Les sondages sont des chausse-trappes, convenons-en. Les politiciens en usent lorsqu'ils leur sont favorables et les écartent quand ils les desservent. Tout cela est humain et politiquement ludique. Mais la récurrence des sondages concernant la capacité de la chef de l'opposition Pauline Marois à diriger le Québec nous oblige à réfléchir.
On pourrait même affirmer que les résultats du dernier sondage CROP-La Presse publiés cette semaine — où l'on découvre qu'en dépit de la tourmente politique actuelle dans laquelle est emporté Jean Charest, 25 % des Québécois le perçoivent comme le meilleur pour occuper la tâche de premier ministre, Mme Marois n'étant le choix que de 26 % des électeurs — que ces résultats, donc, sont proprement sidérants dans le contexte. Imagine-t-on les conséquences d'élire un parti dont le chef est perçu comme peu qualifié pour exercer la fonction suprême?
Au cours de sa carrière, Pauline Marois a occupé pas moins de 41 charges ministérielles, parmi lesquelles le poste de vice-première ministre, de ministre de l'Éducation, de la Santé et des Finances. Son expérience considérable n'a pas d'équivalent parmi ses collègues des deux côtés de la Chambre et rend plus dérangeant, en un sens, son incapacité à être perçue comme un potentiel bon premier ministre.
Alors que la crédibilité du Parti libéral est au plus bas, qu'à la faveur d'une élection le Parti québécois remporterait 40 % des suffrages contre 31 % pour le PLQ, que dans les circonscriptions francophones le PQ recevrait 45 % d'appui contre 25 % pour le PLQ, ces résultats semblent montrer, non pas une méfiance, mais une non-confiance envers le leadership de Pauline Marois à la tête du Québec. Ces chiffres, troublants à vrai dire, nous obligent à nous pencher sur la personnalité de Pauline Marois.
Bien sûr, certains, et avant tout certaines, mettront en avant le handicap d'être une femme pour justifier la perception négative qu'indiquent les sondages. Qu'on nous permette d'en douter. Rappelons qu'au sein de son propre parti, lors d'une course à la chefferie, Mme Marois fut écartée au profit d'André Boisclair, dont on connaissait les frasques à la poudre blanche et dont la démission comme chef de l'opposition à la suite d'un incident indigne de sa fonction avait mis en lumière son manque de jugement. Au nom de quels critères le PQ d'alors avait-il écarté la candidate Marois en faveur d'un candidat si discutable? Est-ce bien la femme qu'on avait écartée? Les sondages qui se succèdent et qui démontrent l'incapacité de Mme Marois de s'imposer comme une leader douée et expérimentée pour diriger ce peuple aussi turbulent qu'ambivalent ne nous renvoient-ils pas à la même perception que les membres du PQ lorsqu'ils lui avaient préféré André Boisclair?
Est-ce bien parce qu'elle est femme que Pauline Marois a tant de peine à s'affirmer? Et ne l'a-t-elle pas reconnu elle-même puisqu'elle s'est sentie obligée de faire cette malencontreuse déclaration sur sa capacité d'être une «tueuse» face à ses adversaires? Comme si elle n'arrivait pas à attaquer l'adversaire sans éprouver de déchirement personnel. Comme si la force de frappe nécessaire dans l'arène politique ne lui avait servi qu'à se faire élire après plusieurs tentatives à la direction de son parti.
L'ambition qu'elle a déployée pour parvenir à semer ses opposants au sein du PQ ne suffit plus. L'autorité, la capacité d'enthousiasmer les troupes, la séduction à exercer pour provoquer l'adhésion à sa cause, ces qualités feraient-elles défaut à Pauline Marois? Les électeurs la perçoivent mal à l'aise, engoncée. L'incident de son «humble» chalet dans Charlevoix a tout de même révélé une faille chez elle. En voulant minimiser son aisance matérielle, sa mégarésidence de l'île Bizard en faisant foi, Mme Marois laisse à penser qu'elle a du mal à assumer certaines réalités de sa vie. Faut-il lui rappeler que le sens de la justice n'est pas obligatoirement le fait des plus démunis? Et qu'au contraire, on peut être très à l'aise financièrement et sensible à l'injustice sociale? Cette tentative gauche de camouflage n'a certainement pas joué en sa faveur.
Si la très grande majorité des Québécois n'a pas plus confiance en son talent pour diriger le Québec au moment où le premier ministre actuel est traîné dans la boue par tant de citoyens qui n'espèrent que la défaite de son parti et son départ de la vie politique, quelles seront donc les conditions pour reconnaître à Pauline Marois les qualités de chef?
La politique est cruelle, car elle est aussi affaire de perception. Alors qu'elle devrait être dans l'euphorie de sa victoire appréhendée, alors que ses adversaires sont ébranlés par les allégations et les dénonciations, Pauline Marois n'arrive pas à tirer profit du gros lot à sa portée. Elle peine à se battre et demeure, à vrai dire, dans l'ombre des forts en gueule de son parti. Ses amis souhaitent qu'elle retrouve du tonus, un discours rassembleur et une vision claire de son action. Les Québécois dans leur ensemble sont apparemment plus sceptiques. Les politiciens qui visent le sommet doivent savoir jouer de la conjecture et de la conjoncture. C'est ce qui distingue souvent le premier ministre de ses ministres. Pour ne rien dire de l'art de gouverner.
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denbombardier@videotron.ca
Le cas Pauline Marois
Mais la récurrence des sondages concernant la capacité de la chef de l'opposition Pauline Marois à diriger le Québec nous oblige à réfléchir.
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