Le choix politique de la commission Charbonneau

Chronique de Louis Lapointe

Il est pour le moins fascinant d’entendre des experts affirmer que la commission Charbonneau est apolitique et qu’elle doit le demeurer le temps des élections en suspendant ses travaux.
La commission Charbonneau est une création politique du gouvernement libéral de Jean Charest en réponse à une demande politique du public.
Ses membres ont tous été nommés alors que le PLQ était au pouvoir.
Il y a donc une présomption que cette commission soit politique à l’image de celles qui l’ont précédée, les commissions Gomery, Oliphant et Bastarache.
Une présomption qu’elle doit constamment repousser en se comportant avec indépendance, intégrité et professionnalisme.
Comme les membres de la commission sont les seuls à savoir ce qu’il y a dans ses dossiers, ils font nécessairement un choix lorsqu’ils décident de suspendre ses travaux, puisqu’ils sont les seuls à savoir ce qui ne sera pas révélé à la population durant cette période.
Sous prétexte d'éviter d’influencer indûment le public, la commission refuse momentanément d’accomplir son mandat, celui d'informer les citoyens sur la conduite des affaires de l’État par les principaux partis politiques québécois.
Une décision indue?
Une des raisons pour laquelle cette commission a été formée est l’assainissement des mœurs électorales des partis politiques.
Or, nous sommes justement en campagne électorale alors que les citoyens s’apprêtent à exercer leur droit de choisir le parti politique qui les gouvernera. Un droit fondamental en démocratie.
Voilà pourquoi les citoyens ont le droit de savoir qui les gouverne avant de se présenter aux urnes.
Ils ont droit de savoir qui a triché au gouvernement, dans la fonction publique et dans l’industrie de la construction dans l'octroi de contrats publics.
Ils ont droit de savoir qui sont les visages de la corruption.
En refusant de siéger pendant la campagne électorale, la commission Charbonneau fait le choix de ne pas informer le public afin de ne pas influencer les résultats des élections.
Elle refuse de donner des informations qui permettraient aux citoyens de faire un choix mieux éclairé.
Elle fait le choix de ne pas attaquer l’ordre politique qui l’a nommé et soutenu, au moment même où il est le plus vulnérable, à l’occasion des élections générales.
Une décision de ne pas indûment influencer le public ou une décision indue de ne pas informer le public ?
La suite des travaux de la commission nous le révélera.
Quoi qu'il en soit, il s’agit manifestement d’un choix politique.
***
Sur le même sujet :
L’angle mort de la justice
Siéger à la cour à la suite d’une nomination politique ne peut pas vous rendre plus respectables que vous l’étiez à l’origine avant de devenir honorables.
On ne mérite pas le respect du public parce qu’on devient avocat, bâtonnier ou juge, mais plutôt parce qu’on est compétent, intègre ou juste.

Silence, on enquête
Jean Chrétien, Bryan Mulroney et Jean Charest sont sortis relativement indemnes des commissions Gomery, Oliphant et Bastarache.
Il n’y avait personne dans leur premier cercle pour les incriminer.



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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    8 mars 2014

    Comme mon texte vous semblait un peu court, j’ai décidé de le rallonger.
    Les officiels et les officieux dans les officines de la commission Charbonneau ont pataugé allègrement dans la grenouillère des syndicats de la côte nord pour ne pas avoir à s’occuper des vraies affaires du parti libéral avant les élections.
    C’est le brillant héritage que nous aura laissé Jean Charest. Vous vouliez une commission, vous en avez une; mais moi je garde les deux mains sur le volant.
    Tous ces mandarins de la justice et de l’intégrité auront toute liberté de vous informer ou de vous garder dans l’ignorance. Cette commission payée par vos taxes et vos impôts pour faire la lumière pourra aussi décider quand bon lui semble, d’éteindre cette lumière.
    On n’a plus besoin d’élections si la commission Charbonneau décide de se prendre pour Louis XIV en nous disant : La loi, c’est Moi. Le pouvoir, la morale, et la démocratie, c’est moi, et de ce que vous devez savoir ou ignorer, c’est moi qui en décide.
    Et dire qu’on qualifie Françoise David de mère supérieure…
    Il y a combien d’employés de l’état qui ont ce privilège de décider de ne pas faire ce pour quoi ils sont payés, sous prétexte qu’il y a des élections?
    C’est probablement ça, le gouvernement des juges, le gouvernement des avocats.
    Richard Génois

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mars 2014

    Les officiels et les officieux dans les officines de la commission Charbonneau ont pataugé allègrement dans la grenouillère des syndicats de la côte nord pour ne pas avoir à s’occuper des vraies affaires du parti libérale avant les élections.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mars 2014

    Bravo M.Lapointe.
    Avez vous la capacité de faire parvenir votre texte à la juge Charbonneau? Je vous encourage à faire tout votre possible pour qu'elle reçoive ce texte et réfléchisse là dessus.
    Je crois qu'elle est en fin de carrière,peut être même sa dernière fonction et elle ne doit pas vouloir finir sa carrière de façon déshonorable parce que la perception du public est féroce et si c,est vrai que cette juge était juste et implacable pour les intrus c'est vraiment le moment de nous le montrer sinon elle aura donné le coup de grâce du manque de confiance de la population en la justice et de la foi en notre démocratie.Merci pour ce que vous en ferez.
    P/S Si comme elle le dit qu'elle veut être apolitique et bien je crois qu'elle agit de façon très,très politique et indigne de ce que l'ont nous avait dit d'elle.C'est dommage.

  • Archives de Vigile Répondre

    6 mars 2014

    Bien dit monsieur Lapointe. Cela rejoint l'avis du philosophe Christian Nadeau: « La commission devra montrer son professionnalisme et prouver qu’elle peut siéger en parallèle d’une situation fragile sur le plan politique. La transparence doit primer toute autre considération. Il y a des raisons de prudence qu’il faut respecter. Mais le critère de transparence me semble premier ».