Depuis des années, Pauline Marois a fait une priorité du développement du potentiel pétrolier québécois. Cette semaine, elle est passée des paroles aux actes en annonçant une intervention majeure de son gouvernement, prêt à investir jusqu'à 115 millions pour soutenir l'exploration du potentiel pétrolier de l'île d'Anticosti.
On pourra dire que cette annonce se fait dans un contexte préélectoral et qu'elle cherche à montrer que le gouvernement péquiste se préoccupe d'économie. Mais cette initiative comporte des risques politiques importants. Dans ce contexte, Mme Marois a fait preuve de courage.
Car les critiques fuseront de toutes parts. Celles des environnementalistes qui s'opposent, par principe, à toute forme de production pétrolière au Québec. Celles des amis de la nature qui veulent protéger l'île. Celles des nationalistes exacerbés qui jouent la corde des profits que feront des entreprises étrangères avec nos ressources. Celles des conservateurs fiscaux qui dénonceront l'injection de fonds publics dans une aventure très risquée.
Bien sûr, il y a un calcul politique dans l'annonce de Mme Marois. Mais c'est un bon calcul. D'abord parce qu'on parle de pétrole québécois, en bien ou en mal, sans avoir la moindre idée du potentiel. On sait qu'il y a du pétrole de schiste sur l'île d'Anticosti. Mais on ne sait pas quelle quantité il y en a et encore moins si son exploitation serait rentable. Il fallait entreprendre l'exploration pour évaluer ce potentiel. Les entreprises déjà sur place, comme Pétrolia, croient que ce potentiel est énorme; d'autres spécialistes disent le contraire. Il faut aller voir.
Je crois aussi que le gouvernement a pris la bonne approche en s'associant aux entreprises qui détiennent déjà les permis d'exploration, et en injectant des fonds - 70 millions dans un projet et peut-être 45 millions dans un autre - pour être un actionnaire important.
Le risque est énorme. S'il y a une quantité importante de pétrole, le Québec, avec sa participation, s'assure de retirer le gros des bénéfices. 60%, dit Mme Marois. S'il n'y a pas de pétrole exploitable, le Québec perd sa mise. Par contre, on sait que plus le gouvernement s'implique tôt dans le processus, plus il pourra profiter de la manne pétrolière. S'il attend que le potentiel pétrolier soit établi, ça lui coûtera beaucoup plus cher de devenir actionnaire des projets d'exploitation.
Ce choix, risqué, était peut-être nécessaire au plan politique. Pour corriger des dérives que le PQ, dans l'opposition, a copieusement encouragées, dans sa croisade sans nuances contre le gaz de schiste et dans son discours primaire sur les minières qui ne paient pas leur dû. Parce que le gouvernement deviendra un partenaire important, on ne pourra plus parler de «dépossession».
Notons en passant que l'argument classique, «ce pétrole est à nous», est simpliste. Le pétrole, ce n'est pas de l'eau qui coule dans une rivière. Il n'existe pas tant que quelqu'un, un géologue ou une entreprise, n'a pas pris des risques et dépensé des millions pour démontrer son existence et pour le trouver.
Mme Marois devra se battre contre les groupes environnementalistes et Québec solidaire qui, au lieu de militer pour que l'exploitation pétrolière soit respectueuse de l'environnement, ont choisi de dire non au pétrole. Même si, dans la longue période pendant laquelle nous travaillerons à réduire notre dépendance au pétrole, il est plus intelligent d'utiliser le nôtre plutôt que d'importer du pétrole d'outremer.
Mais l'argument massue, c'est que le Québec n'a pas le luxe de se priver d'un levier économique et d'une source de revenus quand il est dans une impasse financière et quand il est loin d'avoir les ressources nécessaires pour répondre à tous les besoins de la société. À mon avis, il serait immoral, dans ces conditions, de se priver de ce potentiel.
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