C’est évident, les sondages affectent les résultats d’élections. À chaque mauvais sondage les appuis s’effritent un peu créant une dynamique difficile, mais non impossible, à renverser. Certains indépendantistes jouent à renforcer cette dynamique négative. On trouve sur Vigile un grand nombre d’articles annonçant la débâcle du PQ et sa disparition ou concluant à la nécessité d’une refondation du mouvement. Pourtant rien n’est joué pour la prochaine élection. Il y a un énorme bassin de citoyens qui se considèrent abandonnés et qui n’attendent qu’un politicien qui se tournerait vers eux.
J’ai grandi dans une période où le monde politique était préoccupé par le bien commun. Les intellectuels, les curés, les journalistes, les chefs syndicaux étaient là pour rappeler aux élus de ne pas oublier les simples citoyens. Les départements d’économie étaient entendus alors qu’ils enseignaient que le capitalisme était le meilleur système d’allocation des ressources à condition que les entreprises s’occupent de maximiser leurs profits et que les gouvernements fournissent les systèmes juridique, réglementaire et fiscaux les plus appropriés, ainsi que des infrastructures et des services publics adéquats. Aujourd’hui les gouvernements ont abandonné en bonne partie leurs responsabilités, leurs outils de gestion et leur expertise et demandent conseil sur tout aux chefs d’entreprises et aux gourous des écoles de gestion. Si la business va, tout va. Est-ce que les simples citoyens ont besoin de baisses d’impôt sur le revenu obtenus par des coupures en santé et en éducation? Les associations d’entreprises intiment au gouvernement du Québec de faire entrer plus d’immigrants afin que les entreprises puissent croître davantage. Serait-ce la finalité de la vie en société que de voir croître les entreprises? Jusqu’à maintenant cette croissance était souhaitable dans la mesure où elle créait des emplois et de la richesse pour les Québécois. Aujourd’hui, c’est souvent discutable. Les entreprises qui ne peuvent pas croître en payant des salaires décents, le Québec n’en a pas besoin. Les quartiers où les gens vivent sous le seuil de la pauvreté, on ne veut pas les faire croître en population.
Le copinage avec les milieux d’affaires ont mené au surinvestissement dans le béton, au favoritisme, à la corruption et aux baisses d’impôts pour les plus riches. Le biais en faveur des entreprises ne bénéficie pas seulement à leurs dirigeants. Tous les citoyens à revenu élevé ont bénéficié d’une fiscalité favorable. Le gouvernement a aussi augmenté de façon scandaleuse le salaire des médecins. Il a voulu appliquer ce qui se passe dans l’économie privée où les écarts entre les catégories d’emplois explosent. Comment nos élites ont-elles perdu tout sens critique et toute notion du bien commun? La perte du rapport de force qu’avaient créé les syndicats, en raison du transfert d’activités vers des pays à salaires de misère et l’importation d’une main d’œuvre démunie, en est probablement la raison la plus fondamentale. Sans ce fer de lance progressiste les critiques se sont tues. Les professeurs Lauzon, capables de se faire entendre, on peut les compter sur les doigts de la main, malheureusement.
Ce qu’on observe au Québec est le reflet de la mondialisation qui affecte de la même façon les pays développés et qui résulte aussi de l’emprise des milieux financiers sur les décisions politiques. Il est difficile de parler d’indépendance du Québec dans ce contexte ou la propagande mondialiste et la gouvernance libérale ont convaincu la majorité des Québécois que les États sont devenus pratiquement impuissants. Il faut maintenant qu’un gouvernement péquiste réaffirme le pouvoir de l’État québécois.
C’est possible de gouverner au centre. Une bonne partie de la gauche, qui devrait combattre la mondialisation, est coincée avec l’illusion qu’il faut partager notre prospérité avec les peuples les plus démunis alors que le plan mondialiste est que nous partagions tous ici la pauvreté du tiers-monde.
