Après avoir endormi le Québec entier avec le poncif politiquement correct Canada, une histoire populaire, la CBC va nous assommer avec un autre de ces docudrames conçus, pensés et fabriqués pour l'auditoire anglophone, The Great War, une nouvelle série historique destinée à mousser le nationalisme canadian. Comme d'habitude quand il s'agit d'une opération de propagande de grande envergure, le service auxiliaire francophone de la CBC, la SRC, est embrigadée pour diffuser la version française. Unité nationale oblige.
[->1411]On apprenait dans Le Devoir qu'on allait y réinventer un personnage historique, Talbot Mercer Papineau (prononcez à l'anglaise). Et l'arrière-petit-fils de Louis-Joseph Papineau sera interprété par le fils de Pierre Elliott Trudeau, Justin Trudeau.
Le Canada anglais est un pays à la recherche de héros. On fouille vraiment tous les fonds de poubelles de l'histoire pour en trouver. Le fait qu'on agite ce guignol prétentieux et insignifiant qu'était Talbot Mercer Papineau (1883-1917) en est bien la démonstration. La manoeuvre des propagandistes canadians a quelque chose de pathétique.
Un opportuniste
La vérité historique est que le «héros canadien français» de la série, Talbot Mercer Papineau, était un opportuniste anglo-protestant d'origine américaine qui espérait utiliser son patronyme célèbre pour faire une carrière politique à Ottawa. Voilà ce que dit de lui sa biographe Sandra Gwyn : «Arrière-petit-fils de Louis-Joseph Papineau, Talbot Mercer Papineau, bien qu'il ait porté l'un des noms les plus illustres du Québec, était d'ascendance en grande partie américaine et il fut élevé surtout en anglais.» Sa mère, Caroline Rogers, était issue d'une grande famille de Philadelphie. Talbot Papineau fréquenta le Montreal High School, McGill et Oxford.
Dès le début des hostilités, Talbot s'enrôle dans le Princess Patricia's Canadian Light Infantry. Sandra Gwyn explique que c'est le pari éclairé d'un carriériste : «Même s'il n'avait jamais appartenu à la milice, il savait que de bons états de service favoriseraient son avenir politique.» Après avoir participé à quelques batailles, Papineau, par ses relations, se fait affecter aux services de propagande de l'armée. Pendant que d'autres meurent, il rédige des communiqués exaltants.
Il va aussi se prêter à une opération contre son cousin Henri Bourassa, le fondateur du Devoir, qui est alors le principal porte-parole de l'opposition à la guerre. Une très longue lettre portant sa signature est publiée par l'organe impérialiste et anti-canadien français de toujours, la Montreal Gazette, et reprise par l'ensemble de la presse anglo-canadienne. Dans son attaque contre Henri Bourassa, Talbot Mercer Papineau se présente comme un Canadien français fidèle à la couronne et à l'empire. Son texte sera utilisé à des fins de propagande impérialiste jusqu'en Angleterre. Sous le titre «The soul of Canada», le Times de Londres le publie.
La réponse de Bourassa à son cousin est ironique. Bourassa trouve plutôt cocasse l'imposture qui amène cet Anglo-américain protestant à se faire passer pour un Canadien français. Talbot a appris à parler français en France et le parle avec un accent européen légèrement teinté d'oxfordien. (Un «pure laine» ! J'ai hâte d'entendre Justin dans son rôle.) Soulignant à Talbot Mercer que l'Ontario vient d'adopter le règlement 17 qui abolit les écoles françaises, Henri Bourassa observe : «Prêcher la guerre sainte pour la liberté des peuples outre-mer et opprimer les minorités nationales au Canada n'est, à notre avis, rien d'autre qu'une odieuse hypocrisie.»
Talbot se sert de son cousin comme faire-valoir pour se présenter au Canada anglais comme un ardent défenseur de l'empire. Il dénonce ainsi Henri Bourassa, pour la plus grande satisfaction de ses lecteurs anglophones : «[...] you will bring disfavour and dishonour upon our race, so that whoever bears a
French name in Canada will be an object of suspicion and possibly of hatred» (traduction libre : «vous attirerez la désapprobation et le déshonneur sur notre race, et quiconque portera un nom français au Canada sera dès lors objet de méfiance et peut-être même de haine»). De la part d'un Anglo-américain protestant, son «notre race» est particulièrement savoureux...
