En vertu du principe selon lequel « les ennemis de mes ennemis sont mes amis », il est difficile de ne pas voir Québec solidaire comme l’allié objectif du PLQ. Gabriel Nadeau-Dubois refuse d’être instrumentalisé par le premier ministre Couillard, mais il tombe sous le sens que plus le vote francophone et souverainiste sera divisé, mieux ce sera pour les libéraux.
Cela dit, la question qui a valu au nouveau député de Gouin les louanges appuyées de M. Couillard était tout à fait pertinente. Avant de sensibiliser le Canada anglais aux mérites de sa nouvelle politique constitutionnelle, ne serait-il pas utile de savoir ce que les Québécois en pensent ?
Force est de reconnaître qu’elle était passablement plus sexy que celle avec laquelle Jean-François Lisée avait ouvert la période de questions mercredi matin, qui portait sur l’allégement de la réglementation concernant les PME et visait surtout à souligner la tournée que trois députés péquistes ont effectuée au cours des derniers mois.
Le dossier constitutionnel n’est pas le sujet de prédilection de QS à l’Assemblée nationale. Le rejet brutal du pacte électoral avec le PQ et l’obscur sabotage de la « feuille de route » vers l’indépendance ont fait dire à plusieurs souverainistes que QS, soucieux de ménager les électeurs anglophones et allophones qu’il compte ravir au PLQ, avait placé ses intérêts partisans avant ceux du pays en devenir. M. Nadeau-Dubois a dû sentir la nécessité d’un rattrapage.
Le ton particulièrement véhément avec lequel le chef du PQ a reproché au premier ministre d’avoir noirci les conséquences économiques de l’indépendance et déprécié la capacité des Québécois à prendre leurs affaires en main atteste qu’il n’entend pas se laisser doubler sur ce terrain.
Il lui faudra pourtant s’y faire. Tout le monde reconnaît que Françoise David a joué de façon remarquable le rôle de conscience sociale durant les années où elle a siégé à l’Assemblée nationale, mais M. Nadeau-Dubois a des ambitions électorales nettement plus affirmées.
Si QS veut devenir une véritable option de gouvernement, comme le souhaite ouvertement son nouveau porte-parole, il lui faut nécessairement convaincre des électeurs péquistes de changer de camp, ce qu’ils pourront envisager seulement s’ils ont l’assurance que l’indépendance demeure l’objectif.
Apparaître comme le chouchou du premier ministre n’est cependant pas la meilleure carte de visite. M. Couillard était visiblement ravi de faire enrager M. Lisée, mais M. Nadeau-Dubois se serait certainement passé de ses compliments. Si le chef du PQ est jugé infréquentable par de nombreux militants solidaires, M. Couillard ne vaut pas mieux.
Témoigner au député de Gouin les égards réservés normalement aux chefs de partis reconnus risque également d’alimenter la méfiance de ceux qui craignent déjà que sa rapide ascension ne lui monte à la tête, mais les solidaires devront se résigner à adapter leurs structures à leurs ambitions. Si QS peut se passer d’un chef, le Québec ne peut pas être dirigé par un co-premier ministre.
Il était à prévoir que le nouveau ménage souverainiste à trois serait difficile à gérer sans le ciment d’une échéance imminente. L’improbable triumvirat dont M. Lisée a été un des artisans en 1995 n’aurait jamais vu le jour si Jacques Parizeau avait reporté le référendum à un deuxième mandat.
Même si certains s’interrogent sur la façon de reprendre les discussions sur la « feuille de route » qui avait été négociée sous l’égide des Organisations unies pour l’indépendance (OUI), l’équation de l’après-élection de 2018 comporte trop d’inconnues pour présumer de la suite des événements. Quel sera alors le rapport de force entre le PQ et QS ? L’échec du pacte risque de renforcer le « vote stratégique » antilibéral. Qui en fera les frais ? Le PQ semble aujourd’hui être le grand perdant de la chicane, mais QS aura du mal à se défaire de l’image d’« allié objectif » du PLQ, voire de traître à la cause souverainiste.
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