OTTAWA | L’attitude jugée un peu naïve et jovialiste du Canada au jour 1 de la renégociation de l’ALENA ne fait pas l’unanimité. Certains y voient un pari risqué et un signe d’improvisation, d’autres, une façon habile de charmer ses adversaires.
Le Canada, les États-Unis et le Mexique ont entamé mercredi les pourparlers pour renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en reconnaissant d’emblée que la tâche serait « difficile ».
Le représentant américain Robert Lighthizer a rapidement donné le ton aux discussions, en insistant sur sa volonté de revoir le traité en profondeur.
« L’ALENA est un échec lamentable pour d’innombrables Américains, a-t-il tonné dans sa déclaration d’ouverture à Washington. Nous n’allons pas nous contenter de simples ajustements. »
À l’opposé, la représentante canadienne, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a joué la carte de l’émotion.
En conférence de presse, la ministre Freeland a brandi des photos montrant des pompiers canadiens, américains et mexicains travaillant main dans la main, pour illustrer la force de la relation qui les unit.
Elle a ensuite promis de « garder à l’esprit ces images et ce qu’elles représentent » durant les pourparlers.
Tarte aux pommes
L’économiste Stéphane Paquin se questionne sur cette stratégie pour amadouer les Américains. Surtout qu’Ottawa souhaite ajouter des éléments « progressistes » au traité qui risquent d’échauder la Maison-Blanche, par exemple une référence directe aux « changements climatiques » que ne reconnaît pas le président Trump.
Finalement, le Canada pourrait vite se retrouver seul de son côté de la table des négociations, selon l’expert.
« Il y a tellement de tarte aux pommes et de bons sentiments dans le discours de Mme Freeland qui ne cadre pas dans l’idéologie de l’équipe du président Donald Trump, que le pays risque d’être taxé de naïveté et pourrait être marginalisé dans la négociation », croit M. Paquin.
Pour le chef du NPD, Thomas Mulcair, l’approche de la ministre Freeland dans la négociation sent l’improvisation.
« Le gouvernement Trudeau serait plus crédible s’il avait communiqué avec le public une vision claire d’où il veut aller avec cette négociation », a-t-il réagi.
Jovialisme
L’économiste de l’Université d’Ottawa Patrick Leblond admet que l’approche canadienne est « un peu joviale ».
Mais à son avis, « ça marche », et il s’agit d’une façon habile de bien paraître aux yeux du public américain.
« Le fait de rappeler cette solidarité entre les trois pays vient renforcer la position du Canada dans la négociation », selon l’expert.
« Et surtout, ça rend la menace du retrait de l’ALENA de M. Trump beaucoup moins crédible », ajoute-t-il.
Mais Washington souhaite avant tout s’attaquer au problème du déséquilibre de sa balance commerciale avec le Mexique, qui s’élève à 64 milliards de dollars.
Selon M. Lighthizer, l’ALENA a coûté au moins 700 000 emplois aux États-Unis.
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