Les politiciens de droite prennent toute la place. On le comprend quand le premier ministre Couillard peut se dire social-démocrate en se comparant à François Legault. Jean-François Lisée a déjà mis une croix sur les électeurs carrément de droite ou de la gauche multiculturelle en annonçant qu’un gouvernement péquiste ne baisserait pas les impôts, afin de pouvoir rétablir la qualité des services publics, et diminuerait sensiblement les seuils d’immigration. Une forte proportion de Québécois sont prêts à voter pour un parti qui défendrait ces positions avec conviction. Il faudra démontrer que le discours libéral sur l’état lamentable des finances publiques et sur la nécessité de couper dans les services pour réduire drastiquement la dette n’était qu’un stratagème pour baisser les impôts et dépenser sans mesure dans les infrastructures. Ce discours s’est appuyé sur la manipulation des données comptables de l’État québécois.
Une fois au pouvoir, le PQ pourra démontrer que le Québec n’est pas respecté par le gouvernement fédéral et le reste du Canada en défendant fermement les intérêts du Québec dans des dossiers comme les chantiers maritimes et autres dépenses fédérales structurantes, les migrants illégaux et la langue. Les libéraux provinciaux ont abandonné toute défense des intérêts du Québec de peur de donner des minutions aux indépendantistes et d’indisposer le reste du Canada. Les conflits avec le fédéral seront d’autant plus nombreux que le Canada se considère comme un champion de la mondialisation anglo-saxonne. On peut s’attendre à des accrochages sérieux notamment dans les dossiers de l’immigration, de la fiscalité et des transferts en santé et en éducation. Le fédéral, embrassant l’idéologie néolibérale, a diminué de façon importante les impôts sur le revenu depuis vingt ans et a aussi facilité l’évasion fiscale sous toutes ses formes. Toute nouvelle baisse des impôts fédéraux pour les particuliers devrait être suivie d’une hausse équivalente des impôts du Québec de sorte que le fardeau fiscal des contribuables québécois demeure inchangé.
Le PQ compte des milliers de membres indépendantistes sincères, ils ont accueilli un radical comme Pierre-Karl Péladeau à bras ouvert. Les fédéralistes considèrent la fin du PQ comme la victoire ultime, la fin du mouvement séparatiste, tandis que des indépendantistes la voit comme une occasion de repartir à neuf. C’est un pari risqué.
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4 commentaires
Jean-Claude Pomerleau Répondre
22 juillet 2018ÉLECTION 2018
Un seul choix véritable...
Le constat s'impose : ce n'est plus le projet souverainiste qui est en péril mais, la nation qui porte le projet. Ce déclin découle de plusieurs facteurs : la mondialisation qui déstructure les États, la matrice fédéraliste qui progresse dans son projet d'éteindre notre nation, jusqu'à nous réduire à l'échelle d'un groupe ethnique dans le beau grand Canada du multiculturalisme, et, l'abandon de notre État aux mains des prédateurs du régime libéral.
Dans ce contexte, croire que Francois Legault, qui est un pions des mêmes réseaux affairistes, puisse représenter une garantie pour un redressement nationale relève de l'illusion politique.
Dans ce contexte, un seul choix véritable pour stopper le déclin de la nation, passage obligé pour reprendre la marche vers la rupture, malgré ses nombreuses lacunes : Le Parti Québécois.
JCPomerleau
Jean-Charles Morin Répondre
21 juillet 2018Monsieur Rivard,
Je suis bien d'accord avec vous que le PQ a plein de bonnes choses dans son programme, que je vous concède ne pas avoir lu loupe en main. Des choses avec lesquelles je suis d'accord pour la plupart d'entre elles, sinon presque toutes. Le problème, c'est que beaucoup de gens sont comme moi: elles n'iront pas décrypter chaque virgule des programmes de chacun des partis politiques pour se faire une idée car beaucoup, vu leur âge et leur expérience, ont déjà leur opinion faite au départ. D'autre part, avec le cynisme ambiant, beaucoup se demandent combien de ces promesses sont véritablement sérieuses, voire même réalisables, ou encore ne sont conçues que dans le seul but de raccoler un segment précis de l'électorat.
L'autre problème, c'est qu'à peu près personne ne parle des divers programmes des partis, à commencer par les principaux intéressés. Les médias n'en font pas leurs manchettes car ils y trouvent rarement de bonnes histoires à raconter. Au final, la majorité des gens se fient sur des impressions ou des idées reçues plutôt que sur un examen systématique et rationnel des programmes électoraux. Connaissez-vous beaucoup de gens qui vont dire qu'ils vont voter pour tel parti parce que ce dernier a inclus telle chose dans son programme? La motivation d'une bonne majorité d'électeurs se trouve ailleurs.