Henri Bourassa se demande pourquoi Talbot Mercer a rédigé sa lettre en anglais ? «Surprenant pour un homme qui clame haut et fort ses origines françaises et son amour de la France.»
Le fondateur du Devoir se dit aussi étonné de recevoir une lettre qui s'ouvre et se termine avec des expressions affectueuses alors que les deux hommes se connaissent à peine. Henri Bourassa rappelle à son cousin qu'ils ne se sont parlés qu'une fois dans leur vie de la question nationale et qu'à cette occasion Talbot Mercer, en bon Américain, était encore plus opposé que lui aux liens impériaux. Mais durant une guerre menée par l'empire et soutenue par le Canada anglais, ce n'était pas là une position qui allait gagner des sympathies -- et éventuellement des votes -- au fourbe Talbot Mercer.
Au front, par électoralisme
Talbot Papineau demande d'être muté de nouveau au front. Pas par patriotisme, mais par électoralisme. Son commandant écrit de lui : «[Papineau] a l'intention d'entrer dans la vie publique après la guerre et pense que ses chances seraient meilleures [...] s'il pouvait montrer qu'il se trouvait avec le régiment pendant une grande offensive.»
Les ambitions politiques de Talbot Papineau connurent une fin aussi abrupte que prématurée à Passendaele en Belgique le matin du 30 octobre 1917. Selon le dictionnaire biographique du Canada, juste avant de franchir le parapet pour passer à l'attaque, Talbot Papineau dit à un de ses amis : «You know, Hughie, this is suicide» -- «c'est un suicide». Ce furent ses dernières paroles. Il fut déchiqueté par un obus allemand dès qu'il quitta la tranchée.
Peu avant sa mort, Talbot Mercer avait écrit à sa mère, en anglais bien sûr : «Me voilà presque parvenu à l'âge de 35 ans, et je n'ai rien fait, ou presque.»
Voilà l'individu que la machine de propagande radio-canadienne va mousser comme un héros canadien-français fédéraliste et bilingue. Talbot Mercer Papineau est un French Canadian comme les Canadiens anglais en raffolent. Plus à l'aise en anglais qu'en français, plus habitué aux coutumes et traditions anglaises, et complètement coupé de la réalité du Québec français. Le choix de Justin Trudeau pour incarner le personnage est finalement très approprié.
Normand Lester
_ Auteur du Livre noir du Canada anglais
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Compte-rendu dans la Presse canadienne
_ Le mercredi 02 août 2006
Normand Lester dénonce Justin Trudeau et la série The Great War
Montréal - Le journaliste Normand Lester, ex-employé de longue date de la salle des nouvelles de Radio-Canada, dénonce la société d'État pour son investissement dans la production The Great War, dont la distribution met en vedette Justin Trudeau, fils de l'ex-premier ministre du Canada, Pierre-Elliott Trudeau.
Dans une longue lettre que publie Le Devoir, ce matin, M. Lester qualifie The Great War de docudrame conçu, pensé et fabriqué pour l'auditoire anglophone, déplorant que ce qu'il appelle le service auxiliaire francophone de la CBC, Radio-Canada, soit embrigadé pour diffuser la version française.
Justin Trudeau y incarnera le rôle de Talbot Mercer Papineau, arrière-petit-fils de Louis-Joseph Papineau. Or, Normand Lester résume à sa façon la vie de Talbot Mercer Papineau en termes qui ménagent l'éloge; il le qualifie même de guignol prétentieux et insignifiant.
Normand Lester, auteur de Livre noir du Canada anglais, croit que la CBC a décidé de l'illustrer dans The Great War car le Canada anglais est à tout prix à la recherche de héros. Il ajoute que la vérité historique est que le héros canadien français présenté comme étant Talbot Mercer Papineau était un opportuniste anglo-protestant d'origine américaine qui espérait utiliser son patronyme célèbre pour faire une carrière politique à Ottawa.
Normand Lester se désole enfin que la machine de propagande de la CBC et de Radio-Canada moussera Talbot Mercer Papineau comme un héros canadien-français fédéraliste et bilingue, alors que selon lui, il était complètement coupé de la réalité du Québec français.
M. Lester conclut en écrivant que dans un tel contexte, le choix de Justin Trudeau pour incarner le personnage est finalement très approprié.
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