Si l’accord du lac Meech avait été ratifié, la suite de l’histoire aurait été bien différente. Il est difficile de dire ce qu’il serait advenu du PQ, mais le coup aurait été très dur à encaisser. Il n’y aurait vraisemblablement pas eu de référendum en 1995, ni de plan B, ni de commission Gomery… Qui sait, Lucien Bouchard serait peut-être devenu premier ministre du Canada !
Réécrire l’histoire peut être un exercice amusant. Avec le passage du temps, l’imaginaire collectif a cependant prêté à l’accord des vertus qu’il n’avait sans doute pas. Le PQ, qui le trouvait parfaitement insignifiant au départ, a lui-même contribué à en faire un mythe pour mieux dramatiser les conséquences de son rejet.
Le sentiment d’avoir obtenu réparation pour le tort causé par le rapatriement unilatéral de la Constitution aurait mis un baume sur l’ego meurtri des Québécois, mais ils auraient probablement été déçus des effets de l’accord sur la dynamique interne de la fédération, malgré le désir de réconciliation qui les animait. Il n’aurait pas empêché la diminution du poids politique du Québec.
L’impact juridique de la clause de la « société distincte » n’aurait pas ajouté grand-chose à la spécificité dont la Cour suprême tient déjà compte dans ses décisions. La limitation du pouvoir de dépenser du gouvernement aurait également été très relative, dans la mesure où les programmes cofinancés dont une province aurait pu se retirer avec compensation ont en fait disparu.
L’accord ne changeait strictement rien à l’équilibre des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces. Pour convaincre ceux qui craignaient que le Québec puisse l’invoquer pour se soustraire aux dispositions de la Charte des droits et brimer les droits de la minorité anglophone, les premiers ministres réunis à Ottawa pour une ultime tentative de sauvetage au début de juin 1990 y avaient annexé un avis signé par six éminents constitutionnalistes assurant qu’il n’en était rien.
L’opinion canadienne-anglaise avait été traumatisée en décembre 1988, quand le gouvernement Bourassa avait utilisé la disposition de dérogation pour maintenir la règle de l’unilinguisme français dans l’affichage commercial, même si la Cour suprême l’avait déclarée inconstitutionnelle. On a eu beau préciser que le gouvernement fédéral aurait le mandat de promouvoir le bilinguisme, rien n’a pu apaiser cette méfiance.
Dans une entrevue accordée à La Presse il y a quelques années, l’ancien alter ego de Robert Bourassa, Jean-Claude Rivest, avait expliqué que l’accord du lac Meech visait simplement à « régulariser la situation créée en 1982 ». Les vraies négociations, qui auraient porté sur un nouveau partage des pouvoirs, auraient eu lieu ultérieurement. M. Bourassa n’a jamais précisé les modalités de la « souveraineté culturelle » qu’il réclamait dans les années 1970, mais on peut penser que cela aurait fait partie de ce qu’il comptait réclamer.
Même s’il n’a jamais osé proposer une réouverture du dossier constitutionnel après que Jean Chrétien lui eut signifié que le « magasin fédéral » était fermé, Jean Charest s’est réclamé de ce même concept de « souveraineté culturelle » à l’aube de la campagne fédérale de 2008, quand il a interpellé tous les partis pour qu’ils s’engagent à conclure une entente de nature administrative qui assurerait au Québec la maîtrise d’oeuvre en matière de culture et de communication. En 2011, Pierre Moreau, alors ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes dans le gouvernement Charest, disait avoir entrepris des discussions avec le gouvernement Harper, mais elles n’ont jamais abouti.
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