Dans le cas du PQ, son flirt insistant avec Qs a été largement médiatisé pour finalement laisser une forte empreinte dans l'imaginaire colectif, assez pour identifier le PQ comme une formation plutôt à gauche de l'échiquier politique. Un autre exemple: les déclarations maladroites de JFL pour revoir le financement des écoles privées vont braquer contre lui les électeurs de droite sans pour autant lui amener des votes à gauche.
Au final, qu'on le veuille ou non, le geste final posé dans l'isoloir repose essentiellement sur des perceptions. Ce sont ces dernières, beaucoup plus que les éléments de son programme électoral, aussi génial soit-il, qui vont décider du sort du PQ en octobre prochain.
Jean-Charles Morin Répondre
20 juillet 2018"Les politiciens de droite prennent toute la place." - Pierre Gouin
Voilà une réflexion tout à fait pertinente. Il faudrait maintenant se demander pourquoi. Parce que, dans les faits, les formations dites "progressistes" (autrement dit: le PQ et Qs) se sont barricadées dans le coin gauche, là où nichent moins du quart des électeurs, en laissant tout le centre sans combattre au PLQ et à la CAQ. Or c'est au centre que statistiquement se trouve le plus grand bassin d'électeurs. Ces électeurs, souvent nationalistes sans être forcément réactionnaires, ne se retrouvent tout simplement pas dans la vision sociale et économique bureaucratique, dirigiste, culpabilisante et bien-pensante proposée par les formations de gauche.
Assez curieusement, un récent article avançait que toutes les formations politiques avaient amorcé dernièrement un tournant vers la gauche. Pour le PQ et Qs, cela veut dire qu'ils se retirent dans des terres encore plus arides, alors que pour le PLQ et la CAQ, cela revient à constater que ces deux formations de droite se repositionnent davantage au centre, dans la zone électoralement payante. Tous les sondages l'ont depuis confirmé, du moins pour la CAQ, un parti qui peut encore tabler sur sa virginité.
On dit de Jean-François Lisée qu'il est fin stratège, or qu'a-t-il fait de plus significatif depuis son arrivée comme chef? Faire une cour stérile à Québec solidaire en s'affichant comme le champion d'une gauche "progressiste" faisant la promotion d'un modèle "social-démocrate". C'est une erreur d'associer obligatoirement le désir légitime d'indépendance à une vision idéologique qui ne rejoint qu'une fraction des électeurs. Cette attitude est loin d'être rassembleuse et affecte autant le PQ que Qs. Pire encore, sous la houlette de JFL, le PQ a mis l'indépendance en veilleuse au profit d'une vision socialisante, autant rejetée par la droite et le centre que par l'extrême gauche.
Tous les sondages récents prouvent que les résultats désastreux de cette stratégie du politiquement correct gentil et rampant sont bel et bien au rendez-vous pour le scrutin d'octobre prochain. Espérons qu'ils inspireront en temps et lieu à tout le mouvement indépendantiste un changement radical de paradigme.
Christian Rivard Répondre
21 juillet 2018Avez-vous pris le temps de bien analyser le programme du Parti Québécois ? Avant d'être de centre-gauche, il est surtout un programme de reconstruction de l'État québécois. D'abord, 1) le PQ remet entre les mains des Québécois la gouvernance régionale en décentralisant les décisions politiques et économiques aux gens locaux ; 2) le PQ va redonner à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) son rôle initial : développer les PME dans toutes les régions du Québec ; 4) le PQ veulent redonner la CDPQ aux petits épargnants Québécois en leurs autorisant des investissements à la CDPQ au lieu de le faire dans les banques canadiennes ; 5) le PQ veulent protéger par une loi le système scolaire québécois afin d'en assurer son développement par des investissements ou rendre illégal les coupures en éducation ; 6) le PQ veulent développer une compétition aux cliniques privées diriger par les médecins en développant des coopératives de santé dirigées par des infirmières. Ces 7 exemples ne sont qu'une part de ce programme péquiste qui propose davantage de souveraineté dans les domaines politiques, économiques et sociaux que n'importe quelle promotion insipide de l'indépendance du Québec que nous avons vécus depuis le référendum de 1995. Il n'est pas à gauche ni à droite ce programme, c'est une vision responsable et souveraine de la gestion du territoire. À lire - https://pq.org/programme