qui représente 150 groupes, craint qu’une immigration axée uniquement sur les besoins économiques favorise la venue de nouveaux arrivants homogènes.
« Le document actuel est très utilitariste, on veut répondre à un besoin, c’est du moyen terme, a déploré Dominique Lachance, l’une de ses représentantes, au sortir de la commission parlementaire. Il faudrait mesurer les impacts et regarder de façon systémique comment garder ces populations-là et les aider à s’intégrer à long terme. »
Par exemple, le gouvernement ne prévoit rien pour aider les immigrants actuels à surmonter certains obstacles auxquels ils se butent, comme le racisme.
« Le fait qu’on doive changer son prénom pour que son CV passe, c’est très cohérent par rapport à la situation », a affirmé sa collègue Eva Lopez, en ajoutant ce genre de cas survient à répétition. Le regroupement estime qu’il faut plus qu’un emploi pour qu’un immigrant réussisse son intégration dans sa société d’accueil.