Stephen Harper l’a confirmé, hier, Ottawa prolonge sa mission de combat en Irak d’un an et l’étend à la Syrie. Ce qu’il faut comprendre par-là, c’est que le Canada participera à des frappes aériennes contre des cibles de l’État islamique en Syrie, pays défiguré par une guerre civile sans précédent depuis quatre ans, sous l’égide de la coalition occidentalo-islamique mise sur pied par Washington en août dernier.
Les Américains sont la véritable locomotive de ce groupe. Le reste du convoi suit. Il est formé de l’Allemagne, de l’Australie, de la Belgique, du Canada, du Danemark, de l’Espagne, de la France, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, du Portugal ainsi que de six pays arabes et musulmans : l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Émirats arabes unis, la Jordanie, le Maroc et le Qatar.
De quelle façon le Canada est impliqué?
Le 2 novembre dernier, Ottawa effectue ses premières frappes près de Falloujah en Irak. Certes, sa participation effective dans cette guerre, c’est-à-dire militaire, reste modeste. On compte six avions de chasse, deux avions de patrouille maritime, un avion ravitailleur ainsi que 600 personnes basées au Koweït. Ce qui se chiffre à 122 millions de dollars au minimum pour une durée de six mois, tel que rapporté par Le Devoir, dans son édition d’aujourd’hui.
Il faut donc voir dans cet appui de Stephen Harper aux États-Unis un caractère hautement symbolique, non négligeable dans le contexte.
Le Canada devient ainsi le premier pays occidental à se ranger du côté américain pour bombarder avec l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Émirats arabes unis, la Jordanie, le Maroc et le Qatar des cibles de l’État islamique en Syrie, un pays certes en grande difficulté mais qui reste à tout le moins souverain.
Que dit le droit international?
Chacun est maître chez soi. Le seul motif qui peut légitimer une intervention militaire contre un autre pays est une agression armée. Mais pas seulement. Il y a également cette disposition des Nations unies qui permet d’intervenir militairement « en cas de menace imminente ou réelle » comme le rappelle Le Monde . Sauf que les États-Unis ne peuvent invoquer cette considération n’étant pas directement attaqués par l’EI. En revanche, des pays voisins de la Syrie, comme la Jordanie par exemple dont les frontières sont menacées par les actions de l’EI, pourraient utiliser cet argument.
Une intervention militaire pourrait aussi être justifiée pour des raisons humanitaires. Il s’agirait alors d’invoquer la « responsabilité de protéger » la population syrienne contre les exactions de l’EI alors que le régime syrien est clairement dépassé par les événements. Mais cette option semble peu probable. La Russie et la Chine s’y opposeraient.
De plus, sans l’accord de l’État concerné, un mandat de l’ONU est indispensable pour ce type d’intervention. Ce qui n’est pas le cas ici.
On comprend bien que l’ouverture de ce second front s’est faite dans un contexte légal bien différent du front irakien où la coalition agit à la demande du gouvernement irakien et est appuyée par l’ONU, dont le Conseil de sécurité a adopté une déclaration exhortant « la communauté internationale, dans le respect du droit international, à renforcer et étendre le soutien au gouvernement irakien dans sa lutte contre l’EI et les groupes armés qui lui sont liés ».
En Syrie, c’est le flou juridique et l’improvisation politique de la communauté internationale qu’on retient en premier. Ce qui est terriblement inquiétant.
Québec soutient Ottawa
En Syrie, le Canada est devenu la caution occidentale des Américains, tout comme l’avait été le Royaume-Uni en 2003 lorsqu’il s’est agi de déloger Saddam Hussein.
A bien y voir, cette guerre est en quelque sorte la continuité d’une politique étrangère des plus désastreuses avec le projet de George W. Bush du « Grand Moyen-Orient« , qui a précipité la région dans le chaos. Depuis, avec la création de l’État islamique, un monstre est né. Que faire?
Les Américains essayent à tout prix de reprendre l’initiative.
Stephen Harper mise sur cette guerre au terrorisme pour se faire réélire. Jean Chrétien, avait adopté la stratégie inverse en 2003. Le Québec était devenu le théâtre de gigantesques manifestations populaires contre la guerre en Irak, ce qui avait convaincu Chrétien de ne pas enfoncer le pays dans un tel bourbier.
Cette fois-ci, le Québec soutient la politique de notre premier ministre conservateur. Ce qui tranche avec notre tradition diplomatique.
Dans toute posture, il existe des avantages et des inconvénients. Dans une excellente chronique, Loïc Tassé, en fait la démonstration. Pour les déterminer faut-il encore en discuter, ce qui n’est pas le cas ici.
Comment peut-on soutenir un projet mal ficelé dont les objectifs restent flous; un projet qui transgresse la légalité internationale et surtout sans un débat au préalable au Parlement, ni à l’Assemblée nationale?
Là, j’avoue, je suis bouche bée face à tant d’irresponsabilité.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé